Search

« Wahou ! », de Bruno Podalydès : le vague à l'âme d'un truculent duo d'agents immobiliers - Le Monde

Sabine Azéma et Karine Viard dans « Wahou ! », de Bruno Podalydès.

L’argument est simple comme bonjour. Deux agents immobiliers font visiter à tour de rôle deux biens, à Bougival, dans les Yvelines. D’une part, un deux-pièces fonctionnel dans le centre-ville ; d’autre part, une grande maison bourgeoise « piscinable » avec vue sur le RER et des travaux à prévoir. En termes de mise en scène (ou de philosophie chinoise) : le vide et le plein (le yin et le yang). Rien de mieux pour rendre compte des valeurs du neuf et de l’ancien, du pratique et du charme, de la raison et du cœur.

Disons-le d’emblée, ce film, tourné en moins d’un mois, est une réussite qui suscite le fameux « waouh » après lequel courent les deux conseillers.

Quelques mots sur eux. Oracio (Bruno Podalydès) s’emmêle facilement les clés mais sait jouer sur les cordes sensibles. Il donne à son stagiaire (Victor Lefebvre) des conseils épatants – conseiller, accompagner, avoir réponse à tout, parler de « bien d’exception », capito ? – qui s’avèrent, dans les faits, franchement dispensables. Et puis il y a Catherine (Karin Viard), veuve depuis peu. Prévoyante et consciencieuse, elle traverse la commune en un rien de temps sur un petit scooter facile à garer, et enfile des surchaussures médicales lorsqu’elle fait visiter l’appartement dont elle connaît la superficie de chaque pièce sur le bout des doigts.

A la différence des experts cathodiques (Stéphane Plaza dans « Recherche appartement ou maison », sur M6, ou la famille Kretz dans « L’Agence », émission diffusée sur Netflix et TMC), bienheureux en toutes circonstances, Wahou ! capte le beau vague à l’âme de ses négociateurs. Dans cette comédie rythmée aux dialogues impeccables de drôlerie, même les agents immobiliers ont le spleen. Et chacune de leurs apparitions, traqueuses et habitées, donne l’impression qu’ils jouent leur vie sur une scène de théâtre.

Rencontres improbables

Voici donc Catherine, cette Antigone de l’immobilier, arpentant le plateau vide de l’appartement pour signifier au peintre chargé d’aciduler les murs de la cuisine de bien vouloir baisser le son de sa radio. Ainsi peut-elle se lancer dans un monologue sur « le triangle d’or de Bougival » (qui n’existe pas…) devant des clients plutôt perplexes. On reconnaît ici la poésie de Bruno Podalydès, proche de celle de son ami Alain Resnais (1922-2014), qui avait lui aussi filmé des chantres de la loi Carrez volontaires mais surmenés dans On connaît la chanson (1997) et Cœurs (2006).

Et si les clients étaient devenus des extraterrestres aux yeux des conseillers immobiliers ? Il faut dire qu’ils aspirent à peu près tous au même mode de vie – un bien bohème mais pratique – et oscillent entre deux attitudes à l’égard des agents : le mépris et la séance de psy.

Il vous reste 37.08% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Adblock test (Why?)

Read Again
Sabine Azéma et Karine Viard dans « Wahou ! », de Bruno Podalydès.

L’argument est simple comme bonjour. Deux agents immobiliers font visiter à tour de rôle deux biens, à Bougival, dans les Yvelines. D’une part, un deux-pièces fonctionnel dans le centre-ville ; d’autre part, une grande maison bourgeoise « piscinable » avec vue sur le RER et des travaux à prévoir. En termes de mise en scène (ou de philosophie chinoise) : le vide et le plein (le yin et le yang). Rien de mieux pour rendre compte des valeurs du neuf et de l’ancien, du pratique et du charme, de la raison et du cœur.

Disons-le d’emblée, ce film, tourné en moins d’un mois, est une réussite qui suscite le fameux « waouh » après lequel courent les deux conseillers.

Quelques mots sur eux. Oracio (Bruno Podalydès) s’emmêle facilement les clés mais sait jouer sur les cordes sensibles. Il donne à son stagiaire (Victor Lefebvre) des conseils épatants – conseiller, accompagner, avoir réponse à tout, parler de « bien d’exception », capito ? – qui s’avèrent, dans les faits, franchement dispensables. Et puis il y a Catherine (Karin Viard), veuve depuis peu. Prévoyante et consciencieuse, elle traverse la commune en un rien de temps sur un petit scooter facile à garer, et enfile des surchaussures médicales lorsqu’elle fait visiter l’appartement dont elle connaît la superficie de chaque pièce sur le bout des doigts.

A la différence des experts cathodiques (Stéphane Plaza dans « Recherche appartement ou maison », sur M6, ou la famille Kretz dans « L’Agence », émission diffusée sur Netflix et TMC), bienheureux en toutes circonstances, Wahou ! capte le beau vague à l’âme de ses négociateurs. Dans cette comédie rythmée aux dialogues impeccables de drôlerie, même les agents immobiliers ont le spleen. Et chacune de leurs apparitions, traqueuses et habitées, donne l’impression qu’ils jouent leur vie sur une scène de théâtre.

Rencontres improbables

Voici donc Catherine, cette Antigone de l’immobilier, arpentant le plateau vide de l’appartement pour signifier au peintre chargé d’aciduler les murs de la cuisine de bien vouloir baisser le son de sa radio. Ainsi peut-elle se lancer dans un monologue sur « le triangle d’or de Bougival » (qui n’existe pas…) devant des clients plutôt perplexes. On reconnaît ici la poésie de Bruno Podalydès, proche de celle de son ami Alain Resnais (1922-2014), qui avait lui aussi filmé des chantres de la loi Carrez volontaires mais surmenés dans On connaît la chanson (1997) et Cœurs (2006).

Et si les clients étaient devenus des extraterrestres aux yeux des conseillers immobiliers ? Il faut dire qu’ils aspirent à peu près tous au même mode de vie – un bien bohème mais pratique – et oscillent entre deux attitudes à l’égard des agents : le mépris et la séance de psy.

Il vous reste 37.08% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Adblock test (Why?)



Bagikan Berita Ini

0 Response to "« Wahou ! », de Bruno Podalydès : le vague à l'âme d'un truculent duo d'agents immobiliers - Le Monde"

Post a Comment

Powered by Blogger.