Reste-t-il des Juifs dans les banlieues difficiles du 9.3 en France ? "Le Dernier des Juifs", réalisé par Noé Debré, répond à la question: Non vraiment pas; tous partis, tous remplacés par des "noirs et des arabes". C’est raciste ? Non c’est très drôle à voir parce qu'il reste cependant, dans un petit deux pièces modeste, deux juifs, Ruben Belisha, glandeur magique, maigrelet de 27 ans à la voix fluette qui va au café, au marché, traîne dans la cité, et sa mère Giselle, à qui Belisha fait croire qu'il est un champion de Krav Maga et super commercial en pompes à chaleur. Belisha et Giselle aiment la vie, ils s’aiment aussi, se mentent l’un à l’autre; c’est leur façon de se maintenir au chaud dans cette cité vidée de ses juifs.
Elle mange casher, respecte le shabbat, déteste les orthodoxes et peut bien allumer une cigarette le vendredi soir si elle est énervée. Belisha préfère s’inventer une vie, fuir les insultes, contourner la menace, esquiver la détestation. Alors ces deux Juifs vont faire malgré eux tout ce qui les assigne (a priori) au Juif : faire l’Alya ou s’installer à Strasbourg ou vendre des rénovations thermiques...
Sur cette idée de faire rire avec des situations âpres et surtout réelles, Noé Debré, à qui l’on doit l’excellente série télé "Parlement", a merveilleusement réussi son coup. "Le dernier des Juifs" est une réflexion poétique drolatique et très intelligente sur ce que c’est qu'être Juif et surtout comment on est condamné à être Juif ; bref pour faire notre Sartre : pour comprendre que c’est l’autre qui définit le Juif.
Et de fait, la voisine sexpartner de Belisha (une musulmane plus âgée et mariée), lui demande de dire des trucs salaces en hébreu, alors il balance un "Evenou Shalom Halehem" aux vertus érotiques. Le responsable municipal (musulman) tient absolument à monter une photo avec Belisha, un curé et un iman pour le fameux "vivre ensemble" en banlieue. La scène dans son bureau est édifiante, les murs sont couverts d’appels à libérer un héros palestinien (Marwan Barghouti?) et la ville est jumelée avec Jénine. Sur la porte de leurs voisins (chinois) est tagué un "Sale sionist, Palestine vincra”. Le dépanneur arabe n’entre pas à cause de la Mezouza et chez eux des voleurs ont tagué "Ra le bol de la Shoa des jufs". Mais cela, comme le reste, Belisha esquive.
Noé Debré voulait faire un film sur l’antisémitisme en banlieue et le faire "avec humour", a-t-il confié à i24NEWS (la chaine est très très citée dans le film et regardée en boucle par Giselle). "C’était la seule façon qui ne fut pas obscène", a-t-il expliqué. "Belisha est le dernier juif de la cité, il devient le Juif de service et à la façon Chaplin qui parle de dictature, de nazisme, de pauvreté avec humour, il fait la même chose”.
Le film est merveilleusement porté par la présence sautillante de Michael Zindel et l’ironie intelligente d'Agnès Jaoui, qui revisite le personnage de la mère Juive. C'est d'ailleurs Agnès Jaoui qui a perdu des membres de sa famille au kibbutz Nir Oz, et dont le cousin Ofer Calderon est toujours retenu en otage, qui a insisté pour maintenir le film après le 7 octobre.
Avec les actes antisémites, les manifestations pro-palestiniennes dans lesquelles haine et désinformation étaient mélangées, la menace post 7 octobre en France, fallait-il maintenir la sortie de ce film ? Une micro menace auprès des distributeurs a même fait craindre une annulation. "Oui, la question s’est posée", nous a dit Noé Debré et au contraire lui, le producteur Benjamin Elalouf, et Agnès Jaoui ont trouvé "assez évident et pertinent de le sortir" : "On a plus que jamais besoin de rire et de pleurer ensemble".
"Le dernier des juifs" se termine avec une chanson d’Enrico Macias. Noé Debré avait assisté à une conférence du chanteur, et ce que disait Enrico de son départ de Constantine, du départ de ces juifs d'Algérie, a fait écho à son film, à tous ces gens qui quittent leurs appartements ou leurs quartiers. Comme toujours des Juifs exiliques... et subitement peut-être qu’on rit moins.
