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« Star Academy » : Quand les écoles de comédie musicale jugent les profs et les cours de l’émission… - 20 Minutes

Elle passionne, elle énerve, elle fait vibrer… Une chose est sûre : la Star Academy a réussi son retour sur TF1 en retrouvant les codes qui l’ont faite briller il y a une vingtaine d’années. Créée en 2001, l’émission a, au fil des saisons, « changé de braquet pour que ce soit une école de chant », déclarait le producteur Mathieu Vergne au micro d’Europe 1 avant la diffusion du premier prime du nouveau millésime, mi-octobre. « Ce qui fait la saveur du programme, ce sont les élèves […] qui apprennent un métier, à être un artiste complet avec un corps professoral », soulignait-il.

Les équipes de l’émission insistent sur le fait qu’elle n’est plus une téléréalité mais bien une école de musique. Si les staracadémiciens sont enfermés, c’est « parce que c’est une académie, qu’ils ont leurs cours », affirmait ainsi récemment l’animatrice (et ancienne candidate) Karima Charni, sur le plateau de C Médiatique, sur France 5. Les candidats sont des « élèves », accompagnés par des « professeurs » et notés lors « d’évaluations » hebdomadaires. Tout un lexique qui participe à faire comprendre au téléspectateur que les artistes en herbe sont là pour apprendre à devenir la « star » promise par le titre du programme.

Mais que pensent les vraies écoles de comédie musicale de ce dispositif filmant ses élèves 24h/24 et diffusant leurs apprentissages dans une émission quotidienne. 20 Minutes a posé la question à plusieurs d’entre elles.

« On ne travaille pas la voix n’importe comment »

« La rencontre avec un professeur compétent, même sur un court laps de temps, peut amener une évolution », lance d’emblée Laurent Mercou, directeur de l’Rcole professionnelle de comédie musicale (ECPM), à Paris. Marlène Schaff, l’une des enseignantes de son établissement, est d’ailleurs répétitrice auprès de staracadémiciens.

L’équipe de coachs qui encadrent les jeunes artistes est composée de « véritables professionnels », confirme Claire Jomard, directrice de l’Académie internationale de comédie musicale (Aicom) de Paris. « C’est vraiment chouette car ça montre qu’on ne travaille pas la voix et le corps n’importe comment », se réjouit-elle.

Pour Nathalie Lefèvre, directrice et fondatrice des Ateliers professionnels des inclassables (API) confirme que Marlène Schaff a également travaillé dans son établissement, tout comme Laure Balon, la professeur d'expression scénique. Selon elle, l’émission mériterait toutefois d’être plus transparente sur l’expérience de ses candidats. « La plupart ont déjà un long parcours de formation derrière eux. Ce serait bien qu’on nous dise combien d’années ils ont passées dans une école de comédie musicale afin que les spectateurs comprennent qu’on n’atteint pas un tel niveau en quelques semaines. » Elle estime plutôt que l’émission fonctionne comme un « gros casting » en plusieurs étapes, semblables à celles qui ont cours dans le métier.

« Je trouve les évaluations ridicules »

Pour désigner les « nommés » risquant l’élimination lors du prime du samedi, les élèves se plient chaque mardi à l’épreuve des évaluations. Face aux professeurs, ils exécutent une chorégraphie et interprètent une ou plusieurs chansons. Ils sont ensuite notés et classés. Les élèves du bas du classement sont alors soumis aux votes des téléspectateurs. « Je trouve ça ridicule », tranche Sylvia Besnault, directrice de la Broadway School de Poitiers, une école enseignant la comédie musicale comme un loisir à raison de deux heures de cours par semaine. « De notre côté, on n’évalue pas à la note. Je suis issue de l’Education nationale et je vois trop les méfaits de ce type d’évaluation qui ne veut rien dire. Pour nous, l’évaluation c’est la scène lors de nos spectacles. »

À l’Aicom, les 300 élèves suivent un programme pédagogique précis avec des objectifs à atteindre, tels que « savoir projeter sa voix et avoir une bonne diction », « être capable de faire un demi-plié en danse »… Ces compétences sont observées en contrôle continu à chaque cours et lors de « castings blancs », « car chaque étudiant mérite son retour individuel », insiste Claire Jomard. Elle ajoute : « On ne classe pas les gens. »

Concernant la temporalité des apprentissages de la Star Academy, tous les professionnels s’accordent à dire qu’elle ne permet pas un vrai développement artistique. « Sur six semaines, on peut apprendre des tas de choses, c’est certain. Mais c’est plutôt du coaching… Maîtriser une profession, ça prend des années », assure Nathalie Lefèvre. « C’est comme comparer des antibiotiques à un soin quotidien, l’un aura un effet rapide et efficace et l’autre un effet plus durable », sourit-elle.

