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Karine Silla, son plaidoyer pour Depardieu : « Gérard n'est pas un prédateur sexuel » - Paris Match

Karine Silla confesse une obsession : la réconciliation. C’est un thème présent dans son dernier roman, « Aline et les hommes de guerre », où elle redonne vie à une héroïne de la lutte anticoloniale, Aline Sitoé Diatta, « la Jeanne d’Arc du Sénégal ». C’est aussi un thème qui inspire son documentaire, « Métissages », sur Arte.

Celle qui cherche à tisser des liens souffre de voir le monde de la culture se déchirer autour de Gérard Depardieu, le père de sa fille Roxane. En 2020, l’acteur a été mis en examen à la suite de la plainte pour viol déposée par la comédienne Charlotte Arnould. Depuis, deux autres plaintes ont été déposées, l’une par la journaliste espagnole Ruth Baza, pour viol. L’autre, par l’actrice Hélène Darras, pour une agression sexuelle remontant à 2007. Effet de la prescription, cette dernière plainte a été classée sans suite. Par ailleurs, une dizaine de femmes ont rapporté au site Mediapart des actes de violences sexuelles. Des accusations que Gérard ­Depardieu réfute.

« Complément d’enquête », sur France 2, a donné une nouvelle ampleur à la polémique

Le 7 décembre, l’émission « Complément d’enquête », sur France 2, a donné une nouvelle ampleur à la polémique en diffusant diverses images de Gérard Depardieu en Corée du Nord. Elles appartiennent, selon l’écrivain et cinéaste Yann Moix, à une « œuvre de fiction » inédite. Moix, s’appuyant sur son droit d’auteur, accuse maintenant son producteur, Anthony Dufour, d’avoir « donné les rushes de son tournage sans le prévenir ». Il attaque donc le producteur et France ­Télévisions pour « abus de confiance, recel d’abus de confiance et travail dissimulé ».


Lors de cette diffusion, des propos à connotation sexuelle sont tenus par Depardieu alors qu’une petite fille à cheval est à l’image. L’avocat de Moix, Jérémie Assous, conteste que ces propos visaient la jeune Coréenne, mettant en doute un constat d’huissier de justice qui « ne prouve rien » et « n’est en aucun cas une expertise contradictoire ».

Interrogé le 20 décembre dans l’émission « C à vous », le président de la République Emmanuel Macron a, de son côté, dénoncé une « chasse à l’homme » contre un immense acteur. Cinq jours plus tard, « Le Figaro » publiait une tribune « N’effacez pas Gérard ­Depardieu », signée par une cinquantaine de personnalités parmi lesquelles Fanny Ardant, Yvan Attal, Carole Bouquet, Nathalie Baye, Carla Bruni et Jacques Dutronc. ­Certaines signatures, notamment celles de Patrice Leconte et de Jacques Weber, ont été retirées par la suite. À cet appel a répondu une contre-tribune, signée par 600 artistes et publiée sur le site Mediapart : « Adresse au vieux monde ». Karine Silla répond au « nouveau » monde.

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Paris Match. Vous avez partagé la vie de Gérard Depardieu et vous êtes la mère de sa fille Roxane. Votre prise de parole ne sera-t-elle pas lue avant tout à l’aune de cette proximité ?
Karine Silla.
J’ai longuement réfléchi avant de m’exprimer parce que, comme on sait, il est difficile pour un chirurgien d’opérer son propre enfant ou pour un juge de mener un procès équitable si l’accusé est un membre de sa famille. Gérard Depardieu est un homme que j’aime depuis trente-cinq ans et avant tout le père de ma fille. Alors est-il possible de séparer l’artiste de son œuvre, l’écrivain de ses sentiments ? Je ne pense pas, mais je vais quand même essayer de rester le plus lucide possible tant les sujets ­évoqués me tiennent à cœur.

 La chasse à l’homme existe depuis la nuit des temps 

auteur

C’est la tournure prise par la polémique autour de lui qui vous incite à briser le silence ?
Le danger d’un sujet brûlant commenté par les médias, c’est que tout le monde y va bon train. Tout le monde parle, signe, crie. Mais qui, parmi ces milliers de gens, le connaît, l’a même juste rencontré ? Pas grave, c’est un homme public, il n’a plus le droit à sa vie privée, tant pis pour ses enfants, ils seront les dommages collatéraux ! Les amalgames sont tels qu’on ne sait plus si on parle de Depardieu, de Weinstein, de Cantat, de Matzneff ou d’un tueur en série. Mais même Guy Georges, le ­violeur de l’Est parisien, a eu droit à un procès équitable !

