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Festival d'Avignon : une onde de joie parcourt la ville après les résultats des législatives - Télérama.fr

La semaine durant, le festival s’est mobilisé pour faire barrage à l’extrême droite. Au soir du deuxième tour, la ville retenait son souffle. Jusqu’à la délivrance. Nous y étions.

À Avignon, le festival bât son plein alors que les résultats des législatives tombent sur la ville. C’est le soulagement.

À Avignon, le festival bât son plein alors que les résultats des législatives tombent sur la ville. C’est le soulagement. Photo Jérôme Rey/La Provence/MaxPPP

Par Sophie Rahal, Kilian Orain

Publié le 08 juillet 2024 à 12h50

Mis à jour le 08 juillet 2024 à 18h10

À l’intérieur de l’Opéra qui se dresse sur la place de l’Horloge, le magnifique spectacle de la metteuse en scène argentine Lola Arias vient de s’achever. Los días afuera raconte, en danse et en musique, les histoires très personnelles de quatre femmes, un homme et une femme transgenre, passés par la case prison à un moment de leur vie, en Argentine. Sur scène, à la fin de la représentation, les six ex-taulardes laissent éclater leur émotion, visiblement bouleversées par l’accueil du public, debout. Et à peine le spectacle terminé, voilà que la foule se presse dehors sur la place, et que le temps semble soudain s’arrêter.

Les comédiens qui arpentent les rues pour assurer la publicité de leurs spectacles ont posé leurs affiches et leurs slogans. Les clients en terrasse ont les yeux rivés sur leur téléphone. Les spectateurs vont et viennent à l’entrée des théâtres. Les airs sont curieux, inquiets, les mines légèrement déconfites. Et alors que la rumeur se répand et que les premiers résultats s’affichent, les mieux informés (à l’heure du tout-numérique) font passer le message, dans les rues, aux autres. Une sensation de soulagement et de joie mêlés envahit alors les rues. « Le RN est troisième ? C’est pas vrai ? » Peu, ici, croyaient que le Nouveau Front populaire se hisserait en tête du second tour des élections législatives, alors que le RN est arrivé premier dans les circonscriptions du Vaucluse. Et moins encore que le militant « antifa » Raphaël Arnault, 29 ans, candidat du NFP dans la 1ʳᵉ circonscription, l’emporterait face au RN.

La lutte doit continuer, syndiquez-vous !

Les représentants de la CGT Spectacle

Autour de 23 heures, un concert s’improvise sur la place centrale de l’Horloge, entrecoupé de rapides prises de parole de représentants de la CGT Spectacle. Mais ce soir, au pied de l’Hôtel de Ville, les gens sont d’abord spontanément venus se rassembler, se retrouver, sourire et danser au son de la musique du groupe HK et les Saltimbanks, dont les chansons rappellent les airs populaires et engagés de Zebda ou de La Rue Kétanou. Ils sont jeunes ou moins jeunes, étudiants, artistes, spectateurs, pas forcément militants mais néanmoins réconfortés et heureux de fêter ensemble ce dénouement, même si la joie n’a pas fait disparaître toutes les craintes. « La lutte doit continuer, syndiquez-vous », n’ont d’ailleurs pas manqué de lancer les représentants de la CGT Spectacle. Une heure et demie plus tard,  la soirée s’achève sur la chanson Merci, qui résonne comme un message d’espoir à propager : « Si tout le monde disait merci, ça ira mieux la France. »

Raphaël Arnault, LFI et antifa, fête son élection dans la première criconscription du Vaucluse. 

Raphaël Arnault, LFI et antifa, fête son élection dans la première criconscription du Vaucluse.  Photo Angélique Surel/Le Dauphine/MaxPPP

