Le studio Disney, qui fête cette année ses 100 ans, semble en plein marasme après l'échec de ses trois derniers films. Sa nouvelle production, Wish, en salles ce mercredi, ne devrait pas inverser cette tendance.
L'ambiance n'est pas à la fête au royaume enchanté de Disney. Alors que le studio fête cette année ses 100 ans, la machine à rêves semble s'être enrayée. Depuis le succès de La Reine des neiges 2 en 2019, les trois dernières productions Disney - Raya et le dernier dragon, Encanto et Avalonia, l'étrange voyage - ont échoué à faire des étincelles au box-office. Et son nouveau film, Wish, en salles ce mercredi, déjà fustigé par la critique, risque de poursuivre ce marasme.
La situation est d'autant plus triste que Wish, écrit et produit par Jennifer Lee, directrice créative de Disney, a été imaginé comme un hommage à tout ce qui a fait le succès du studio pendant un siècle. "Il y a tout un tas de clins d'œil appuyés aux grands classiques qui ont constitué la légende disneyenne: Pinocchio, Blanche-Neige. Les décors de Wish évoquent aussi ceux d'Eyvind Earle pour La Belle au bois dormant", détaille Stéphane Dreyfus, journaliste à La Croix, spécialiste en animation.
Pour beaucoup de critiques, l'histoire est cependant complètement capillotractée. Dans le royaume fantastique de Rosas, le roi Magnifico peut exaucer n'importe quel souhait. Dans un moment de désespoir, la jeune Asha adresse aux étoiles un vœu auquel va répondre une force cosmique: une petite boule d'énergie infinie prénommée Star. Ensemble, elles vont affronter Magnifico et prouver que le souhait d'une personne déterminée, allié à la magie des étoiles, peut produire des miracles.
Avec Wish, Disney tente de reproduire le succès de Raiponce et de La Reine des neiges. À l'écran, pourtant, le miracle n'opère jamais, juge Stéphane Dreyfus: "Les personnages sont un peu désincarnés comme si à force de vouloir glorifier le passé Disney avait asséché le présent. À force de vouloir nourrir le film de citations aux grands classiques ils ont oublié de faire un film neuf qui tienne la route. Il manque de personnalité." L'échec est tel que selon l'agrégateur de critiques Rotten Tomatoes, Wish est le Disney le moins noté par la presse depuis Chicken Little en 2005.
"Ils ne savent plus trop quoi faire"
Pour la YouTubeuse Mea, grande spécialiste de l'histoire de Disney, et autrice d'Au cœur des chefs-d'œuvre de Disney, le second âge d'or (Third Editions), ce n'est pas un hasard: "Après le carton du Roi Lion, ils ont voulu reproduire la recette et faire uniquement des films qui rapportent beaucoup d'argent. C'est devenu un truc de comité, avec des films où énormément de monde donnait son avis et ça a donné La Ferme se rebelle ou Chicken Little. C'est ce qui s'est passé aussi après La Reine des neiges."
"Il n'y a plus de ligne directrice. Ils ne savent plus trop quoi faire en ce moment", poursuit Mea. "Les bandes-annonces de Wish ne donnent pas l'impression qu'ils savent ce qu'ils font. Le film a l'air d'être fait par une IA. Ils veulent juste que ce soit des produits pour Disney +." Même visuellement, les films se cherchent. Wish propose un retour à l'animation 2D en la mêlant à de la 3D, dans la lignée de Spider-Man: New Generation.
Pour Stéphane Dreyfus, Wish sent cependant "un peu l'artifice": "Je ne sais pas si Disney va dans la bonne direction en décidant de revenir à de l'animation 2D, en essayant de retourner vers une apparence de dessin animé. C'est par ailleurs surtout de la 3D avec des artisans du dessin animé qui repassent derrière. Les gens se foutent de savoir si c'est 2D ou 3D. Ils veulent être surpris!"
Preuve que Disney évolue à tâtons, sa stratégie évolue sans cesse. Raya et le dernier dragon, Encanto et Avalonia, l'étrange voyage sont sortis directement sur Disney+ (sauf Encanto qui a bénéficié en France d'une sortie en salle). "J'ai l'impression que Bob Iger (le patron de Disney, NDLR) se désintéresse complètement de l'animation", note Mea. "Après le succès de La Reine des neiges, ils sont un peu partis en vrille. On le ressent dans la promo qui n'était pas importante sauf pour Encanto."
L'exception "Encanto"
Sorti en 2021, Encanto est pour beaucoup le meilleur film Disney de la période récente. "Il y avait une vraie singularité", salue Stéphane Dreyfus. "La musique était aussi plutôt réussie grâce à Lin-Manuel Miranda. Il y avait une vraie patte artistique." Pour Mea, la force d'Encanto tient à la liberté dont son équipe a bénéficié lors de la production. "Le film a été fait pendant la pandémie, sous le radar. Comme ça devait être pour Disney+, ils les ont laissé faire. Je pense que c'est pour ça qu'ils ont pu faire ce qu'ils voulaient."