Y a-t-il, selon vous, une “chasse à l’homme” ?
Je suis franco-sénégalaise et je n’ai pas grandi en France. Le Sénégal, pays profondément attaché à sa démocratie, est un des rares d’Afrique de l’Ouest qui n’a pas connu la violence des coups d’État. Mais, durant ma jeunesse, j’en ai vécu deux, l’un au Mali et l’autre au Cameroun. J’ai entendu ce cri terrifiant : “Dans une révolution, il doit y avoir des morts ! […] C’est un mal pour un bien.” Lorsque j’avais 10 ans, au Burkina Faso, j’ai vu le peuple se faire justice lui-même. Sous mes yeux de petite fille, un homme accusé d’avoir volé a été lapidé. J’ai vu la foule courir derrière lui et une pierre lui ouvrir le crâne. J’ai l’impression de revivre quelque chose de cette scène avec le lynchage médiatique que l’on fait subir à Gérard. On parle de nouveau monde, mais ­parfois le monde agit comme si nous n’avions jamais quitté le Moyen Âge. La chasse à l’homme existe depuis la nuit des temps.

 Il n’a pas la volonté ni le ­fantasme de dominer les femmes 

auteur

Gérard Depardieu est tout de même mis en examen pour viol. Qu’est-ce que cela vous inspire ?
Je suis allée dans les prisons, parfois toutes les semaines pendant vingt ans. J’ai animé des ateliers de parole dans les prisons de femmes. Passionnée par le système ­judiciaire, j’ai parlé avec des juges, des directeurs de prison, des avocats commis d’office et, souvent, j’ai regretté de ne pas avoir embrassé une carrière d’avocat. Comme le montre avec brio Justine Triet dans son film “Anatomie d’une chute”, la justice est une ruche. Les personnes qui composent le corps judiciaire accomplissent un ­travail d’abeille, minutieux et patient. Dans un tribunal, la parole de la défense est entendue. Rien de tel avec cette nouvelle justice rendue sur les réseaux sociaux et dans les médias. La présomption d’innocence est un terme devenu insupportable à entendre pour certains. Les mots de la justice ont été vidés de leur sens. Au lieu d’“accusés” on parle de “coupables”, au lieu de “plaignantes”, de “victimes”. On juge donc avant que la justice soit passée.

PARIS, FRANCE - MARCH 31: (L-R) Gerard Depardieu, Roxane Depardieu and Karine Silla attend

Avec Gérard Depardieu et leur fille, Roxane, artiste peintre, à la première de son exposition «Mr. Otto Noselong », en 2016, à la galerie Catherine Houard, à Paris. Getty Images / © Foc Kan/WireImage

Croyez-vous Gérard Depardieu capable de ce dont on l’accuse ?
C’est à la justice de le décider et, même si certains pensent que la justice n’est pas juste, elle a le mérite de travailler et de connaître ses dossiers. Ce dont je peux témoigner, c’est que toutes les femmes qui ont partagé son intimité amoureuse s’accordent à dire une chose essentielle : Gérard n’est pas un prédateur sexuel. Gérard est un homme délicat dans l’intimité amoureuse avec une femme. L’intimité lui inspire le respect et une certaine timidité, il préfère parler de poésie. Dans ses 200 films, il a tourné de nombreuses scènes d’amour. Les actrices diront qu’il a toujours été respectueux, et ce n’est pas parce qu’elles avaient un statut mais parce qu’il y avait une proximité plus intime entre Gérard et elles. Il n’a pas la volonté ni le ­fantasme de dominer les femmes, il a eu pour amies des femmes libres, celles qui ne sont pas sous l’emprise d’un homme, d’un patriarcat ou d’un parti politique, qui osent parler et agir à contre-courant : Marguerite Duras, Barbara, Fanny Ardant, mais pas seulement, il défend également la veuve et l’orphelin.

Un homme “délicat” ? Ce n’est pas le portrait qu’en brossent certaines de celles qui prennent aujourd’hui la parole…
Son humour grivois et grossier est avancé comme preuve de ses déviances. Mais depuis quand les paroles sont-elles synonymes d’actes ? Je n’ai pas ri quand on voyait les marionnettes de Canal+ rire de la mort de la princesse Diana. Je n’ai pas ri des unes de “Charlie hebdo” quand celles-ci étaient cruelles envers Stromae, irrespectueuses vis-à-vis du Prophète, misogyne vis-à-vis de Catherine Deneuve. Je trouvais ça violent, ­choquant mais on m’a répondu : c’est l’humour français, et la France, c’est la liberté de parole et d’opinion à tout prix. Au nom de cette liberté de pensée et d’opinion et au nom de l’humour, le monde démocratique est descendu dans la rue, et j’en faisais partie, pour dire : “Je suis Charlie.”

