Search

“Le Vent de la plaine” de John Huston sur Arte, un film rare à la télé française - Télérama.fr

Tourné juste avant “The Misfits”, le film était mal aimé de son réalisateur. Pourtant, en plus des mythiques Audrey Hepburn et Burt Lancaster, il offre d’extraordinaires images des plaines mexicaines et une réflexion forte sur l’identité. À voir dimanche 5 décembre sur Arte.

Le Vent de la plaine (The Unforgiven, « celui qui n’a pas été pardonné », en version originale), seizième film de l’ultra prolifique scénariste et réalisateur américain John Huston, réalisé juste avant son film culte, The Misfits, n’a jamais été diffusé à la télévision sur une chaîne hertzienne, depuis sa sortie au cinéma en 1960. Erreur réparée ce soir grâce à Arte, et c’est en soi, un événement.

Chaussez vos santiags, installez-vous confortablement dans votre canapé, et partez à la découverte de contrées désertiques où la poussière vous colle à la peau, au gré des rafales de vent et de coriaces séances de dressages de chevaux. Avec, dans les rôles principaux, Burt Lancaster et Audrey Hepburn – dans l’unique western de sa carrière – réunis pour la seule et unique fois sur grand écran.

John Huston a 53 ans lorsqu’il s’attelle à cette nouvelle production d’envergure, tirée, comme La Prisonnière du désert tourné trois ans plus tôt par John Ford, d’un roman d’Alan Le May. Ici, la famille Zachary reçoit la visite d’un Indien, du peuple kiowa, qui dit être le frère de Rachel (Audrey Hepburn), recueillie bébé par une famille d’éleveurs de chevaux.

Quand il commence le tournage du film, John Huston est bien installé et respecté comme cinéaste dans le paysage hollywoodien, après avoir notamment réalisé Moulin Rouge, Moby Dick, ou Les Racines du ciel. « Les années 1960 sont une très belle période cinématographique pour John Huston, confirme la réalisatrice Marie Brunet-Debaines, autrice du documentaire John Huston, une âme libre, diffusé juste après le film. C’est après Le Vent de la plaine qu’il réalisera The Misfits et son film sur Freud, dont il était passionné [Freud, passions secrètes, 1962], pour ouvrir une période qui, après ce grand film d’aventures, le fait passer à des choses plus profondes. »

John Huston sur le tournage du « Vent de la plaine », 1960.

John Huston sur le tournage du « Vent de la plaine », 1960.

James Productions

Beaux paysages… et trafic d’art

Avec Le Vent de la plaine il se frotte une nouvelle fois au western, douze ans après Le Trésor de la Sierra Madre (1948). Ces deux films ont été tournés au Durango, une région du Mexique, pays qu’affectionne particulièrement John Huston. Fou de chevaux, il s’y était engagé, plus jeune, comme lieutenant au sein de la cavalerie nationale. Dans son ouvrage John Huston. Biographie, filmographie illustrée, analyse critique (éd. La Martinière, 2003), Patrick Brion écrit que le cinéaste, également collectionneur et amoureux d’art, aurait de plus accepté d’y tourner le film « pour s’occuper de l’achat d’œuvres précolombiennes pour lesquelles il se passionnait. Le tournage lui servait en même temps de paravent pour faciliter un véritable trafic de ces œuvres, théoriquement interdites à l’exportation… »

Comme souvent chez John Huston, ce tournage fut assez mouvementé… En plus de la poussière qui salissait inlassablement les objectifs des caméras, les pellicules étaient développées à Londres, empêchant le réalisateur de vérifier ce qu’il avait tourné. Il fallait aussi composer, comme le raconte Patrick Brion dans son livre, avec la dangerosité de la région et l’outrecuidance de Burt Lancaster, son acteur principal, qui n’hésitait pas à lui prodiguer des conseils – évidemment non sollicités – de mise en scène, ce qui provoqua quelques tensions sur le plateau.

Mais c’est la grave chute de cheval de l’actrice principale du film, Audrey Hepburn, alors enceinte, qui marque le plus la production. Sérieusement blessée au dos, elle se voit contrainte de demeurer hospitalisée six semaines. Et quelques mois après cet accident, fait une fausse couche… John Huston s’est ainsi toujours considéré comme le responsable de cette perte, bien qu’Audrey Hepburn ne l’ait jamais accusé.