Les caméras, frein au naturel

Soixante caméras enregistrent les faits et gestes des élèves lors des cours et dans leur vie quotidienne au château. Laurent Mercou juge que cela « fausse le naturel nécessaire à une démarche artistique ». « Le fait d’être regardé dans un processus d’évolution est biaisé, ce n’est pas naturel. » Selon ce professionnel, évoluer nécessite une introspection qui n’est pas possible avec la pression des caméras qui sont un frein au naturel.

« Nous, on fait absolument l’inverse qu’à la Star Academy, on estime qu’une progression doit se faire dans le silence, sans être en danger dès quon fait un pas de côté », détaille Nathalie Lefèvre. Elle établit une analogie en évoquant le cas d’un enfant qui n’écrit pas bien : « Si on expose ses lacunes, il n’écrira plus. »

Apprendre à être artiste, « c’est possible »

« Les candidats vivent un truc carrément dingue, c’est certain », poursuit-elle. Même si la pédagogie s’écarte du cursus de véritables écoles artistiques, les directeurs d’écoles de comédie musicales confirment l’intérêt du programme. « Ça permet un tremplin de visibilité, de mettre en lumière des artistes », souligne Claire Jomard. Elle précise que Stanislas, actuellement locataire du château est passé par les bancs de l’Aicom avant d’intégrer Star Academy.

« Ce n’est pas une école telle que la nôtre mais ça reste une expérience particulière utile, un accélérateur pour entrer dans le métier d’artiste. Cela permet aussi de se constituer un carnet d’adresses de manière accélérée », estime Sylvie Besnault.

Le contexte de pression permanente dû aux caméras et aux primes permet aussi « de faire des évolutions importantes », suggère Laurent Mercou. Lorsqu’il regarde Star Academy, il voit davantage un divertissement qu’une l’école de musique : « Tout est construit pour le jeu, j’espère simplement que la production fait attention à ne pas rendre cela trop violents pour les artistes. »

L’émission est un coup de projecteur sur la possibilité d’être artiste via une formation. « Ça peut sensibiliser au fait que tout le monde peut avoir accès au chant, à la danse et au théâtre, se réjouit Claire Jomard. Et j’espère que, grâce à ça, des jeunes se disent qu’ils peuvent venir se former dans des écoles telles que les nôtres. »

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Elle passionne, elle énerve, elle fait vibrer… Une chose est sûre : la Star Academy a réussi son retour sur TF1 en retrouvant les codes qui l’ont faite briller il y a une vingtaine d’années. Créée en 2001, l’émission a, au fil des saisons, « changé de braquet pour que ce soit une école de chant », déclarait le producteur Mathieu Vergne au micro d’Europe 1 avant la diffusion du premier prime du nouveau millésime, mi-octobre. « Ce qui fait la saveur du programme, ce sont les élèves […] qui apprennent un métier, à être un artiste complet avec un corps professoral », soulignait-il.

Les équipes de l’émission insistent sur le fait qu’elle n’est plus une téléréalité mais bien une école de musique. Si les staracadémiciens sont enfermés, c’est « parce que c’est une académie, qu’ils ont leurs cours », affirmait ainsi récemment l’animatrice (et ancienne candidate) Karima Charni, sur le plateau de C Médiatique, sur France 5. Les candidats sont des « élèves », accompagnés par des « professeurs » et notés lors « d’évaluations » hebdomadaires. Tout un lexique qui participe à faire comprendre au téléspectateur que les artistes en herbe sont là pour apprendre à devenir la « star » promise par le titre du programme.

Mais que pensent les vraies écoles de comédie musicale de ce dispositif filmant ses élèves 24h/24 et diffusant leurs apprentissages dans une émission quotidienne. 20 Minutes a posé la question à plusieurs d’entre elles.

« On ne travaille pas la voix n’importe comment »

« La rencontre avec un professeur compétent, même sur un court laps de temps, peut amener une évolution », lance d’emblée Laurent Mercou, directeur de l’Rcole professionnelle de comédie musicale (ECPM), à Paris. Marlène Schaff, l’une des enseignantes de son établissement, est d’ailleurs répétitrice auprès de staracadémiciens.

L’équipe de coachs qui encadrent les jeunes artistes est composée de « véritables professionnels », confirme Claire Jomard, directrice de l’Académie internationale de comédie musicale (Aicom) de Paris. « C’est vraiment chouette car ça montre qu’on ne travaille pas la voix et le corps n’importe comment », se réjouit-elle.