Read AgainReste-t-il des Juifs dans les banlieues difficiles du 9.3 en France ? "Le Dernier des Juifs", réalisé par Noé Debré, répond à la question: Non vraiment pas; tous partis, tous remplacés par des "noirs et des arabes". C’est raciste ? Non c’est très drôle à voir parce qu'il reste cependant, dans un petit deux pièces modeste, deux juifs, Ruben Belisha, glandeur magique, maigrelet de 27 ans à la voix fluette qui va au café, au marché, traîne dans la cité, et sa mère Giselle, à qui Belisha fait croire qu'il est un champion de Krav Maga et super commercial en pompes à chaleur. Belisha et Giselle aiment la vie, ils s’aiment aussi, se mentent l’un à l’autre; c’est leur façon de se maintenir au chaud dans cette cité vidée de ses juifs.
Elle mange casher, respecte le shabbat, déteste les orthodoxes et peut bien allumer une cigarette le vendredi soir si elle est énervée. Belisha préfère s’inventer une vie, fuir les insultes, contourner la menace, esquiver la détestation. Alors ces deux Juifs vont faire malgré eux tout ce qui les assigne (a priori) au Juif : faire l’Alya ou s’installer à Strasbourg ou vendre des rénovations thermiques...
Sur cette idée de faire rire avec des situations âpres et surtout réelles, Noé Debré, à qui l’on doit l’excellente série télé "Parlement", a merveilleusement réussi son coup. "Le dernier des Juifs" est une réflexion poétique drolatique et très intelligente sur ce que c’est qu'être Juif et surtout comment on est condamné à être Juif ; bref pour faire notre Sartre : pour comprendre que c’est l’autre qui définit le Juif.
Et de fait, la voisine sexpartner de Belisha (une musulmane plus âgée et mariée), lui demande de dire des trucs salaces en hébreu, alors il balance un "Evenou Shalom Halehem" aux vertus érotiques. Le responsable municipal (musulman) tient absolument à monter une photo avec Belisha, un curé et un iman pour le fameux "vivre ensemble" en banlieue. La scène dans son bureau est édifiante, les murs sont couverts d’appels à libérer un héros palestinien (Marwan Barghouti?) et la ville est jumelée avec Jénine. Sur la porte de leurs voisins (chinois) est tagué un "Sale sionist, Palestine vincra”. Le dépanneur arabe n’entre pas à cause de la Mezouza et chez eux des voleurs ont tagué "Ra le bol de la Shoa des jufs". Mais cela, comme le reste, Belisha esquive.
Noé Debré voulait faire un film sur l’antisémitisme en banlieue et le faire "avec humour", a-t-il confié à i24NEWS (la chaine est très très citée dans le film et regardée en boucle par Giselle). "C’était la seule façon qui ne fut pas obscène", a-t-il expliqué. "Belisha est le dernier juif de la cité, il devient le Juif de service et à la façon Chaplin qui parle de dictature, de nazisme, de pauvreté avec humour, il fait la même chose”.
Le film est merveilleusement porté par la présence sautillante de Michael Zindel et l’ironie intelligente d'Agnès Jaoui, qui revisite le personnage de la mère Juive. C'est d'ailleurs Agnès Jaoui qui a perdu des membres de sa famille au kibbutz Nir Oz, et dont le cousin Ofer Calderon est toujours retenu en otage, qui a insisté pour maintenir le film après le 7 octobre.
Avec les actes antisémites, les manifestations pro-palestiniennes dans lesquelles haine et désinformation étaient mélangées, la menace post 7 octobre en France, fallait-il maintenir la sortie de ce film ? Une micro menace auprès des distributeurs a même fait craindre une annulation. "Oui, la question s’est posée", nous a dit Noé Debré et au contraire lui, le producteur Benjamin Elalouf, et Agnès Jaoui ont trouvé "assez évident et pertinent de le sortir" : "On a plus que jamais besoin de rire et de pleurer ensemble".
"Le dernier des juifs" se termine avec une chanson d’Enrico Macias. Noé Debré avait assisté à une conférence du chanteur, et ce que disait Enrico de son départ de Constantine, du départ de ces juifs d'Algérie, a fait écho à son film, à tous ces gens qui quittent leurs appartements ou leurs quartiers. Comme toujours des Juifs exiliques... et subitement peut-être qu’on rit moins.
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