Succès modeste en salles, le film avait triomphé sur Tik Tok grâce au morceau We Don't Talk About Bruno. La communauté queer s'est aussi emparée du film et de ses personnages en multipliant les fan fictions sur les réseaux sociaux. Cette dimension politique voire militante est présente dans les dernières productions du studio bien qu'il refuse souvent de l'assumer en public. C'est encore le cas avec Wish, note Stéphane Dreyfus:
"Il y a un message très fort dans Wish sur la capacité du peuple à résister à la démagogie d'un homme de pouvoir à qui ils ont confié leurs vœux les plus chers dans l'espoir qu'ils soient réalisés. L'allégorie politique est assez transparente: c'est une mise en garde contre les velléités de despotes éventuels. Trump a failli faire un coup d'État. Ça a dû effrayer deux ou trois démocrates en Californie."
Avenir inquiétant
Il est possible aussi d'y voir une métaphore de Disney vampirisant les idées originales de ses forces créatives. Une idée d'autant plus séduisante que les seuls projets annoncés officiellement par le studio sont une suite de Zootopie et deux volets de La Reine des neiges. "Ce n'est pas de l'artistique", déplore Mea. "Ils savent juste que ça sera rentable. C'est triste. C'était déjà le cas avant la pandémie et ça se confirme de plus en plus."
Cette situation changera d'ici quelques années, estime la spécialiste. "Dans cinq ans, on sera sûrement passé à un nouveau cycle. On va avoir encore cinq ans de merdes avant que ça rechange. Bob Iger se séparera sûrement de Jennifer Lee en lui imputant les échecs de ces films. Ou alors Disney va redisparaître (comme dans les années 1980, NDLR), ce qui n'est techniquement pas si mal. Depuis plusieurs années, ils avaient la mainmise sur tout. Ça devenait tentaculaire."
Alors que l'animation traverse actuellement un nouvel âge d'or, avec des propositions graphiques inédites comme Spider-Man: Into the Spider-Verse, Disney est plus que jamais menacé par les créations des studios concurrents. "Disney doit se renouveler", insiste Stéphane Dreyfus. "Il leur faut aussi des scénaristes plus audacieux." Et peut-être que le studio doit renouer avec ce qui a fait sa force pendant des décennies: sa mascotte Mickey. "On ne le voit plus. Il a disparu", regrette Mea.
Read AgainLe studio Disney, qui fête cette année ses 100 ans, semble en plein marasme après l'échec de ses trois derniers films. Sa nouvelle production, Wish, en salles ce mercredi, ne devrait pas inverser cette tendance.
L'ambiance n'est pas à la fête au royaume enchanté de Disney. Alors que le studio fête cette année ses 100 ans, la machine à rêves semble s'être enrayée. Depuis le succès de La Reine des neiges 2 en 2019, les trois dernières productions Disney - Raya et le dernier dragon, Encanto et Avalonia, l'étrange voyage - ont échoué à faire des étincelles au box-office. Et son nouveau film, Wish, en salles ce mercredi, déjà fustigé par la critique, risque de poursuivre ce marasme.
La situation est d'autant plus triste que Wish, écrit et produit par Jennifer Lee, directrice créative de Disney, a été imaginé comme un hommage à tout ce qui a fait le succès du studio pendant un siècle. "Il y a tout un tas de clins d'œil appuyés aux grands classiques qui ont constitué la légende disneyenne: Pinocchio, Blanche-Neige. Les décors de Wish évoquent aussi ceux d'Eyvind Earle pour La Belle au bois dormant", détaille Stéphane Dreyfus, journaliste à La Croix, spécialiste en animation.
Pour beaucoup de critiques, l'histoire est cependant complètement capillotractée. Dans le royaume fantastique de Rosas, le roi Magnifico peut exaucer n'importe quel souhait. Dans un moment de désespoir, la jeune Asha adresse aux étoiles un vœu auquel va répondre une force cosmique: une petite boule d'énergie infinie prénommée Star. Ensemble, elles vont affronter Magnifico et prouver que le souhait d'une personne déterminée, allié à la magie des étoiles, peut produire des miracles.
Avec Wish, Disney tente de reproduire le succès de Raiponce et de La Reine des neiges. À l'écran, pourtant, le miracle n'opère jamais, juge Stéphane Dreyfus: "Les personnages sont un peu désincarnés comme si à force de vouloir glorifier le passé Disney avait asséché le présent. À force de vouloir nourrir le film de citations aux grands classiques ils ont oublié de faire un film neuf qui tienne la route. Il manque de personnalité." L'échec est tel que selon l'agrégateur de critiques Rotten Tomatoes, Wish est le Disney le moins noté par la presse depuis Chicken Little en 2005.