Pour Nathalie Lefèvre, directrice et fondatrice des Ateliers professionnels des inclassables (API) confirme que Marlène Schaff a également travaillé dans son établissement, tout comme Laure Balon, la professeur d'expression scénique. Selon elle, l’émission mériterait toutefois d’être plus transparente sur l’expérience de ses candidats. « La plupart ont déjà un long parcours de formation derrière eux. Ce serait bien qu’on nous dise combien d’années ils ont passées dans une école de comédie musicale afin que les spectateurs comprennent qu’on n’atteint pas un tel niveau en quelques semaines. » Elle estime plutôt que l’émission fonctionne comme un « gros casting » en plusieurs étapes, semblables à celles qui ont cours dans le métier.

« Je trouve les évaluations ridicules »

Pour désigner les « nommés » risquant l’élimination lors du prime du samedi, les élèves se plient chaque mardi à l’épreuve des évaluations. Face aux professeurs, ils exécutent une chorégraphie et interprètent une ou plusieurs chansons. Ils sont ensuite notés et classés. Les élèves du bas du classement sont alors soumis aux votes des téléspectateurs. « Je trouve ça ridicule », tranche Sylvia Besnault, directrice de la Broadway School de Poitiers, une école enseignant la comédie musicale comme un loisir à raison de deux heures de cours par semaine. « De notre côté, on n’évalue pas à la note. Je suis issue de l’Education nationale et je vois trop les méfaits de ce type d’évaluation qui ne veut rien dire. Pour nous, l’évaluation c’est la scène lors de nos spectacles. »

À l’Aicom, les 300 élèves suivent un programme pédagogique précis avec des objectifs à atteindre, tels que « savoir projeter sa voix et avoir une bonne diction », « être capable de faire un demi-plié en danse »… Ces compétences sont observées en contrôle continu à chaque cours et lors de « castings blancs », « car chaque étudiant mérite son retour individuel », insiste Claire Jomard. Elle ajoute : « On ne classe pas les gens. »

Concernant la temporalité des apprentissages de la Star Academy, tous les professionnels s’accordent à dire qu’elle ne permet pas un vrai développement artistique. « Sur six semaines, on peut apprendre des tas de choses, c’est certain. Mais c’est plutôt du coaching… Maîtriser une profession, ça prend des années », assure Nathalie Lefèvre. « C’est comme comparer des antibiotiques à un soin quotidien, l’un aura un effet rapide et efficace et l’autre un effet plus durable », sourit-elle.

Les caméras, frein au naturel

Soixante caméras enregistrent les faits et gestes des élèves lors des cours et dans leur vie quotidienne au château. Laurent Mercou juge que cela « fausse le naturel nécessaire à une démarche artistique ». « Le fait d’être regardé dans un processus d’évolution est biaisé, ce n’est pas naturel. » Selon ce professionnel, évoluer nécessite une introspection qui n’est pas possible avec la pression des caméras qui sont un frein au naturel.

« Nous, on fait absolument l’inverse qu’à la Star Academy, on estime qu’une progression doit se faire dans le silence, sans être en danger dès quon fait un pas de côté », détaille Nathalie Lefèvre. Elle établit une analogie en évoquant le cas d’un enfant qui n’écrit pas bien : « Si on expose ses lacunes, il n’écrira plus. »

Apprendre à être artiste, « c’est possible »

« Les candidats vivent un truc carrément dingue, c’est certain », poursuit-elle. Même si la pédagogie s’écarte du cursus de véritables écoles artistiques, les directeurs d’écoles de comédie musicales confirment l’intérêt du programme. « Ça permet un tremplin de visibilité, de mettre en lumière des artistes », souligne Claire Jomard. Elle précise que Stanislas, actuellement locataire du château est passé par les bancs de l’Aicom avant d’intégrer Star Academy.

« Ce n’est pas une école telle que la nôtre mais ça reste une expérience particulière utile, un accélérateur pour entrer dans le métier d’artiste. Cela permet aussi de se constituer un carnet d’adresses de manière accélérée », estime Sylvie Besnault.

Le contexte de pression permanente dû aux caméras et aux primes permet aussi « de faire des évolutions importantes », suggère Laurent Mercou. Lorsqu’il regarde Star Academy, il voit davantage un divertissement qu’une l’école de musique : « Tout est construit pour le jeu, j’espère simplement que la production fait attention à ne pas rendre cela trop violents pour les artistes. »

L’émission est un coup de projecteur sur la possibilité d’être artiste via une formation. « Ça peut sensibiliser au fait que tout le monde peut avoir accès au chant, à la danse et au théâtre, se réjouit Claire Jomard. Et j’espère que, grâce à ça, des jeunes se disent qu’ils peuvent venir se former dans des écoles telles que les nôtres. »

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