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“#JeSuisLà”, sur France 2 : de l'art de mettre en scène les petits écrans sur le grand - Télérama.fr

Le long métrage d’Éric Lartigau, diffusé ce dimanche à 21h10 sur France 2, fait apparaître les échanges numériques d’Alain Chabat et Doona Bae. Un procédé utilisé avec plus ou moins d’habileté au cinéma.

Dans « #JeSuisLà », un cuisinier basque joué par Alain Chabat attend l’amour dans un aéroport.

Dans « #JeSuisLà », un cuisinier basque joué par Alain Chabat attend l’amour dans un aéroport. Photo Benoit Fatou/Rectangle Productions

Par Augustin Pietron-Locatelli

Publié le 16 avril 2023 à 20h00

Il y a une très belle idée de mise en scène dans #JeSuisLà. Alors que le cuisinier basque que joue Alain Chabat textote au volant à propos de cerisiers en fleur à Séoul, ses messages et lesdits arbres fruitiers viennent occulter la totalité de son pare-brise. Obnubilé, il ne voit plus rien d’autre, pas même la route.

Avant cela, il avait passé toute la première partie du film à pianoter sur son téléphone dans un dialogue à distance avec une Coréenne incarnée par Doona Bae, échanges numériques qu’il fallait bien réussir à mettre en scène. Le film d’Éric Lartigau opte pour des messages qui flottent à l’écran, ainsi qu’une sorte de version neutre et épurée d’Instagram pour le partage de photos. Technique qu’adopte aussi La Plus Belle pour aller danser, de Victoria Bedos (en salles mercredi prochain), avec deux avantages pour ces « faux » Instagram : ils vieilliront moins vite qu’une interface connue, et évitent l’effet « pub de luxe » dans lequel saute à pieds joints un film comme Unlocked, qui joue avec les « vraies » applications.

Mais, au-delà de leur esthétique, ces messages à l’écran répondent à un enjeu, celui de l’intégration des téléphones et autres missives numériques aux intrigues : comment filmer ces petits écrans pour que ce qui y figure soit lisible et sans alourdir le récit ?

L’intérêt d’un gros plan sur un téléphone reste ultra limité. C’est (entre autres) ce qui ne fonctionne pas dans le Personal Shopper d’Olivier Assayas, par exemple. Toute la mise en scène des textos reçus par le personnage principal harcelé repose sur un nombre exponentiel de champs-contrechamps inutiles. Le texte n’y est pas suffisamment important pour que l’insert sur l’écran du téléphone soit nécessaire, et pourtant, ils se multiplient. C’était aussi la technique Gossip Girl, l’iPhone en moins – la série se déroule dix ans plus tôt, époque T9.

La bonne idée – incruster les messages à l’écran – apparaît pourtant dès le tout début des années 2000 dans plusieurs films asiatiques. Hollywood s’en empare un peu plus tardivement, le réserve dans un premier temps aux films pour ados – vous savez, ceux qui n’arrivent pas à lâcher leurs portables…. Dans LOL USA et Nos étoiles contraires, les textos flottent dans les airs, ou suivent les mouvements des personnages dans Men, Women and Children, de Jason Reitman.

Puis les adultes se mettent aussi aux SMS, comme Frank Underwood dans House of Cards (2013), avec une esthétique qui ancre l’œuvre dans la fin des années 2000. La série britannique Sherlock (2010) résout ce problème et intègre de brefs textes blancs, sans interfaces, dans ses cadres. Ils émanent presque des personnages, et, pour le spectateur, la compréhension est immédiate . #JeSuisLà se situe dans cet entre-deux, version actuelle d’un concept désormais classique.

D’autres innovent pour éviter ces textes flottants, avec une pirouette de montage comme Bertrand Bonello : un split-screen dans Zombi Child, pour que figurent à la fois sur l’écran le visage de son héroïne et ce qu’elle fait sur son téléphone. Mais on peut désormais aller encore plus loin et faire se dérouler un film entièrement sur un écran. Comme le court métrage américain Noah (2013), dont le protagoniste reste invisible, ou les films Searching : Portée disparue (2018) et sa vraie-fausse suite Missing : Disparition inquiétante (2023), dans lesquels les héros enquêtent sur des kidnappings via toutes les applications dont ils disposent. Avec une limite à cette forme de narration, toutefois : pour qu’il demeure un semblant de vie sur l’écran, les personnages doivent laisser Face Time ouvert en permanence, sinon leurs webcams ne les « voient » pas. Qui fait ça ? Absolument personne…

q #JeSuisLà, d’Éric Lartigau (1h40, France, 2020). Avec Alain Chabat, Blanche Gardin et Doona Bae. À 21h10 sur France 2.