20h30 passé, en contrebas du Palais des papes, Gymnase Aubanel. Fin du spectacle Lacrima. Tonnerre d’applaudissements à l’issue du spectacle de Caroline Guiela Nguyen. Mais déjà, dans les rangs des spectateurs, les portables s’allument et sont fébrilement consultés. On se regarde, on cligne de l’œil, on pousse un soupir de soulagement. Le pire est évité. À la sortie, un groupe de très jeunes filles commencent comme elles peuvent des calculs savants pour estimer les blocs en présence. Un peu plus loin, dans une rue calme, un jeune metteur en scène directeur d’un théâtre public partage avec d’autres sa joie que le pouvoir échappe « à la marionnette Bardella, dont chaque geste, calculé, est aussi factice que son discours bien appris », tout en avouant qu’il y a « encore du boulot »… À la place qui est la sienne, il compte remonter ses manches pour s’adresser aussi au tiers des électeurs qui a voté pour la droite extrême. Dans les rues, les conversations sont souvent politiques. Tout au sud de la ville intra muros, place des Corps-Saints, où se mêlent les publics du In et du Off, et où s’alignent sous les platanes les terrasses préférées des jeunes, une vague d’applaudissements roule d’une table à l’autre. Des étudiants chantent.

Sur le lieu de départ des navettes blanches conduisant à la carrière de Boulbon, la file est longue. Beaucoup de spectateurs attendent fébrilement leur tour pour partir en direction du spectacle Hécube, pas Hécube, mis en scène par le patron du festival, Tiago Rodrigues. Sourires crispés, corps tendus, peur palpable… l’attente des résultats est dans toutes les têtes. À 20 heures, la nervosité ambiante s’est, ici, instantanément dissipée par un cri de joie général dès les premières estimations révélées. « C’est le Nouveau Front populaire qui est en tête », exulte une femme, les larmes aux yeux. « On a gagné », renchérit un autre. Dans la navette, l’ambiance était à la fête, dénouant les esprits autant que les estomacs. Assis sur les tables de pique-nique installées en contrebas de la scène de Boulbon, les festivaliers affichaient tous une mine réjouie. L’excellent Hécube, pas Hécube n’a fait que renforcer les sourires à la sortie d’une représentation marquée par la légèreté et le soulagement. Au retour, les écrans de smartphones affichaient tous les projections de sièges, actualisées de minute en minute à chaque nouveau résultat. Qui gouvernera la France demain ? La question demeurait incertaine, chaque spectateur allant de son commentaire. À la descente du bus, l’heure était surtout à la joie. Avignon vibrait d’un même élan d’allégresse.

Élections législatives des 30 juin et 7 juillet

Au soir des élections européennes, Emmanuel Macron a annoncé la dissolution de l'Assemblée nationale. Retrouvez ici nos articles et analyses pour comprendre ce séisme politique.

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La semaine durant, le festival s’est mobilisé pour faire barrage à l’extrême droite. Au soir du deuxième tour, la ville retenait son souffle. Jusqu’à la délivrance. Nous y étions.

À Avignon, le festival bât son plein alors que les résultats des législatives tombent sur la ville. C’est le soulagement.

À Avignon, le festival bât son plein alors que les résultats des législatives tombent sur la ville. C’est le soulagement. Photo Jérôme Rey/La Provence/MaxPPP

Par Sophie Rahal, Kilian Orain

Publié le 08 juillet 2024 à 12h50

Mis à jour le 08 juillet 2024 à 18h10

À l’intérieur de l’Opéra qui se dresse sur la place de l’Horloge, le magnifique spectacle de la metteuse en scène argentine Lola Arias vient de s’achever. Los días afuera raconte, en danse et en musique, les histoires très personnelles de quatre femmes, un homme et une femme transgenre, passés par la case prison à un moment de leur vie, en Argentine. Sur scène, à la fin de la représentation, les six ex-taulardes laissent éclater leur émotion, visiblement bouleversées par l’accueil du public, debout. Et à peine le spectacle terminé, voilà que la foule se presse dehors sur la place, et que le temps semble soudain s’arrêter.

Les comédiens qui arpentent les rues pour assurer la publicité de leurs spectacles ont posé leurs affiches et leurs slogans. Les clients en terrasse ont les yeux rivés sur leur téléphone. Les spectateurs vont et viennent à l’entrée des théâtres. Les airs sont curieux, inquiets, les mines légèrement déconfites. Et alors que la rumeur se répand et que les premiers résultats s’affichent, les mieux informés (à l’heure du tout-numérique) font passer le message, dans les rues, aux autres. Une sensation de soulagement et de joie mêlés envahit alors les rues. « Le RN est troisième ? C’est pas vrai ? » Peu, ici, croyaient que le Nouveau Front populaire se hisserait en tête du second tour des élections législatives, alors que le RN est arrivé premier dans les circonscriptions du Vaucluse. Et moins encore que le militant « antifa » Raphaël Arnault, 29 ans, candidat du NFP dans la 1ʳᵉ circonscription, l’emporterait face au RN.

