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« 16 ans », le nouveau film de Philippe Lioret : un amour lumineux face au poids social - Le Monde

Nora (Sabrina Levoye) dans « 16 ans », de Philippe Lioret.

Le cinéma étant un sport collectif, il est capital de savoir s’entourer. Ce que ne manque pas de faire Philippe Lioret, confiant à un jeune talent, William Shakespeare, le scénario de son nouveau film. Ce Roméo et Juliette des temps présents – venant après beaucoup d’autres et non des moindres – présente cependant l’avantage d’une vraie fraîcheur, à l’image du jeune couple contrarié, et plus encore de ses lumineux interprètes, qui est au cœur de son intrigue. Nora Kadri (Sabrina Levoye) et Léo Cavani (Teïlo Azaïs) se rencontrent à leur entrée en classe de 2de.

Il ne leur faut pas longtemps, à 16 ans, pour s’aimanter l’un l’autre de manière irrépressible, avec ce mélange de candeur et de fougue propre à cet âge. Parallèlement à leur rencontre, Tarek, le frère de Nora, manutentionnaire dans l’hypermarché de la ville, se fait accuser par un des cadres du magasin du vol d’une bouteille d’un grand cru, méfait qu’il nie vigoureusement en insultant ledit cadre, ce qui incite le directeur de l’établissement à le renvoyer sans autre forme de procès.

De cet incident malheureux – où affleure un sentiment de justice expéditive, voire de prévention ethnique – naîtra une rancœur qui empoisonnera de manière tragique la belle relation naissante entre Nora et Léo. Car, si Tarek est le frère de Nora, Franck, le directeur de l’hypermarché, est le père de Léo. Et tout cela finira naturellement par se savoir. L’anicroche, à cet égard, pourrait passer pour contingente à mesure qu’on progresse dans l’intrigue, tant la manière dont Philippe Lioret campe les protagonistes ne laisse guère de doute sur le déclenchement du conflit qui les broiera. Tarek est en effet un écorché vif mais aussi un fauteur de troubles aussi violent que paumé. Quant à son père, ouvrier immigré confiné en HLM, dont le sentiment de fierté se reporte entièrement sur la tutelle domestique, il soumet toute la maisonnée à une loi qui n’est autre que la sienne.

Mépris réciproque

Du côté des Cavani, dont on peut supposer qu’ils ont aussi connu les affres de l’immigration, règne, autour de la villa avec piscine, le schéma directeur de l’ascension sociale, pour ne pas dire de l’arrivisme, avec l’angoisse consécutive de déchoir de l’élévation bourgeoise qu’on a gagnée à la force du poignet. Le mépris social est clair. Le racisme, sous-jacent, non exprimé, est éventuellement en prime. Il va sans dire que l’ignorance et le mépris réciproques que se vouent ces milieux n’attendent qu’une étincelle pour se transformer en haine.

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Le cinéma étant un sport collectif, il est capital de savoir s’entourer. Ce que ne manque pas de faire Philippe Lioret, confiant à un jeune talent, William Shakespeare, le scénario de son nouveau film. Ce Roméo et Juliette des temps présents – venant après beaucoup d’autres et non des moindres – présente cependant l’avantage d’une vraie fraîcheur, à l’image du jeune couple contrarié, et plus encore de ses lumineux interprètes, qui est au cœur de son intrigue. Nora Kadri (Sabrina Levoye) et Léo Cavani (Teïlo Azaïs) se rencontrent à leur entrée en classe de 2de.

Il ne leur faut pas longtemps, à 16 ans, pour s’aimanter l’un l’autre de manière irrépressible, avec ce mélange de candeur et de fougue propre à cet âge. Parallèlement à leur rencontre, Tarek, le frère de Nora, manutentionnaire dans l’hypermarché de la ville, se fait accuser par un des cadres du magasin du vol d’une bouteille d’un grand cru, méfait qu’il nie vigoureusement en insultant ledit cadre, ce qui incite le directeur de l’établissement à le renvoyer sans autre forme de procès.

De cet incident malheureux – où affleure un sentiment de justice expéditive, voire de prévention ethnique – naîtra une rancœur qui empoisonnera de manière tragique la belle relation naissante entre Nora et Léo. Car, si Tarek est le frère de Nora, Franck, le directeur de l’hypermarché, est le père de Léo. Et tout cela finira naturellement par se savoir. L’anicroche, à cet égard, pourrait passer pour contingente à mesure qu’on progresse dans l’intrigue, tant la manière dont Philippe Lioret campe les protagonistes ne laisse guère de doute sur le déclenchement du conflit qui les broiera. Tarek est en effet un écorché vif mais aussi un fauteur de troubles aussi violent que paumé. Quant à son père, ouvrier immigré confiné en HLM, dont le sentiment de fierté se reporte entièrement sur la tutelle domestique, il soumet toute la maisonnée à une loi qui n’est autre que la sienne.

Mépris réciproque

Du côté des Cavani, dont on peut supposer qu’ils ont aussi connu les affres de l’immigration, règne, autour de la villa avec piscine, le schéma directeur de l’ascension sociale, pour ne pas dire de l’arrivisme, avec l’angoisse consécutive de déchoir de l’élévation bourgeoise qu’on a gagnée à la force du poignet. Le mépris social est clair. Le racisme, sous-jacent, non exprimé, est éventuellement en prime. Il va sans dire que l’ignorance et le mépris réciproques que se vouent ces milieux n’attendent qu’une étincelle pour se transformer en haine.

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