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Le cinéaste Jean-Marie Straub est mort - Le Monde

Jean-Marie Straub lors du 70ème festival international du film à Locarno, en Suisse, le 10 auot 2017.

Cinéaste marxiste, révolté, intransigeant, contestataire, rebelle, orageux et enflammé, Jean-Marie Straub est mort dans la nuit du 19 au 20 novembre à Rolle en Suisse à l’âge de 89 ans. Avec sa compagne Danièle Huillet, disparue le 9 octobre 2006, ils ont écrit en marge du système l’une des pages les plus importantes de la modernité cinématographique, au cours d’une aventure humaine et artistique sans équivalent.

Les « Straub », comme on les appelait, sont parents d’une œuvre parmi les plus belles et exigeantes de l’histoire du cinéma, caractérisée par la mise en images et en sons de textes littéraires ou musicaux, ceux d’auteurs « amis » comme Bertolt Brecht, Friedrich Hölderlin, Jean-Sébastien Bach, Arnold Schönberg, Cesare Pavese, Elio Vittorini, Pierre Corneille ou Franz Kafka. Œuvre portée tout du long par un artisanat irréductible, solidement arrimée à un principe éthique autant qu’esthétique, celui de la réduction des moyens de mise en scène à leur plus stricte nécessité.

Leurs films, réputés difficiles d’accès mais célébrés de par le monde, délivrent une poésie intense, celle d’un monde restitué en bloc, selon ses profondes lignes de fragmentation (lutte des classes, conflits politiques, fractures historiques).

Jean-Marie Straub, né le 8 janvier 1933 à Metz, s’intéresse au cinéma après la guerre, d’abord marqué par les films lyriques et fiévreux de Jean Grémillon, comme Remorques (1941), Lumière d’été (1942) ou Le ciel est à vous (1943), œuvres à la fois populaires et pétries d’audaces formelles, qu’il découvre présentées par l’influent critique Henri Agel au ciné-club « La chambre noire » de Metz. Il y voit également Partie de campagne (1946), de Jean Renoir, et Les Dames du bois de Boulogne (1945), de Robert Bresson, avec un tel engouement que la programmation et l’animation du ciné-club lui échoient. Le jeune Straub envisage alors d’écrire sur le cinéma, sans encore songer à tourner des films. Il poursuit des études de lettres (hypokhâgne) au lycée Fustel-de-Coulanges à Strasbourg, puis passe sa licence à l’université de Nancy.

La Nouvelle Vague

Il s’installe à Paris en novembre 1954, au moment où éclate l’insurrection algérienne. C’est au lycée Voltaire, en classe préparatoire à l’Institut des hautes études cinématographiques (l’ancien nom de la Fémis), dont il sera renvoyé au bout de trois semaines, qu’il rencontre Danièle Huillet. Il fréquente alors la bande des « jeunes Turcs » des Cahiers du cinéma, dont Jacques Rivette, François Truffaut et Jean-Luc Godard, futurs cinéastes de la Nouvelle Vague. Straub reçoit certains d’entre eux, comme Truffaut ou le critique André Bazin (cofondateur des Cahiers), dans son ciné-club, à Metz, pour présenter les films américains de Fritz Lang ou ceux d’Alfred Hitchcock, Charlie Chaplin, Roberto Rossellini, Kenji Mizoguchi – cinéastes qu’il défend ardemment, souvent à contre-courant de la Fédération des ciné-clubs.

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Cinéaste marxiste, révolté, intransigeant, contestataire, rebelle, orageux et enflammé, Jean-Marie Straub est mort dans la nuit du 19 au 20 novembre à Rolle en Suisse à l’âge de 89 ans. Avec sa compagne Danièle Huillet, disparue le 9 octobre 2006, ils ont écrit en marge du système l’une des pages les plus importantes de la modernité cinématographique, au cours d’une aventure humaine et artistique sans équivalent.

Les « Straub », comme on les appelait, sont parents d’une œuvre parmi les plus belles et exigeantes de l’histoire du cinéma, caractérisée par la mise en images et en sons de textes littéraires ou musicaux, ceux d’auteurs « amis » comme Bertolt Brecht, Friedrich Hölderlin, Jean-Sébastien Bach, Arnold Schönberg, Cesare Pavese, Elio Vittorini, Pierre Corneille ou Franz Kafka. Œuvre portée tout du long par un artisanat irréductible, solidement arrimée à un principe éthique autant qu’esthétique, celui de la réduction des moyens de mise en scène à leur plus stricte nécessité.

Leurs films, réputés difficiles d’accès mais célébrés de par le monde, délivrent une poésie intense, celle d’un monde restitué en bloc, selon ses profondes lignes de fragmentation (lutte des classes, conflits politiques, fractures historiques).

Jean-Marie Straub, né le 8 janvier 1933 à Metz, s’intéresse au cinéma après la guerre, d’abord marqué par les films lyriques et fiévreux de Jean Grémillon, comme Remorques (1941), Lumière d’été (1942) ou Le ciel est à vous (1943), œuvres à la fois populaires et pétries d’audaces formelles, qu’il découvre présentées par l’influent critique Henri Agel au ciné-club « La chambre noire » de Metz. Il y voit également Partie de campagne (1946), de Jean Renoir, et Les Dames du bois de Boulogne (1945), de Robert Bresson, avec un tel engouement que la programmation et l’animation du ciné-club lui échoient. Le jeune Straub envisage alors d’écrire sur le cinéma, sans encore songer à tourner des films. Il poursuit des études de lettres (hypokhâgne) au lycée Fustel-de-Coulanges à Strasbourg, puis passe sa licence à l’université de Nancy.

La Nouvelle Vague

Il s’installe à Paris en novembre 1954, au moment où éclate l’insurrection algérienne. C’est au lycée Voltaire, en classe préparatoire à l’Institut des hautes études cinématographiques (l’ancien nom de la Fémis), dont il sera renvoyé au bout de trois semaines, qu’il rencontre Danièle Huillet. Il fréquente alors la bande des « jeunes Turcs » des Cahiers du cinéma, dont Jacques Rivette, François Truffaut et Jean-Luc Godard, futurs cinéastes de la Nouvelle Vague. Straub reçoit certains d’entre eux, comme Truffaut ou le critique André Bazin (cofondateur des Cahiers), dans son ciné-club, à Metz, pour présenter les films américains de Fritz Lang ou ceux d’Alfred Hitchcock, Charlie Chaplin, Roberto Rossellini, Kenji Mizoguchi – cinéastes qu’il défend ardemment, souvent à contre-courant de la Fédération des ciné-clubs.

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