"Ils ne savent plus trop quoi faire"
Pour la YouTubeuse Mea, grande spécialiste de l'histoire de Disney, et autrice d'Au cœur des chefs-d'œuvre de Disney, le second âge d'or (Third Editions), ce n'est pas un hasard: "Après le carton du Roi Lion, ils ont voulu reproduire la recette et faire uniquement des films qui rapportent beaucoup d'argent. C'est devenu un truc de comité, avec des films où énormément de monde donnait son avis et ça a donné La Ferme se rebelle ou Chicken Little. C'est ce qui s'est passé aussi après La Reine des neiges."
"Il n'y a plus de ligne directrice. Ils ne savent plus trop quoi faire en ce moment", poursuit Mea. "Les bandes-annonces de Wish ne donnent pas l'impression qu'ils savent ce qu'ils font. Le film a l'air d'être fait par une IA. Ils veulent juste que ce soit des produits pour Disney +." Même visuellement, les films se cherchent. Wish propose un retour à l'animation 2D en la mêlant à de la 3D, dans la lignée de Spider-Man: New Generation.
Pour Stéphane Dreyfus, Wish sent cependant "un peu l'artifice": "Je ne sais pas si Disney va dans la bonne direction en décidant de revenir à de l'animation 2D, en essayant de retourner vers une apparence de dessin animé. C'est par ailleurs surtout de la 3D avec des artisans du dessin animé qui repassent derrière. Les gens se foutent de savoir si c'est 2D ou 3D. Ils veulent être surpris!"
Preuve que Disney évolue à tâtons, sa stratégie évolue sans cesse. Raya et le dernier dragon, Encanto et Avalonia, l'étrange voyage sont sortis directement sur Disney+ (sauf Encanto qui a bénéficié en France d'une sortie en salle). "J'ai l'impression que Bob Iger (le patron de Disney, NDLR) se désintéresse complètement de l'animation", note Mea. "Après le succès de La Reine des neiges, ils sont un peu partis en vrille. On le ressent dans la promo qui n'était pas importante sauf pour Encanto."
L'exception "Encanto"
Sorti en 2021, Encanto est pour beaucoup le meilleur film Disney de la période récente. "Il y avait une vraie singularité", salue Stéphane Dreyfus. "La musique était aussi plutôt réussie grâce à Lin-Manuel Miranda. Il y avait une vraie patte artistique." Pour Mea, la force d'Encanto tient à la liberté dont son équipe a bénéficié lors de la production. "Le film a été fait pendant la pandémie, sous le radar. Comme ça devait être pour Disney+, ils les ont laissé faire. Je pense que c'est pour ça qu'ils ont pu faire ce qu'ils voulaient."
Succès modeste en salles, le film avait triomphé sur Tik Tok grâce au morceau We Don't Talk About Bruno. La communauté queer s'est aussi emparée du film et de ses personnages en multipliant les fan fictions sur les réseaux sociaux. Cette dimension politique voire militante est présente dans les dernières productions du studio bien qu'il refuse souvent de l'assumer en public. C'est encore le cas avec Wish, note Stéphane Dreyfus:
"Il y a un message très fort dans Wish sur la capacité du peuple à résister à la démagogie d'un homme de pouvoir à qui ils ont confié leurs vœux les plus chers dans l'espoir qu'ils soient réalisés. L'allégorie politique est assez transparente: c'est une mise en garde contre les velléités de despotes éventuels. Trump a failli faire un coup d'État. Ça a dû effrayer deux ou trois démocrates en Californie."
Avenir inquiétant
Il est possible aussi d'y voir une métaphore de Disney vampirisant les idées originales de ses forces créatives. Une idée d'autant plus séduisante que les seuls projets annoncés officiellement par le studio sont une suite de Zootopie et deux volets de La Reine des neiges. "Ce n'est pas de l'artistique", déplore Mea. "Ils savent juste que ça sera rentable. C'est triste. C'était déjà le cas avant la pandémie et ça se confirme de plus en plus."
Cette situation changera d'ici quelques années, estime la spécialiste. "Dans cinq ans, on sera sûrement passé à un nouveau cycle. On va avoir encore cinq ans de merdes avant que ça rechange. Bob Iger se séparera sûrement de Jennifer Lee en lui imputant les échecs de ces films. Ou alors Disney va redisparaître (comme dans les années 1980, NDLR), ce qui n'est techniquement pas si mal. Depuis plusieurs années, ils avaient la mainmise sur tout. Ça devenait tentaculaire."
Alors que l'animation traverse actuellement un nouvel âge d'or, avec des propositions graphiques inédites comme Spider-Man: Into the Spider-Verse, Disney est plus que jamais menacé par les créations des studios concurrents. "Disney doit se renouveler", insiste Stéphane Dreyfus. "Il leur faut aussi des scénaristes plus audacieux." Et peut-être que le studio doit renouer avec ce qui a fait sa force pendant des décennies: sa mascotte Mickey. "On ne le voit plus. Il a disparu", regrette Mea.
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