Le dernier long-métrage en date de Thierry de Peretti s’ouvre sur une formule d’usage bien connue selon laquelle situation et personnages seraient fictifs, et toute ressemblance avec la réalité purement fortuite. Précaution oratoire qui, rappelant le droit à l’imaginaire, désigne en creux la matière hautement inflammable qu’il manipule. Le récit s’inspire en effet de l’affaire François Thierry, ancien cacique de la lutte antidrogue soupçonné d’avoir trempé dans un trafic, à travers le livre L’Infiltré (Robert Laffont, 2017), qu’en avaient tiré le journaliste Emmanuel Fansten et le témoin Hubert Avoine.
Après deux films basés dans sa Corse natale, Les Apaches (2013) et Une vie violente (2017), Peretti poursuit sur la voie d’une politique-fiction qui lui permet de toucher à l’irreprésentable du pouvoir en caressant ses mythologies, cette part d’ombre que Balzac appelait « l’envers de l’histoire contemporaine ». Un des personnages-clés d’Enquête sur un scandale d’Etat dévoile à un moment son projet : rien de moins que de « faire péter la République ».
Puisqu’il est question de mythologies, ce sont d’abord celles d’un certain cinéma de genre, à savoir le thriller paranoïaque, que le film tient en ligne de mire. En octobre 2015, Jacques Billard (Vincent Lindon), chef de l’Office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants (OCRTIS), tient discours devant ses pairs et les éclaire sur sa politique : ne plus se concentrer sur le produit et le laisser passer aux frontières, pour frapper de préférence l’infrastructure du trafic. Mais au même moment, des douanes saisissent sept tonnes de résine dans deux camionnettes garées en plein 8e arrondissement de Paris, quartier huppé, sous les fenêtres d’un baron du cannabis.
Billard se retrouve sur la sellette, sommé de s’expliquer devant la procureure de la République (Valeria Bruni Tedeschi). C’est alors qu’Hubert Antoine (Roschdy Zem), obscur personnage qui prétend avoir été un infiltré aux ordres de Billard, se met à parler à Stéphane Vilner (Pio Marmaï), journaliste à Libération, chargeant lourdement son ancien patron, selon lui à la tête d’un trafic d’Etat. Les révélations vont bon train, le journal suit, mais les propos d’Antoine vont loin et des soupçons apparaissent quant à sa supposée mythomanie. Vilner ne serait-il pas en train de se faire balader, voire instrumentaliser ?
Plus encore que sur le trafic ou la corruption en haut lieu, le film se concentre sur la relation entre le journaliste et l’informateur, personnage ambigu aux propos invérifiables, dont on ne saura jamais s’il dit vrai ou s’il fabule. Entre l’un et l’autre, ce sont deux besoins paranoïaques qui se trouvent, s’abouchent et s’alimentent : besoin de raconter d’un côté, de croire de l’autre, qui scellent une amitié en vase clos, une symbiose qui s’ignore, s’éprouve à coups de gros titres et aboutit à la publication d’un livre.
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Après deux films basés dans sa Corse natale, Les Apaches (2013) et Une vie violente (2017), Peretti poursuit sur la voie d’une politique-fiction qui lui permet de toucher à l’irreprésentable du pouvoir en caressant ses mythologies, cette part d’ombre que Balzac appelait « l’envers de l’histoire contemporaine ». Un des personnages-clés d’Enquête sur un scandale d’Etat dévoile à un moment son projet : rien de moins que de « faire péter la République ».
Puisqu’il est question de mythologies, ce sont d’abord celles d’un certain cinéma de genre, à savoir le thriller paranoïaque, que le film tient en ligne de mire. En octobre 2015, Jacques Billard (Vincent Lindon), chef de l’Office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants (OCRTIS), tient discours devant ses pairs et les éclaire sur sa politique : ne plus se concentrer sur le produit et le laisser passer aux frontières, pour frapper de préférence l’infrastructure du trafic. Mais au même moment, des douanes saisissent sept tonnes de résine dans deux camionnettes garées en plein 8e arrondissement de Paris, quartier huppé, sous les fenêtres d’un baron du cannabis.
Billard se retrouve sur la sellette, sommé de s’expliquer devant la procureure de la République (Valeria Bruni Tedeschi). C’est alors qu’Hubert Antoine (Roschdy Zem), obscur personnage qui prétend avoir été un infiltré aux ordres de Billard, se met à parler à Stéphane Vilner (Pio Marmaï), journaliste à Libération, chargeant lourdement son ancien patron, selon lui à la tête d’un trafic d’Etat. Les révélations vont bon train, le journal suit, mais les propos d’Antoine vont loin et des soupçons apparaissent quant à sa supposée mythomanie. Vilner ne serait-il pas en train de se faire balader, voire instrumentaliser ?
Plus encore que sur le trafic ou la corruption en haut lieu, le film se concentre sur la relation entre le journaliste et l’informateur, personnage ambigu aux propos invérifiables, dont on ne saura jamais s’il dit vrai ou s’il fabule. Entre l’un et l’autre, ce sont deux besoins paranoïaques qui se trouvent, s’abouchent et s’alimentent : besoin de raconter d’un côté, de croire de l’autre, qui scellent une amitié en vase clos, une symbiose qui s’ignore, s’éprouve à coups de gros titres et aboutit à la publication d’un livre.
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