“Certains de mes films ne me plaisent guère, mais celui-ci est le seul que je déteste vraiment.” John Huston

Malgré toutes ces péripéties, le tournage prend fin. Et c’est durant la postproduction que la situation s’envenime particulièrement. Dans son autobiographie (An Open Book, éd. Alfred A. Knopf, New York, 1980), John Huston écrivait ainsi : « Je voyais dans cette histoire un potentiel dramatique plus large que celui qui était prévu. Je voulais en faire un plaidoyer contre l’intolérance, le racisme, la morale couramment admise. Malheureusement, les producteurs ne voulaient qu’un banal film d’action avec un homme de l’Ouest plus beau que nature. J’eus le grand tort de ne pas tout envoyer promener. Sans doute le Ciel voulait-il me punir de ne pas avoir été fidèle à mes principes. Certains de mes films ne me plaisent guère, mais celui-ci est le seul que je déteste vraiment. Tout y est faux, grandiloquent, démesuré. Récemment, on le passait à la télévision. J’ai tourné le bouton avant la fin de la première bobine. J’avais honte », écrivait-il. Il déplorait notamment que le personnage de Johnny Portugal, incarné par l’acteur John Saxon, ait été largement raboté au montage, contrôlé qu’il était par les studios…

Burt Lancaster dans «  Le Vent de la plaine  », de John Huston (1960).

Burt Lancaster dans «  Le Vent de la plaine  », de John Huston (1960).

James Productions

A posteriori, on jugera cette autocritique injustement acerbe, tant les sublimes images du directeur de la photographie Franz Planer de ces plaines arides, du visage radieux d’Audrey Hepburn et des yeux bleus de Burt Lancaster envoûtent le spectateur. Sans oublier la scène tragi-comique iconique de Lillian Gish jouant du Mozart sur un piano à queue, dehors, en pleine nuit, pour répondre aux chants de flûtes des Indiens.

Aujourd’hui, une polémique pourrait cependant s’ajouter aux nombreux problèmes que le film a rencontrés, autour de la relation ambiguë qu’entretient Ben Zachary avec sa sœur, adoptive certes, mais sa sœur tout de même…

À voir
Y Le Vent de la plaine, de John Huston (États-Unis, 1960, 116 mn), dimanche 5 décembre, 20h55, Arte. Suivi du documentaire John Huston, une âme libre, à 22h55 (France, inédit. 55mn.)

Adblock test (Why?)

Read Again

Tourné juste avant “The Misfits”, le film était mal aimé de son réalisateur. Pourtant, en plus des mythiques Audrey Hepburn et Burt Lancaster, il offre d’extraordinaires images des plaines mexicaines et une réflexion forte sur l’identité. À voir dimanche 5 décembre sur Arte.

Le Vent de la plaine (The Unforgiven, « celui qui n’a pas été pardonné », en version originale), seizième film de l’ultra prolifique scénariste et réalisateur américain John Huston, réalisé juste avant son film culte, The Misfits, n’a jamais été diffusé à la télévision sur une chaîne hertzienne, depuis sa sortie au cinéma en 1960. Erreur réparée ce soir grâce à Arte, et c’est en soi, un événement.

Chaussez vos santiags, installez-vous confortablement dans votre canapé, et partez à la découverte de contrées désertiques où la poussière vous colle à la peau, au gré des rafales de vent et de coriaces séances de dressages de chevaux. Avec, dans les rôles principaux, Burt Lancaster et Audrey Hepburn – dans l’unique western de sa carrière – réunis pour la seule et unique fois sur grand écran.

John Huston a 53 ans lorsqu’il s’attelle à cette nouvelle production d’envergure, tirée, comme La Prisonnière du désert tourné trois ans plus tôt par John Ford, d’un roman d’Alan Le May. Ici, la famille Zachary reçoit la visite d’un Indien, du peuple kiowa, qui dit être le frère de Rachel (Audrey Hepburn), recueillie bébé par une famille d’éleveurs de chevaux.

Quand il commence le tournage du film, John Huston est bien installé et respecté comme cinéaste dans le paysage hollywoodien, après avoir notamment réalisé Moulin Rouge, Moby Dick, ou Les Racines du ciel. « Les années 1960 sont une très belle période cinématographique pour John Huston, confirme la réalisatrice Marie Brunet-Debaines, autrice du documentaire John Huston, une âme libre, diffusé juste après le film. C’est après Le Vent de la plaine qu’il réalisera The Misfits et son film sur Freud, dont il était passionné [Freud, passions secrètes, 1962], pour ouvrir une période qui, après ce grand film d’aventures, le fait passer à des choses plus profondes. »

John Huston sur le tournage du « Vent de la plaine », 1960.