 Depuis cinquante ans, tout le monde attend quelque chose de Gérard, tout le temps 

auteur

Son comportement que vous qualifiez de “­grivois”, mais que d’autres ont vécu comme une agression, n’a-t-il pas bénéficié d’une impunité ? Certains dénoncent une “omerta” autour de Depardieu…
Les plaignantes de ses comportements déplacés racontent presque toutes la même chose : ça se ­passait devant l’équipe et les gens ne disaient rien, à part : “C’est Gérard.” Mais il manque la suite de la phrase : “… et c’est eux”, ceux qui l’encourageaient en riant à gorge déployée. Lui faisait du spectacle pour amuser la galerie, tournant sa tête de gauche à droite pour voir si on riait, et les autres riaient et applaudissaient. Je rappelle que les prisons sont pleines de détenus qui purgent des peines de complicité. Alors si la ­justice décide que les comportements de Gérard sont pénalement répréhensibles, ils sont où, tous ceux-là, ­pendant la mise à mort d’aujourd’hui ? Il est impératif que cessent les comportements intolérables, les paroles, les gestes vécus comme des agressions par les femmes sur leurs lieux de travail, les lieux publics. J’ai l’impression que nous allons vers une prise de conscience et j’ai l’espoir qu’un jour nos filles pourront marcher tranquillement dans la rue sans se faire traiter de “pute” ou de “salope” à tout-va.

À l’inverse, les défenseurs de Gérard Depardieu ­soutiennent qu’il subit un traitement de défaveur. Il serait en quelque sorte un bouc émissaire. Qu’en ­pensez-vous ?
Depuis cinquante ans, tout le monde attend quelque chose de Gérard, tout le temps. Il fascine comme il effraie. En provoquant, il tient les gens à distance. Il veut toucher ce que les gens cachent, hommes ou femmes. Ce n’est pas un homme pervers. Pour le c­omprendre, il faut imaginer l’enfant qu’il fut. Il me fait penser aux gamins du roman de Sorj Chalandon “L’enragé”, qui, dans les années 1930, se sont révoltés et échappés du centre pénitentiaire pour mineurs de Belle-Île-en-Mer. Il porte en lui cette blessure-là.

 Les enfants de Vincent et la fille de Gérard sont frères et sœurs. Il a en partie élevé Roxane 

auteur

Des signataires de l’appel paru dans “Le Figaro” se sont rétractés, comme Jacques Weber qui a considéré que “sa signature était un autre viol”. Comment réagissez-vous à ses propos ?
J’espère que par son commentaire ce ne sont pas les autres signataires qu’il accuse de viol. La phrase est à double sens : est-ce un lapsus ou un aveu de sa part ?

Votre mari, Vincent Perez, a également signé la tribune. Comment réagit-il à cette affaire ?
Les enfants de Vincent et la fille de Gérard sont frères et sœurs. Il a en partie élevé Roxane. En tant qu’acteur, il n’a fait qu’un seul film avec lui, un tournage de ­plusieurs mois au cours desquels il n’a jamais été témoin de comportements déplacés de la part de Gérard. Vincent comme moi, dans la précipitation, avons signé un “pour ou contre”, un soutien contre le lynchage de Gérard en intégrant également la volonté de respecter sa présomption ­d’innocence, qui est la base de la démocratie. Je tiens aussi à souligner que, dans ce climat de guerre et d’hystérie médiatique, aggravé par le Net qui met le feu aux poudres, il est difficile de ne pas commettre d’impair de part et d’autre.

 Je n’entends rien de péjoratif dans le mot “vieux”, au contraire. En Afrique, ce mot est un honneur 

auteur

La tribune publiée en réaction sur Mediapart s’intitule “Adresse au vieux monde”. Comment l’interprétez-vous ?
Je n’entends rien de péjoratif dans le mot “vieux”, au contraire. En Afrique, ce mot est un honneur. Les “vieux” on les appelle les “anciens”. On dit que “le vieillard assis sous l’arbre voit ce que le jeune qui est perché ne voit pas”. Par conséquent, l’un ne peut pas faire sans l’autre.

Pensez-vous que les femmes de votre génération sont entendues ?
Quand Yann Moix dit que les femmes, après 50 ans, ne sont plus désirables, c’est terriblement vexant mais c’est une réflexion machiste qui ne nous surprend pas puisque nous les subissons depuis la nuit des temps. En revanche, quand des femmes, des féministes de surcroît, disent que les femmes après 50 ans ne peuvent plus ni penser ni s’exprimer, qu’elles subissent une sorte de ménopause de la pensée, c’est dévastateur ! On humilie ces femmes en les cantonnant à nouveau à leur place de ménagères de plus de 50 ans. On s’affaiblit auprès des hommes qui nous regardent, sidérés de nous voir nous crêper le chignon, nous qui œuvrons pour un monde moins violent et sans dérive de domination. Le féminisme radical a toujours existé, les jeunes générations ne l’ont pas inventé. La parole libérée n’est pas une affaire de génération, elle est celle de toutes les femmes. Nous ne pouvons pas nous permettre, en tant que féministes, de perdre la parole d’une seule femme, même si elle se trompe parfois ou qu’elle semble encore attachée au système d’antan. Laissons-la faire sa route, sans l’agresser. Les agressions, elle en a assez subi.

