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« Napoléon », un Bonaparte sur le champ de bataille de l'intime - Le Monde

Napoléon Bonaparte (Joaquin Phoenix) dans « Napoléon », de Ridley Scott (2023).

Napoléon Bonaparte (1769-1821), figure apothéotique de la puissance nationale de la France en même temps que génie de la guerre tourné équarrisseur, se survit dans une légende qui ne désempare pas. Il détient à ce titre le record absolu des ventes de livres et des personnages historiques représentés au cinéma et à la télévision, l’historien Antoine de Baecque ayant dénombré plus de mille occurrences dans ces deux médias.

Pour s’en tenir au cinéma, deux mythes prévalent. L’un, bien réel, c’est le film monstre de 1927 d’Abel Gance, chef-d’œuvre romanesque et lyrique dilapidé au cours du temps en une vingtaine de versions, et dont on devrait avoir une meilleure idée en juin 2024 au terme des quatorze années qu’aura duré sa reconstitution. L’autre, fantomal, que Stanley Kubrick, en quelque sorte le Napoléon du cinéma, rêve définitif et brûle de réaliser, dès les années 1960 (scénario de 180 pages, iconographie de 17 000 photos…), avant que la Metro-Goldwyn-Mayer ne mette fin à sa dispendieuse campagne.

Là-dessus nous arrive le film de Ridley Scott. Ce que l’on ne saurait considérer comme un hasard. L’auteur d’Alien (1979) et de Blade Runner (1982) – ses deux meilleurs films à ce jour – aura développé avec le temps un goût un peu ronflant pour les têtes d’affiche historiques, qui le mèneront de Christophe Colomb (1492, 1992) à la famille Gucci (House of Gucci, 2021) en passant par l’empereur romain Commode (Gladiator, 2000) ou le prophète Moïse (Exodus. Gods and Kings, 2014).

Il n’y a donc que peu de surprise à le voir s’attaquer, tel le duc de Wellington en 1815 lors de la bataille de Waterloo, à ce très gros morceau qu’est Napoléon. A rebours de son compatriote, Scott n’a toutefois pas trouvé le défaut de la cuirasse et a manifestement eu du mal à se saisir de son héros.

Fruste, jaloux et brutal

Son parti pris, qui laisse circonspect, a du moins le mérite de la simplicité. Il s’agit, en un mot, d’articuler de bout en bout, en montage alterné, la vie amoureuse de Napoléon à ses faits d’armes. Les scènes d’alcôve ou de salon avec Joséphine de Beauharnais et les grandes batailles de l’Empereur sont ainsi emportées comme dans un même mouvement, celui de la fougue et de la conquête, avant que le déclin ne se dessine sur les deux fronts.

Joséphine de Beauharnais, interprétée par la séduisante Vanessa Kirby, est ainsi hissée en un premier temps à un degré supérieur de féminisme alliant l’affranchissement érotique à une indépendance d’esprit qui ne craint pas de défier l’impériale virilité de son mari.

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Napoléon Bonaparte (Joaquin Phoenix) dans « Napoléon », de Ridley Scott (2023).

Napoléon Bonaparte (1769-1821), figure apothéotique de la puissance nationale de la France en même temps que génie de la guerre tourné équarrisseur, se survit dans une légende qui ne désempare pas. Il détient à ce titre le record absolu des ventes de livres et des personnages historiques représentés au cinéma et à la télévision, l’historien Antoine de Baecque ayant dénombré plus de mille occurrences dans ces deux médias.

Pour s’en tenir au cinéma, deux mythes prévalent. L’un, bien réel, c’est le film monstre de 1927 d’Abel Gance, chef-d’œuvre romanesque et lyrique dilapidé au cours du temps en une vingtaine de versions, et dont on devrait avoir une meilleure idée en juin 2024 au terme des quatorze années qu’aura duré sa reconstitution. L’autre, fantomal, que Stanley Kubrick, en quelque sorte le Napoléon du cinéma, rêve définitif et brûle de réaliser, dès les années 1960 (scénario de 180 pages, iconographie de 17 000 photos…), avant que la Metro-Goldwyn-Mayer ne mette fin à sa dispendieuse campagne.

Là-dessus nous arrive le film de Ridley Scott. Ce que l’on ne saurait considérer comme un hasard. L’auteur d’Alien (1979) et de Blade Runner (1982) – ses deux meilleurs films à ce jour – aura développé avec le temps un goût un peu ronflant pour les têtes d’affiche historiques, qui le mèneront de Christophe Colomb (1492, 1992) à la famille Gucci (House of Gucci, 2021) en passant par l’empereur romain Commode (Gladiator, 2000) ou le prophète Moïse (Exodus. Gods and Kings, 2014).

Il n’y a donc que peu de surprise à le voir s’attaquer, tel le duc de Wellington en 1815 lors de la bataille de Waterloo, à ce très gros morceau qu’est Napoléon. A rebours de son compatriote, Scott n’a toutefois pas trouvé le défaut de la cuirasse et a manifestement eu du mal à se saisir de son héros.

Fruste, jaloux et brutal

Son parti pris, qui laisse circonspect, a du moins le mérite de la simplicité. Il s’agit, en un mot, d’articuler de bout en bout, en montage alterné, la vie amoureuse de Napoléon à ses faits d’armes. Les scènes d’alcôve ou de salon avec Joséphine de Beauharnais et les grandes batailles de l’Empereur sont ainsi emportées comme dans un même mouvement, celui de la fougue et de la conquête, avant que le déclin ne se dessine sur les deux fronts.

Joséphine de Beauharnais, interprétée par la séduisante Vanessa Kirby, est ainsi hissée en un premier temps à un degré supérieur de féminisme alliant l’affranchissement érotique à une indépendance d’esprit qui ne craint pas de défier l’impériale virilité de son mari.

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