John Huston sur le tournage du « Vent de la plaine », 1960.

James Productions

Beaux paysages… et trafic d’art

Avec Le Vent de la plaine il se frotte une nouvelle fois au western, douze ans après Le Trésor de la Sierra Madre (1948). Ces deux films ont été tournés au Durango, une région du Mexique, pays qu’affectionne particulièrement John Huston. Fou de chevaux, il s’y était engagé, plus jeune, comme lieutenant au sein de la cavalerie nationale. Dans son ouvrage John Huston. Biographie, filmographie illustrée, analyse critique (éd. La Martinière, 2003), Patrick Brion écrit que le cinéaste, également collectionneur et amoureux d’art, aurait de plus accepté d’y tourner le film « pour s’occuper de l’achat d’œuvres précolombiennes pour lesquelles il se passionnait. Le tournage lui servait en même temps de paravent pour faciliter un véritable trafic de ces œuvres, théoriquement interdites à l’exportation… »

Comme souvent chez John Huston, ce tournage fut assez mouvementé… En plus de la poussière qui salissait inlassablement les objectifs des caméras, les pellicules étaient développées à Londres, empêchant le réalisateur de vérifier ce qu’il avait tourné. Il fallait aussi composer, comme le raconte Patrick Brion dans son livre, avec la dangerosité de la région et l’outrecuidance de Burt Lancaster, son acteur principal, qui n’hésitait pas à lui prodiguer des conseils – évidemment non sollicités – de mise en scène, ce qui provoqua quelques tensions sur le plateau.

Mais c’est la grave chute de cheval de l’actrice principale du film, Audrey Hepburn, alors enceinte, qui marque le plus la production. Sérieusement blessée au dos, elle se voit contrainte de demeurer hospitalisée six semaines. Et quelques mois après cet accident, fait une fausse couche… John Huston s’est ainsi toujours considéré comme le responsable de cette perte, bien qu’Audrey Hepburn ne l’ait jamais accusé.

“Certains de mes films ne me plaisent guère, mais celui-ci est le seul que je déteste vraiment.” John Huston

Malgré toutes ces péripéties, le tournage prend fin. Et c’est durant la postproduction que la situation s’envenime particulièrement. Dans son autobiographie (An Open Book, éd. Alfred A. Knopf, New York, 1980), John Huston écrivait ainsi : « Je voyais dans cette histoire un potentiel dramatique plus large que celui qui était prévu. Je voulais en faire un plaidoyer contre l’intolérance, le racisme, la morale couramment admise. Malheureusement, les producteurs ne voulaient qu’un banal film d’action avec un homme de l’Ouest plus beau que nature. J’eus le grand tort de ne pas tout envoyer promener. Sans doute le Ciel voulait-il me punir de ne pas avoir été fidèle à mes principes. Certains de mes films ne me plaisent guère, mais celui-ci est le seul que je déteste vraiment. Tout y est faux, grandiloquent, démesuré. Récemment, on le passait à la télévision. J’ai tourné le bouton avant la fin de la première bobine. J’avais honte », écrivait-il. Il déplorait notamment que le personnage de Johnny Portugal, incarné par l’acteur John Saxon, ait été largement raboté au montage, contrôlé qu’il était par les studios…

Burt Lancaster dans «  Le Vent de la plaine  », de John Huston (1960).

Burt Lancaster dans «  Le Vent de la plaine  », de John Huston (1960).

James Productions

A posteriori, on jugera cette autocritique injustement acerbe, tant les sublimes images du directeur de la photographie Franz Planer de ces plaines arides, du visage radieux d’Audrey Hepburn et des yeux bleus de Burt Lancaster envoûtent le spectateur. Sans oublier la scène tragi-comique iconique de Lillian Gish jouant du Mozart sur un piano à queue, dehors, en pleine nuit, pour répondre aux chants de flûtes des Indiens.

Aujourd’hui, une polémique pourrait cependant s’ajouter aux nombreux problèmes que le film a rencontrés, autour de la relation ambiguë qu’entretient Ben Zachary avec sa sœur, adoptive certes, mais sa sœur tout de même…

À voir
Y Le Vent de la plaine, de John Huston (États-Unis, 1960, 116 mn), dimanche 5 décembre, 20h55, Arte. Suivi du documentaire John Huston, une âme libre, à 22h55 (France, inédit. 55mn.)

Adblock test (Why?)



Bagikan Berita Ini

0 Response to "“Le Vent de la plaine” de John Huston sur Arte, un film rare à la télé française - Télérama.fr"

Post a Comment

Powered by Blogger.