 Peut-être qu’une certaine gauche intellectuelle, qui a grandi dans les beaux quartiers, ne supporte pas ce “prolo” 

auteur

Peut-être que les femmes d’aujourd’hui refusent de subir ce que leurs aînées ont dû endurer, non ?
La fracture générationnelle dont on parle ressemble plus à une fracture sociale, une fracture de l’Occident avec le reste du monde. On a plus parlé de Gérard que des viols de masse commis par les terroristes du Hamas, le 7 octobre, où des femmes ont été sauvagement violées et éventrées. Les femmes israéliennes victimes de cette barbarie n’ont pas été entendues. Celles qui les défendent ont été écartées, exclues de la manifestation du 25 novembre contre les violences sexuelles faites aux femmes. Elles se sont dites choquées par le silence assourdissant des associations féministes.

Iriez-vous jusqu’à dire, comme certains, qu’une forme de mépris social s’exprime dans la façon dont certains de ses détracteurs parlent de Depardieu ?
On se permet des choses avec lui que l’on ne s’autoriserait pas avec d’autres. On s’en prend à son physique. L’actrice Anouk ­Grinberg parle d’un air dégoûté de son corps de cachalot, de son “gros doigt de pute”. Notre fille, Roxane, adore les mains de son père, qui l’ont toujours protégée. Peut-être qu’une certaine gauche intellectuelle, qui a grandi dans les beaux quartiers, ne supporte pas ce “prolo”. Elle veut l’effacer de son champ visuel. Gérard n’est pas un homme qui méprise le peuple, c’est un homme du peuple. Il le revendique haut et fort, il se révolte contre l’idée de la famille qu’il n’a pas eue, d’une certaine bourgeoisie de ­Châteauroux qui allait à l’église le dimanche et commettait des incestes la semaine. Il a horreur des adultes qui s’en prennent aux enfants.

 Jamais, comme cette émission à charge a essayé de le mettre en scène, il ne sexualiserait un enfant 

auteur

Sur les images du documentaire diffusé par “Complément d’enquête”, on l’entend pourtant tenir des propos sexualisés sur une petite fille…
Avec les enfants, il est toujours respectueux, il reste à distance quand il s’adresse à eux pour ne pas les envahir. Jamais, comme cette émission à charge a essayé de le mettre en scène, il ne sexualiserait un enfant. Ils ont gravement insisté sur ce passage, se justifiant à coups d’huissier. Je ne sais pas comment, en 24 heures, un juge peut ordonner la livraison des rushes, qu’ils soient livrés, visionnés et qu’un huissier puisse confirmer que le montage respecte la réalité de la situation. Et il aurait fallu également que le juge ait le temps de convoquer et d’interroger les témoins pour donner foi à cette expertise.

Avez-vous parlé récemment à Gérard Depardieu ? Que vous a-t-il dit ?
Ces conversations sont personnelles, je m’abstiendrai de répondre.

Comment votre fille Roxane vit-elle cette épreuve ?
Elle est partie en Afrique pendant quelques mois. Ça la repose de l’Occident. On vit dans une société terriblement brutale.

 Il règne aujourd’hui un climat de peur, c’est dangereux une société qui a peur 

auteur

Vous avez quatre enfants entre 20 et 31 ans. Comment leur parlez-vous de ces sujets ?
La carte n’est pas le territoire, il faut pouvoir réfléchir en se déplaçant vers l’autre. Ce que je n’aime pas dans le terme “conflit de générations”, c’est cette notion de guerre. Avec mes enfants, nous sommes plutôt en vases communicants. Ce qui nous constitue, ce sont nos histoires transgénérationnelles. Chez mes enfants métissés, elles sont également transculturelles. Dans le dernier livre de Neige Sinno, “Triste tigre”, un ­passage m’a beaucoup marquée, où elle dit que sa plus grande qualité c’est le courage. J’espère avoir transmis à mes enfants la notion de courage.

Que redoutez-vous le plus ?
On parle de “nouveau monde”. Le nouveau monde, c’est le numérique, le pouvoir des réseaux sociaux, la violence virtuelle sans visage, la banalisation de la haine. Dans ce monde virtuel, il règne aujourd’hui un climat de peur, c’est dangereux une société qui a peur. Les gens espèrent que ça passera, pensent qu’il faut rester planqué et surtout ne pas dire ce qu’on pense. La cancel culture est une épée de Damoclès sur la tête de tous. Je suis entourée de jeunes de tous les milieux sociaux, qu’ils viennent de Paris intra-muros ou des banlieues. Là encore, on parle d’un conflit de générations, mais nombre de jeunes filles qui ne sont pas en adéquation avec le féminisme radical refusent de s’exprimer par peur que leurs vies deviennent un enfer sur les réseaux sociaux. Nombre de jeunes ­garçons sont terrorisés à l’idée même de commettre un faux pas. La parole se libère et s’enferme à la fois. On préfère garder le silence parce que tout ce qu’on dit, tout ce qu’on écrit pourra être retenu contre nous.

«Aline et les hommes de guerre», de Karine Silla, éd. de L’Observatoire, 304 pages, 20 euros.