La lutte doit continuer, syndiquez-vous !

Les représentants de la CGT Spectacle

Autour de 23 heures, un concert s’improvise sur la place centrale de l’Horloge, entrecoupé de rapides prises de parole de représentants de la CGT Spectacle. Mais ce soir, au pied de l’Hôtel de Ville, les gens sont d’abord spontanément venus se rassembler, se retrouver, sourire et danser au son de la musique du groupe HK et les Saltimbanks, dont les chansons rappellent les airs populaires et engagés de Zebda ou de La Rue Kétanou. Ils sont jeunes ou moins jeunes, étudiants, artistes, spectateurs, pas forcément militants mais néanmoins réconfortés et heureux de fêter ensemble ce dénouement, même si la joie n’a pas fait disparaître toutes les craintes. « La lutte doit continuer, syndiquez-vous », n’ont d’ailleurs pas manqué de lancer les représentants de la CGT Spectacle. Une heure et demie plus tard,  la soirée s’achève sur la chanson Merci, qui résonne comme un message d’espoir à propager : « Si tout le monde disait merci, ça ira mieux la France. »

Raphaël Arnault, LFI et antifa, fête son élection dans la première criconscription du Vaucluse. 

Raphaël Arnault, LFI et antifa, fête son élection dans la première criconscription du Vaucluse.  Photo Angélique Surel/Le Dauphine/MaxPPP

20h30 passé, en contrebas du Palais des papes, Gymnase Aubanel. Fin du spectacle Lacrima. Tonnerre d’applaudissements à l’issue du spectacle de Caroline Guiela Nguyen. Mais déjà, dans les rangs des spectateurs, les portables s’allument et sont fébrilement consultés. On se regarde, on cligne de l’œil, on pousse un soupir de soulagement. Le pire est évité. À la sortie, un groupe de très jeunes filles commencent comme elles peuvent des calculs savants pour estimer les blocs en présence. Un peu plus loin, dans une rue calme, un jeune metteur en scène directeur d’un théâtre public partage avec d’autres sa joie que le pouvoir échappe « à la marionnette Bardella, dont chaque geste, calculé, est aussi factice que son discours bien appris », tout en avouant qu’il y a « encore du boulot »… À la place qui est la sienne, il compte remonter ses manches pour s’adresser aussi au tiers des électeurs qui a voté pour la droite extrême. Dans les rues, les conversations sont souvent politiques. Tout au sud de la ville intra muros, place des Corps-Saints, où se mêlent les publics du In et du Off, et où s’alignent sous les platanes les terrasses préférées des jeunes, une vague d’applaudissements roule d’une table à l’autre. Des étudiants chantent.

Sur le lieu de départ des navettes blanches conduisant à la carrière de Boulbon, la file est longue. Beaucoup de spectateurs attendent fébrilement leur tour pour partir en direction du spectacle Hécube, pas Hécube, mis en scène par le patron du festival, Tiago Rodrigues. Sourires crispés, corps tendus, peur palpable… l’attente des résultats est dans toutes les têtes. À 20 heures, la nervosité ambiante s’est, ici, instantanément dissipée par un cri de joie général dès les premières estimations révélées. « C’est le Nouveau Front populaire qui est en tête », exulte une femme, les larmes aux yeux. « On a gagné », renchérit un autre. Dans la navette, l’ambiance était à la fête, dénouant les esprits autant que les estomacs. Assis sur les tables de pique-nique installées en contrebas de la scène de Boulbon, les festivaliers affichaient tous une mine réjouie. L’excellent Hécube, pas Hécube n’a fait que renforcer les sourires à la sortie d’une représentation marquée par la légèreté et le soulagement. Au retour, les écrans de smartphones affichaient tous les projections de sièges, actualisées de minute en minute à chaque nouveau résultat. Qui gouvernera la France demain ? La question demeurait incertaine, chaque spectateur allant de son commentaire. À la descente du bus, l’heure était surtout à la joie. Avignon vibrait d’un même élan d’allégresse.

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