Que n’a-t-on jamais dit, montré ou raconté sur les amours adolescentes, de sorte qu’un nouveau film sur le sujet n’apparaisse d’emblée complètement essoré ? Si le neuvième long-métrage de l’Américain Paul Thomas Anderson (There Will Be Blood, 2007 ; Phantom Thread, 2017) renouvelle pourtant le genre au-delà de toute attente, ce n’est pas tant par l’originalité de ce qu’il raconte : un garçon et une fille se plaisent, se tournent autour et finissent par s’embrasser – la routine habituelle. C’est plutôt pour avoir vu à travers l’adolescence, qui réitère toujours les mêmes motifs (passage et initiation), un enjeu plus fort : l’incarnation d’une jeunesse susceptible de transcender les époques et de régénérer le cinéma en lui-même. Et, de fait, rarement le cinéma américain récent, hanté par le spectre de son propre déclin, avait-il fait preuve d’une telle capacité d’euphorie que dans ce film allègre et virevoltant.
Cette exaltation, c’est dans le Los Angeles du début des années 1970 que Licorice Pizza va la chercher et dont il tire, au passage, son titre fétiche de « pizza au réglisse », d’après l’enseigne d’une ancienne chaîne de disquaires du Sud californien. Plus précisément, le récit se situe dans la vallée de San Fernando, sorte de village dans la ville, où l’auteur, né en 1970, a grandi, et qu’il reconvoque dans un geste rétrospectif, non sans évoquer celui de Quentin Tarantino avec le récent Once Upon a Time… in Hollywood (2019).
Gary Valentine (Cooper Hoffman), lycéen et enfant acteur se prévalant d’une poignée d’apparitions dans des films à succès, use de tout son aplomb pour inviter à dîner l’assistante du photographe scolaire, Alana Kane (Alana Haim), au caractère bien trempé. Il a 15 ans, elle, 25, mais tous deux ont en partage un même territoire d’adolescence : lui cherchant à la devancer par un esprit d’entreprise à toute épreuve ; elle, qui vit encore chez ses parents (juifs traditionnels), y barbotant plus que de raison, comme dans un bain déjà trop long. Sans trop savoir pourquoi, Alana se met à traîner avec ce gamin attachant, qui gère sa carrière d’acteur en même temps que d’autres affaires, et se lance avec lui dans la vente des matelas à eau. Et si elle se refuse à sortir avec lui, quelque chose fait malgré tout son chemin entre eux, au gré de leurs rencontres et aventures, dans une ville qui pullule de possibles.
Fascination constante
Le coup de génie de Licorice Pizza commence dès son casting. Anderson confie les deux rôles principaux à des débutants, inconnus du grand public : Cooper Hoffman, fils du comédien Philip Seymour Hoffman (1967-2014), et Alana Haim, chanteuse et musicienne du groupe néo-folk Haim, formé avec ses sœurs, dont le cinéaste a réalisé la plupart des clips. A travers eux, il mise sur des physionomies atypiques, résolument non formatées, dont l’irrégularité contient en elle-même toute la fragilité et la primeur de l’adolescence, âge ingrat et glorieux en même temps. Pari réussi. Les deux sont pour la caméra une source de fascination constante. Anderson capte sur les visages les plus infimes variations et, dans celles-ci, la naissance et l’efflorescence des émotions. Ainsi, le cinéaste (crédité avec Michael Bauman au poste de chef-opérateur) fait-il œuvre de peintre, usant de toute sa palette afin de mieux couvrir le spectre expressif de ses deux modèles.
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Read AgainQue n’a-t-on jamais dit, montré ou raconté sur les amours adolescentes, de sorte qu’un nouveau film sur le sujet n’apparaisse d’emblée complètement essoré ? Si le neuvième long-métrage de l’Américain Paul Thomas Anderson (There Will Be Blood, 2007 ; Phantom Thread, 2017) renouvelle pourtant le genre au-delà de toute attente, ce n’est pas tant par l’originalité de ce qu’il raconte : un garçon et une fille se plaisent, se tournent autour et finissent par s’embrasser – la routine habituelle. C’est plutôt pour avoir vu à travers l’adolescence, qui réitère toujours les mêmes motifs (passage et initiation), un enjeu plus fort : l’incarnation d’une jeunesse susceptible de transcender les époques et de régénérer le cinéma en lui-même. Et, de fait, rarement le cinéma américain récent, hanté par le spectre de son propre déclin, avait-il fait preuve d’une telle capacité d’euphorie que dans ce film allègre et virevoltant.
Cette exaltation, c’est dans le Los Angeles du début des années 1970 que Licorice Pizza va la chercher et dont il tire, au passage, son titre fétiche de « pizza au réglisse », d’après l’enseigne d’une ancienne chaîne de disquaires du Sud californien. Plus précisément, le récit se situe dans la vallée de San Fernando, sorte de village dans la ville, où l’auteur, né en 1970, a grandi, et qu’il reconvoque dans un geste rétrospectif, non sans évoquer celui de Quentin Tarantino avec le récent Once Upon a Time… in Hollywood (2019).
Gary Valentine (Cooper Hoffman), lycéen et enfant acteur se prévalant d’une poignée d’apparitions dans des films à succès, use de tout son aplomb pour inviter à dîner l’assistante du photographe scolaire, Alana Kane (Alana Haim), au caractère bien trempé. Il a 15 ans, elle, 25, mais tous deux ont en partage un même territoire d’adolescence : lui cherchant à la devancer par un esprit d’entreprise à toute épreuve ; elle, qui vit encore chez ses parents (juifs traditionnels), y barbotant plus que de raison, comme dans un bain déjà trop long. Sans trop savoir pourquoi, Alana se met à traîner avec ce gamin attachant, qui gère sa carrière d’acteur en même temps que d’autres affaires, et se lance avec lui dans la vente des matelas à eau. Et si elle se refuse à sortir avec lui, quelque chose fait malgré tout son chemin entre eux, au gré de leurs rencontres et aventures, dans une ville qui pullule de possibles.
Fascination constante
Le coup de génie de Licorice Pizza commence dès son casting. Anderson confie les deux rôles principaux à des débutants, inconnus du grand public : Cooper Hoffman, fils du comédien Philip Seymour Hoffman (1967-2014), et Alana Haim, chanteuse et musicienne du groupe néo-folk Haim, formé avec ses sœurs, dont le cinéaste a réalisé la plupart des clips. A travers eux, il mise sur des physionomies atypiques, résolument non formatées, dont l’irrégularité contient en elle-même toute la fragilité et la primeur de l’adolescence, âge ingrat et glorieux en même temps. Pari réussi. Les deux sont pour la caméra une source de fascination constante. Anderson capte sur les visages les plus infimes variations et, dans celles-ci, la naissance et l’efflorescence des émotions. Ainsi, le cinéaste (crédité avec Michael Bauman au poste de chef-opérateur) fait-il œuvre de peintre, usant de toute sa palette afin de mieux couvrir le spectre expressif de ses deux modèles.
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