«Aline et les hommes de guerre», de Karine Silla, éd. de L’Observatoire, 304 pages, 20 euros. © DR ​

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Karine Silla confesse une obsession : la réconciliation. C’est un thème présent dans son dernier roman, « Aline et les hommes de guerre », où elle redonne vie à une héroïne de la lutte anticoloniale, Aline Sitoé Diatta, « la Jeanne d’Arc du Sénégal ». C’est aussi un thème qui inspire son documentaire, « Métissages », sur Arte.

Celle qui cherche à tisser des liens souffre de voir le monde de la culture se déchirer autour de Gérard Depardieu, le père de sa fille Roxane. En 2020, l’acteur a été mis en examen à la suite de la plainte pour viol déposée par la comédienne Charlotte Arnould. Depuis, deux autres plaintes ont été déposées, l’une par la journaliste espagnole Ruth Baza, pour viol. L’autre, par l’actrice Hélène Darras, pour une agression sexuelle remontant à 2007. Effet de la prescription, cette dernière plainte a été classée sans suite. Par ailleurs, une dizaine de femmes ont rapporté au site Mediapart des actes de violences sexuelles. Des accusations que Gérard ­Depardieu réfute.

« Complément d’enquête », sur France 2, a donné une nouvelle ampleur à la polémique

Le 7 décembre, l’émission « Complément d’enquête », sur France 2, a donné une nouvelle ampleur à la polémique en diffusant diverses images de Gérard Depardieu en Corée du Nord. Elles appartiennent, selon l’écrivain et cinéaste Yann Moix, à une « œuvre de fiction » inédite. Moix, s’appuyant sur son droit d’auteur, accuse maintenant son producteur, Anthony Dufour, d’avoir « donné les rushes de son tournage sans le prévenir ». Il attaque donc le producteur et France ­Télévisions pour « abus de confiance, recel d’abus de confiance et travail dissimulé ».


Lors de cette diffusion, des propos à connotation sexuelle sont tenus par Depardieu alors qu’une petite fille à cheval est à l’image. L’avocat de Moix, Jérémie Assous, conteste que ces propos visaient la jeune Coréenne, mettant en doute un constat d’huissier de justice qui « ne prouve rien » et « n’est en aucun cas une expertise contradictoire ».

Interrogé le 20 décembre dans l’émission « C à vous », le président de la République Emmanuel Macron a, de son côté, dénoncé une « chasse à l’homme » contre un immense acteur. Cinq jours plus tard, « Le Figaro » publiait une tribune « N’effacez pas Gérard ­Depardieu », signée par une cinquantaine de personnalités parmi lesquelles Fanny Ardant, Yvan Attal, Carole Bouquet, Nathalie Baye, Carla Bruni et Jacques Dutronc. ­Certaines signatures, notamment celles de Patrice Leconte et de Jacques Weber, ont été retirées par la suite. À cet appel a répondu une contre-tribune, signée par 600 artistes et publiée sur le site Mediapart : « Adresse au vieux monde ». Karine Silla répond au « nouveau » monde.

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Paris Match. Vous avez partagé la vie de Gérard Depardieu et vous êtes la mère de sa fille Roxane. Votre prise de parole ne sera-t-elle pas lue avant tout à l’aune de cette proximité ?
Karine Silla.
J’ai longuement réfléchi avant de m’exprimer parce que, comme on sait, il est difficile pour un chirurgien d’opérer son propre enfant ou pour un juge de mener un procès équitable si l’accusé est un membre de sa famille. Gérard Depardieu est un homme que j’aime depuis trente-cinq ans et avant tout le père de ma fille. Alors est-il possible de séparer l’artiste de son œuvre, l’écrivain de ses sentiments ? Je ne pense pas, mais je vais quand même essayer de rester le plus lucide possible tant les sujets ­évoqués me tiennent à cœur.

 La chasse à l’homme existe depuis la nuit des temps 

auteur

C’est la tournure prise par la polémique autour de lui qui vous incite à briser le silence ?
Le danger d’un sujet brûlant commenté par les médias, c’est que tout le monde y va bon train. Tout le monde parle, signe, crie. Mais qui, parmi ces milliers de gens, le connaît, l’a même juste rencontré ? Pas grave, c’est un homme public, il n’a plus le droit à sa vie privée, tant pis pour ses enfants, ils seront les dommages collatéraux ! Les amalgames sont tels qu’on ne sait plus si on parle de Depardieu, de Weinstein, de Cantat, de Matzneff ou d’un tueur en série. Mais même Guy Georges, le ­violeur de l’Est parisien, a eu droit à un procès équitable !

