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Sofia Alaoui, réalisatrice d'« Animalia » : « J'ai envie de questionner la classe bourgeoise marocaine » - Le Monde

La réalisatrice Sofia Alaoui, à Casablanca, en octobre 2021.

Quelques jours avant la sortie française de son premier long-métrage, Animalia, Sofia Alaoui, réalisatrice franco-marocaine, nous parle de son projet de filmer son pays de naissance en mutation, à travers des fictions qui empruntent autant au documentaire qu’au film de genre. L’entretien vidéo s’est déroulé de Casablanca, où elle s’est installée il y a huit ans.

Récompensé du Prix spécial du jury au Festival de Sundance (Utah) en janvier, Animalia suit les contours d’un road trip apocalyptique, pour prospérer de surprise en surprise, entre le Maroc des nouveaux riches et les montagnes de l’Atlas des Imazighen (dont la cinéaste tire ses origines). L’occasion, pour cette jeune femme de 33 ans, de questionner le poids de la religion et de l’argent.

Votre film remet en question la religion. Avez-vous subi des pressions ?

Animalia va sortir dans tout le monde arabe, du Qatar au Maroc. Pour autant, il était important pour moi de ne pas être dans la provocation, afin de pouvoir toucher des gens qui ont un rapport à la religion très dogmatique. Par ailleurs, le personnage de Fouad, qui ne croit pas en Dieu, m’a été inspiré par des rencontres que j’ai faites après la diffusion de mon premier court-métrage [Qu’importe si les bêtes meurent, Grand Prix du jury au Festival de Sundance en 2020 et César en 2021] dans les montagnes de l’Atlas… Au Maroc, il y a plein de monde qui ne croit pas en Dieu.

Votre héroïne évolue dans un milieu bourgeois qu’on ne voit pas souvent dans le cinéma marocain…

C’est un fait. Plusieurs personnes décisionnaires dans la vie du film m’ont fait part de cette réflexion : « La bourgeoisie nous intéresse moins que les bergers. » Je trouve ça très grave parce que cela traduit une forme d’orientalisme. Qu’est-ce que cela veut dire ? Nous, les Arabes, n’aurions pas le droit de filmer nos bourgeois ? Nos films ne devraient parler que des campagnes ? J’ai fait le lycée français de Casablanca, j’habite cette grande ville et, dans mon quotidien, je côtoie plus facilement cette classe bourgeoise. J’ai envie de la questionner et de la montrer. Les nouveaux riches, dont l’argent est arrivé très vite dans les familles, sont attirés par tout ce qui brille et consomment beaucoup. Ils sont aussi très pieux et traditionalistes. On est loin de l’imaginaire bourgeois à l’iranienne ou à l’égyptienne d’il y a cinquante ans, avec des hommes qui fumaient des cigarettes en parlant anglais.

On entre dans le film par une vaste demeure dont vous vous délectez à filmer les oripeaux…

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La réalisatrice Sofia Alaoui, à Casablanca, en octobre 2021.

Quelques jours avant la sortie française de son premier long-métrage, Animalia, Sofia Alaoui, réalisatrice franco-marocaine, nous parle de son projet de filmer son pays de naissance en mutation, à travers des fictions qui empruntent autant au documentaire qu’au film de genre. L’entretien vidéo s’est déroulé de Casablanca, où elle s’est installée il y a huit ans.

Récompensé du Prix spécial du jury au Festival de Sundance (Utah) en janvier, Animalia suit les contours d’un road trip apocalyptique, pour prospérer de surprise en surprise, entre le Maroc des nouveaux riches et les montagnes de l’Atlas des Imazighen (dont la cinéaste tire ses origines). L’occasion, pour cette jeune femme de 33 ans, de questionner le poids de la religion et de l’argent.

Votre film remet en question la religion. Avez-vous subi des pressions ?

Animalia va sortir dans tout le monde arabe, du Qatar au Maroc. Pour autant, il était important pour moi de ne pas être dans la provocation, afin de pouvoir toucher des gens qui ont un rapport à la religion très dogmatique. Par ailleurs, le personnage de Fouad, qui ne croit pas en Dieu, m’a été inspiré par des rencontres que j’ai faites après la diffusion de mon premier court-métrage [Qu’importe si les bêtes meurent, Grand Prix du jury au Festival de Sundance en 2020 et César en 2021] dans les montagnes de l’Atlas… Au Maroc, il y a plein de monde qui ne croit pas en Dieu.

Votre héroïne évolue dans un milieu bourgeois qu’on ne voit pas souvent dans le cinéma marocain…

C’est un fait. Plusieurs personnes décisionnaires dans la vie du film m’ont fait part de cette réflexion : « La bourgeoisie nous intéresse moins que les bergers. » Je trouve ça très grave parce que cela traduit une forme d’orientalisme. Qu’est-ce que cela veut dire ? Nous, les Arabes, n’aurions pas le droit de filmer nos bourgeois ? Nos films ne devraient parler que des campagnes ? J’ai fait le lycée français de Casablanca, j’habite cette grande ville et, dans mon quotidien, je côtoie plus facilement cette classe bourgeoise. J’ai envie de la questionner et de la montrer. Les nouveaux riches, dont l’argent est arrivé très vite dans les familles, sont attirés par tout ce qui brille et consomment beaucoup. Ils sont aussi très pieux et traditionalistes. On est loin de l’imaginaire bourgeois à l’iranienne ou à l’égyptienne d’il y a cinquante ans, avec des hommes qui fumaient des cigarettes en parlant anglais.

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