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Le long métrage d’Éric Lartigau, diffusé ce dimanche à 21h10 sur France 2, fait apparaître les échanges numériques d’Alain Chabat et Doona Bae. Un procédé utilisé avec plus ou moins d’habileté au cinéma.

Dans « #JeSuisLà », un cuisinier basque joué par Alain Chabat attend l’amour dans un aéroport.

Dans « #JeSuisLà », un cuisinier basque joué par Alain Chabat attend l’amour dans un aéroport. Photo Benoit Fatou/Rectangle Productions

Par Augustin Pietron-Locatelli

Publié le 16 avril 2023 à 20h00

Il y a une très belle idée de mise en scène dans #JeSuisLà. Alors que le cuisinier basque que joue Alain Chabat textote au volant à propos de cerisiers en fleur à Séoul, ses messages et lesdits arbres fruitiers viennent occulter la totalité de son pare-brise. Obnubilé, il ne voit plus rien d’autre, pas même la route.

Avant cela, il avait passé toute la première partie du film à pianoter sur son téléphone dans un dialogue à distance avec une Coréenne incarnée par Doona Bae, échanges numériques qu’il fallait bien réussir à mettre en scène. Le film d’Éric Lartigau opte pour des messages qui flottent à l’écran, ainsi qu’une sorte de version neutre et épurée d’Instagram pour le partage de photos. Technique qu’adopte aussi La Plus Belle pour aller danser, de Victoria Bedos (en salles mercredi prochain), avec deux avantages pour ces « faux » Instagram : ils vieilliront moins vite qu’une interface connue, et évitent l’effet « pub de luxe » dans lequel saute à pieds joints un film comme Unlocked, qui joue avec les « vraies » applications.

Mais, au-delà de leur esthétique, ces messages à l’écran répondent à un enjeu, celui de l’intégration des téléphones et autres missives numériques aux intrigues : comment filmer ces petits écrans pour que ce qui y figure soit lisible et sans alourdir le récit ?

L’intérêt d’un gros plan sur un téléphone reste ultra limité. C’est (entre autres) ce qui ne fonctionne pas dans le Personal Shopper d’Olivier Assayas, par exemple. Toute la mise en scène des textos reçus par le personnage principal harcelé repose sur un nombre exponentiel de champs-contrechamps inutiles. Le texte n’y est pas suffisamment important pour que l’insert sur l’écran du téléphone soit nécessaire, et pourtant, ils se multiplient. C’était aussi la technique Gossip Girl, l’iPhone en moins – la série se déroule dix ans plus tôt, époque T9.

La bonne idée – incruster les messages à l’écran – apparaît pourtant dès le tout début des années 2000 dans plusieurs films asiatiques. Hollywood s’en empare un peu plus tardivement, le réserve dans un premier temps aux films pour ados – vous savez, ceux qui n’arrivent pas à lâcher leurs portables…. Dans LOL USA et Nos étoiles contraires, les textos flottent dans les airs, ou suivent les mouvements des personnages dans Men, Women and Children, de Jason Reitman.

Puis les adultes se mettent aussi aux SMS, comme Frank Underwood dans House of Cards (2013), avec une esthétique qui ancre l’œuvre dans la fin des années 2000. La série britannique Sherlock (2010) résout ce problème et intègre de brefs textes blancs, sans interfaces, dans ses cadres. Ils émanent presque des personnages, et, pour le spectateur, la compréhension est immédiate . #JeSuisLà se situe dans cet entre-deux, version actuelle d’un concept désormais classique.

D’autres innovent pour éviter ces textes flottants, avec une pirouette de montage comme Bertrand Bonello : un split-screen dans Zombi Child, pour que figurent à la fois sur l’écran le visage de son héroïne et ce qu’elle fait sur son téléphone. Mais on peut désormais aller encore plus loin et faire se dérouler un film entièrement sur un écran. Comme le court métrage américain Noah (2013), dont le protagoniste reste invisible, ou les films Searching : Portée disparue (2018) et sa vraie-fausse suite Missing : Disparition inquiétante (2023), dans lesquels les héros enquêtent sur des kidnappings via toutes les applications dont ils disposent. Avec une limite à cette forme de narration, toutefois : pour qu’il demeure un semblant de vie sur l’écran, les personnages doivent laisser Face Time ouvert en permanence, sinon leurs webcams ne les « voient » pas. Qui fait ça ? Absolument personne…

q #JeSuisLà, d’Éric Lartigau (1h40, France, 2020). Avec Alain Chabat, Blanche Gardin et Doona Bae. À 21h10 sur France 2.

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