Y a-t-il, selon vous, une “chasse à l’homme” ?
Je suis franco-sénégalaise et je n’ai pas grandi en France. Le Sénégal, pays profondément attaché à sa démocratie, est un des rares d’Afrique de l’Ouest qui n’a pas connu la violence des coups d’État. Mais, durant ma jeunesse, j’en ai vécu deux, l’un au Mali et l’autre au Cameroun. J’ai entendu ce cri terrifiant : “Dans une révolution, il doit y avoir des morts ! […] C’est un mal pour un bien.” Lorsque j’avais 10 ans, au Burkina Faso, j’ai vu le peuple se faire justice lui-même. Sous mes yeux de petite fille, un homme accusé d’avoir volé a été lapidé. J’ai vu la foule courir derrière lui et une pierre lui ouvrir le crâne. J’ai l’impression de revivre quelque chose de cette scène avec le lynchage médiatique que l’on fait subir à Gérard. On parle de nouveau monde, mais ­parfois le monde agit comme si nous n’avions jamais quitté le Moyen Âge. La chasse à l’homme existe depuis la nuit des temps.

 Il n’a pas la volonté ni le ­fantasme de dominer les femmes 

auteur

Gérard Depardieu est tout de même mis en examen pour viol. Qu’est-ce que cela vous inspire ?
Je suis allée dans les prisons, parfois toutes les semaines pendant vingt ans. J’ai animé des ateliers de parole dans les prisons de femmes. Passionnée par le système ­judiciaire, j’ai parlé avec des juges, des directeurs de prison, des avocats commis d’office et, souvent, j’ai regretté de ne pas avoir embrassé une carrière d’avocat. Comme le montre avec brio Justine Triet dans son film “Anatomie d’une chute”, la justice est une ruche. Les personnes qui composent le corps judiciaire accomplissent un ­travail d’abeille, minutieux et patient. Dans un tribunal, la parole de la défense est entendue. Rien de tel avec cette nouvelle justice rendue sur les réseaux sociaux et dans les médias. La présomption d’innocence est un terme devenu insupportable à entendre pour certains. Les mots de la justice ont été vidés de leur sens. Au lieu d’“accusés” on parle de “coupables”, au lieu de “plaignantes”, de “victimes”. On juge donc avant que la justice soit passée.

PARIS, FRANCE - MARCH 31: (L-R) Gerard Depardieu, Roxane Depardieu and Karine Silla attend

Avec Gérard Depardieu et leur fille, Roxane, artiste peintre, à la première de son exposition «Mr. Otto Noselong », en 2016, à la galerie Catherine Houard, à Paris. Getty Images / © Foc Kan/WireImage

Croyez-vous Gérard Depardieu capable de ce dont on l’accuse ?
C’est à la justice de le décider et, même si certains pensent que la justice n’est pas juste, elle a le mérite de travailler et de connaître ses dossiers. Ce dont je peux témoigner, c’est que toutes les femmes qui ont partagé son intimité amoureuse s’accordent à dire une chose essentielle : Gérard n’est pas un prédateur sexuel. Gérard est un homme délicat dans l’intimité amoureuse avec une femme. L’intimité lui inspire le respect et une certaine timidité, il préfère parler de poésie. Dans ses 200 films, il a tourné de nombreuses scènes d’amour. Les actrices diront qu’il a toujours été respectueux, et ce n’est pas parce qu’elles avaient un statut mais parce qu’il y avait une proximité plus intime entre Gérard et elles. Il n’a pas la volonté ni le ­fantasme de dominer les femmes, il a eu pour amies des femmes libres, celles qui ne sont pas sous l’emprise d’un homme, d’un patriarcat ou d’un parti politique, qui osent parler et agir à contre-courant : Marguerite Duras, Barbara, Fanny Ardant, mais pas seulement, il défend également la veuve et l’orphelin.

Un homme “délicat” ? Ce n’est pas le portrait qu’en brossent certaines de celles qui prennent aujourd’hui la parole…
Son humour grivois et grossier est avancé comme preuve de ses déviances. Mais depuis quand les paroles sont-elles synonymes d’actes ? Je n’ai pas ri quand on voyait les marionnettes de Canal+ rire de la mort de la princesse Diana. Je n’ai pas ri des unes de “Charlie hebdo” quand celles-ci étaient cruelles envers Stromae, irrespectueuses vis-à-vis du Prophète, misogyne vis-à-vis de Catherine Deneuve. Je trouvais ça violent, ­choquant mais on m’a répondu : c’est l’humour français, et la France, c’est la liberté de parole et d’opinion à tout prix. Au nom de cette liberté de pensée et d’opinion et au nom de l’humour, le monde démocratique est descendu dans la rue, et j’en faisais partie, pour dire : “Je suis Charlie.”

 Depuis cinquante ans, tout le monde attend quelque chose de Gérard, tout le temps 

auteur

Son comportement que vous qualifiez de “­grivois”, mais que d’autres ont vécu comme une agression, n’a-t-il pas bénéficié d’une impunité ? Certains dénoncent une “omerta” autour de Depardieu…
Les plaignantes de ses comportements déplacés racontent presque toutes la même chose : ça se ­passait devant l’équipe et les gens ne disaient rien, à part : “C’est Gérard.” Mais il manque la suite de la phrase : “… et c’est eux”, ceux qui l’encourageaient en riant à gorge déployée. Lui faisait du spectacle pour amuser la galerie, tournant sa tête de gauche à droite pour voir si on riait, et les autres riaient et applaudissaient. Je rappelle que les prisons sont pleines de détenus qui purgent des peines de complicité. Alors si la ­justice décide que les comportements de Gérard sont pénalement répréhensibles, ils sont où, tous ceux-là, ­pendant la mise à mort d’aujourd’hui ? Il est impératif que cessent les comportements intolérables, les paroles, les gestes vécus comme des agressions par les femmes sur leurs lieux de travail, les lieux publics. J’ai l’impression que nous allons vers une prise de conscience et j’ai l’espoir qu’un jour nos filles pourront marcher tranquillement dans la rue sans se faire traiter de “pute” ou de “salope” à tout-va.

À l’inverse, les défenseurs de Gérard Depardieu ­soutiennent qu’il subit un traitement de défaveur. Il serait en quelque sorte un bouc émissaire. Qu’en ­pensez-vous ?
Depuis cinquante ans, tout le monde attend quelque chose de Gérard, tout le temps. Il fascine comme il effraie. En provoquant, il tient les gens à distance. Il veut toucher ce que les gens cachent, hommes ou femmes. Ce n’est pas un homme pervers. Pour le c­omprendre, il faut imaginer l’enfant qu’il fut. Il me fait penser aux gamins du roman de Sorj Chalandon “L’enragé”, qui, dans les années 1930, se sont révoltés et échappés du centre pénitentiaire pour mineurs de Belle-Île-en-Mer. Il porte en lui cette blessure-là.

 Les enfants de Vincent et la fille de Gérard sont frères et sœurs. Il a en partie élevé Roxane 

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Des signataires de l’appel paru dans “Le Figaro” se sont rétractés, comme Jacques Weber qui a considéré que “sa signature était un autre viol”. Comment réagissez-vous à ses propos ?
J’espère que par son commentaire ce ne sont pas les autres signataires qu’il accuse de viol. La phrase est à double sens : est-ce un lapsus ou un aveu de sa part ?

Votre mari, Vincent Perez, a également signé la tribune. Comment réagit-il à cette affaire ?
Les enfants de Vincent et la fille de Gérard sont frères et sœurs. Il a en partie élevé Roxane. En tant qu’acteur, il n’a fait qu’un seul film avec lui, un tournage de ­plusieurs mois au cours desquels il n’a jamais été témoin de comportements déplacés de la part de Gérard. Vincent comme moi, dans la précipitation, avons signé un “pour ou contre”, un soutien contre le lynchage de Gérard en intégrant également la volonté de respecter sa présomption ­d’innocence, qui est la base de la démocratie. Je tiens aussi à souligner que, dans ce climat de guerre et d’hystérie médiatique, aggravé par le Net qui met le feu aux poudres, il est difficile de ne pas commettre d’impair de part et d’autre.

 Je n’entends rien de péjoratif dans le mot “vieux”, au contraire. En Afrique, ce mot est un honneur 

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La tribune publiée en réaction sur Mediapart s’intitule “Adresse au vieux monde”. Comment l’interprétez-vous ?
Je n’entends rien de péjoratif dans le mot “vieux”, au contraire. En Afrique, ce mot est un honneur. Les “vieux” on les appelle les “anciens”. On dit que “le vieillard assis sous l’arbre voit ce que le jeune qui est perché ne voit pas”. Par conséquent, l’un ne peut pas faire sans l’autre.

Pensez-vous que les femmes de votre génération sont entendues ?
Quand Yann Moix dit que les femmes, après 50 ans, ne sont plus désirables, c’est terriblement vexant mais c’est une réflexion machiste qui ne nous surprend pas puisque nous les subissons depuis la nuit des temps. En revanche, quand des femmes, des féministes de surcroît, disent que les femmes après 50 ans ne peuvent plus ni penser ni s’exprimer, qu’elles subissent une sorte de ménopause de la pensée, c’est dévastateur ! On humilie ces femmes en les cantonnant à nouveau à leur place de ménagères de plus de 50 ans. On s’affaiblit auprès des hommes qui nous regardent, sidérés de nous voir nous crêper le chignon, nous qui œuvrons pour un monde moins violent et sans dérive de domination. Le féminisme radical a toujours existé, les jeunes générations ne l’ont pas inventé. La parole libérée n’est pas une affaire de génération, elle est celle de toutes les femmes. Nous ne pouvons pas nous permettre, en tant que féministes, de perdre la parole d’une seule femme, même si elle se trompe parfois ou qu’elle semble encore attachée au système d’antan. Laissons-la faire sa route, sans l’agresser. Les agressions, elle en a assez subi.

 Peut-être qu’une certaine gauche intellectuelle, qui a grandi dans les beaux quartiers, ne supporte pas ce “prolo” 

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Peut-être que les femmes d’aujourd’hui refusent de subir ce que leurs aînées ont dû endurer, non ?
La fracture générationnelle dont on parle ressemble plus à une fracture sociale, une fracture de l’Occident avec le reste du monde. On a plus parlé de Gérard que des viols de masse commis par les terroristes du Hamas, le 7 octobre, où des femmes ont été sauvagement violées et éventrées. Les femmes israéliennes victimes de cette barbarie n’ont pas été entendues. Celles qui les défendent ont été écartées, exclues de la manifestation du 25 novembre contre les violences sexuelles faites aux femmes. Elles se sont dites choquées par le silence assourdissant des associations féministes.

Iriez-vous jusqu’à dire, comme certains, qu’une forme de mépris social s’exprime dans la façon dont certains de ses détracteurs parlent de Depardieu ?
On se permet des choses avec lui que l’on ne s’autoriserait pas avec d’autres. On s’en prend à son physique. L’actrice Anouk ­Grinberg parle d’un air dégoûté de son corps de cachalot, de son “gros doigt de pute”. Notre fille, Roxane, adore les mains de son père, qui l’ont toujours protégée. Peut-être qu’une certaine gauche intellectuelle, qui a grandi dans les beaux quartiers, ne supporte pas ce “prolo”. Elle veut l’effacer de son champ visuel. Gérard n’est pas un homme qui méprise le peuple, c’est un homme du peuple. Il le revendique haut et fort, il se révolte contre l’idée de la famille qu’il n’a pas eue, d’une certaine bourgeoisie de ­Châteauroux qui allait à l’église le dimanche et commettait des incestes la semaine. Il a horreur des adultes qui s’en prennent aux enfants.

 Jamais, comme cette émission à charge a essayé de le mettre en scène, il ne sexualiserait un enfant 

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Sur les images du documentaire diffusé par “Complément d’enquête”, on l’entend pourtant tenir des propos sexualisés sur une petite fille…
Avec les enfants, il est toujours respectueux, il reste à distance quand il s’adresse à eux pour ne pas les envahir. Jamais, comme cette émission à charge a essayé de le mettre en scène, il ne sexualiserait un enfant. Ils ont gravement insisté sur ce passage, se justifiant à coups d’huissier. Je ne sais pas comment, en 24 heures, un juge peut ordonner la livraison des rushes, qu’ils soient livrés, visionnés et qu’un huissier puisse confirmer que le montage respecte la réalité de la situation. Et il aurait fallu également que le juge ait le temps de convoquer et d’interroger les témoins pour donner foi à cette expertise.

Avez-vous parlé récemment à Gérard Depardieu ? Que vous a-t-il dit ?
Ces conversations sont personnelles, je m’abstiendrai de répondre.

Comment votre fille Roxane vit-elle cette épreuve ?
Elle est partie en Afrique pendant quelques mois. Ça la repose de l’Occident. On vit dans une société terriblement brutale.

 Il règne aujourd’hui un climat de peur, c’est dangereux une société qui a peur 

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Vous avez quatre enfants entre 20 et 31 ans. Comment leur parlez-vous de ces sujets ?
La carte n’est pas le territoire, il faut pouvoir réfléchir en se déplaçant vers l’autre. Ce que je n’aime pas dans le terme “conflit de générations”, c’est cette notion de guerre. Avec mes enfants, nous sommes plutôt en vases communicants. Ce qui nous constitue, ce sont nos histoires transgénérationnelles. Chez mes enfants métissés, elles sont également transculturelles. Dans le dernier livre de Neige Sinno, “Triste tigre”, un ­passage m’a beaucoup marquée, où elle dit que sa plus grande qualité c’est le courage. J’espère avoir transmis à mes enfants la notion de courage.

Que redoutez-vous le plus ?
On parle de “nouveau monde”. Le nouveau monde, c’est le numérique, le pouvoir des réseaux sociaux, la violence virtuelle sans visage, la banalisation de la haine. Dans ce monde virtuel, il règne aujourd’hui un climat de peur, c’est dangereux une société qui a peur. Les gens espèrent que ça passera, pensent qu’il faut rester planqué et surtout ne pas dire ce qu’on pense. La cancel culture est une épée de Damoclès sur la tête de tous. Je suis entourée de jeunes de tous les milieux sociaux, qu’ils viennent de Paris intra-muros ou des banlieues. Là encore, on parle d’un conflit de générations, mais nombre de jeunes filles qui ne sont pas en adéquation avec le féminisme radical refusent de s’exprimer par peur que leurs vies deviennent un enfer sur les réseaux sociaux. Nombre de jeunes ­garçons sont terrorisés à l’idée même de commettre un faux pas. La parole se libère et s’enferme à la fois. On préfère garder le silence parce que tout ce qu’on dit, tout ce qu’on écrit pourra être retenu contre nous.

«Aline et les hommes de guerre», de Karine Silla, éd. de L’Observatoire, 304 pages, 20 euros.

«Aline et les hommes de guerre», de Karine Silla, éd. de L’Observatoire, 304 pages, 20 euros. © DR ​

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