Critique gastronomique et écrivain, Christian Millau s'est éteint pendant son sommeil, dans la nuit du 5 au 6 août, à son domicile parisien. Il avait 88 ans. Après la disparition de Michel Déon, il était le dernier Hussard des lettres françaises, ces «porte-drapeaux éternels d'une réaction contre la domination du conformisme et de la “bien-pensance”». Ses amis d'alors (nous sommes dans les années 1950) avaient pour nom Antoine Blondin, Roger Nimier, Jacques Laurent ou encore Paul Morand. L'homme était brillant, volubile, impertinent, amateur de gausseries, de bons mots et de bons plats. Toujours prêt à s'emporter, en bien, en mal. Son franc-parler va nous manquer. À partir des années 1990, il était revenu à plusieurs reprises sur une vie particulièrement bien remplie, faite de rencontres de haute volée, d'anecdotes piquantes, nous offrant quelques livres écrits «avec de l'encre bouillante», comme disait Paul Claudel.
Pour le grand public, Christian Millau était avant tout celui qui, avec son complice Henri Gault, avait créé le fameux guide gastronomique annuel Gault & Millau, au début des années 1970, qui fut longtemps la bible de ceux qu'il appelait les «gastrolâtres» avec ses toques distribuées ou retirées. Un succès renforcé par leur défense de ce qu'on appelait «la nouvelle cuisine».
Né à Paris en 1928, Christian Millau embrasse très jeune la carrière de journaliste. Il œuvre dans les meilleurs journaux et revues: Le Monde, Arts, Opéra,La Parisienne, puis Paris-Presse (où il rencontre Henri Gault, en 1960). Portraits, reportages, chroniques judiciaires… l'homme fait flèche de tout bois et commence à fréquenter les futurs grands chefs (Joël Robuchon et Paul Bocuse, notamment) et leurs tables. En 1965, associé à Henri Gault, il publie deux livres: Guide de la chasse et Guide de Paris, ce dernier se vendant à plus de 100.000 exemplaires. Cette sortie de l'anonymat et leur goût de la table les pousseront à créer un magazine culinaire quatre ans plus tard, lequel deviendra en 1972 le Gault & Millau. Il ne cessera de le répéter: «Tout en encourageant la créativité culinaire, j'ai toujours défendu la tradition. L'une n'exclut pas l'autre.» Finalement, les duettistes à succès se séparent en 1987.
Mettant à profit sa retraite, passée entre Paris et Saint-Tropez, où il s'était fait construire un mas en 1990, Christian Millau est revenu sur ses folles années 1950. Dans Au galop des Hussards, paru en 1999, il fait défiler le Paris des lettres, ses amis, bien sûr, Roger Nimier en tête, mais également le piéton de Paris Paul Léautaud, Marcel Aymé, Louise de Vilmorin, Louis-Ferdinand Céline qu'il allait visiter à Meudon, en compagnie de Frédéric Vitoux. Dans la foulée, il écrit Paris m'a dit. Années 50, fin d'une époque, qui résonne comme un adieu définitif à la France de l'après-guerre, celle de la présidence de René Coty, puis un roman, Une campagne au soleil. En 2008, il publie enfin le livre qu'on attendait de lui: Dictionnaire amoureux de la gastronomie (chez Plon). Il y livre, souvent avec humour, les secrets de quarante années de critique, mêlant érudition, anecdotes, coups de cœur et coups de gueule, rendant hommage à Brillat-Savarin et à Antonin Carême, «le chef de bouche des empereurs et de Talleyrand».
Une impertinence jubilatoire
Toute l'impertinence roborative et jubilatoire de Christian Millau éclate dans son Journal impoli, en 2011, livre de mémoires, d'agacements et d'émois. Il est couronné par le prix du livre incorrect, qui avait récompensé Éric Zemmour, Patrick Rambaud et Jean Clair.
En hommage à ses amis disparus, Millau avait créé le prix des Hussards en 2014, au jury réunissant notamment François Cérésa, Bruno de Cessole, Yves Thréard du Figaro, Jean Tulard. Le but de cette nouvelle récompense littéraire? Entendre faire vivre «un esprit d'insoumission, d'aventure et de liberté, allergique à la “pensée béton pour tous” qui marque trop souvent notre époque».
Le mot de la fin, laissons-le à Millau, qui déclarait en 2011: «Je ne vis que pour ce que j'aime, le reste n'a aucune prise sur moi, ce ne sont qu'agacements et gratouillis.»
Read AgainCritique gastronomique et écrivain, Christian Millau s'est éteint pendant son sommeil, dans la nuit du 5 au 6 août, à son domicile parisien. Il avait 88 ans. Après la disparition de Michel Déon, il était le dernier Hussard des lettres françaises, ces «porte-drapeaux éternels d'une réaction contre la domination du conformisme et de la “bien-pensance”». Ses amis d'alors (nous sommes dans les années 1950) avaient pour nom Antoine Blondin, Roger Nimier, Jacques Laurent ou encore Paul Morand. L'homme était brillant, volubile, impertinent, amateur de gausseries, de bons mots et de bons plats. Toujours prêt à s'emporter, en bien, en mal. Son franc-parler va nous manquer. À partir des années 1990, il était revenu à plusieurs reprises sur une vie particulièrement bien remplie, faite de rencontres de haute volée, d'anecdotes piquantes, nous offrant quelques livres écrits «avec de l'encre bouillante», comme disait Paul Claudel.
Pour le grand public, Christian Millau était avant tout celui qui, avec son complice Henri Gault, avait créé le fameux guide gastronomique annuel Gault & Millau, au début des années 1970, qui fut longtemps la bible de ceux qu'il appelait les «gastrolâtres» avec ses toques distribuées ou retirées. Un succès renforcé par leur défense de ce qu'on appelait «la nouvelle cuisine».
Né à Paris en 1928, Christian Millau embrasse très jeune la carrière de journaliste. Il œuvre dans les meilleurs journaux et revues: Le Monde, Arts, Opéra,La Parisienne, puis Paris-Presse (où il rencontre Henri Gault, en 1960). Portraits, reportages, chroniques judiciaires… l'homme fait flèche de tout bois et commence à fréquenter les futurs grands chefs (Joël Robuchon et Paul Bocuse, notamment) et leurs tables. En 1965, associé à Henri Gault, il publie deux livres: Guide de la chasse et Guide de Paris, ce dernier se vendant à plus de 100.000 exemplaires. Cette sortie de l'anonymat et leur goût de la table les pousseront à créer un magazine culinaire quatre ans plus tard, lequel deviendra en 1972 le Gault & Millau. Il ne cessera de le répéter: «Tout en encourageant la créativité culinaire, j'ai toujours défendu la tradition. L'une n'exclut pas l'autre.» Finalement, les duettistes à succès se séparent en 1987.
Mettant à profit sa retraite, passée entre Paris et Saint-Tropez, où il s'était fait construire un mas en 1990, Christian Millau est revenu sur ses folles années 1950. Dans Au galop des Hussards, paru en 1999, il fait défiler le Paris des lettres, ses amis, bien sûr, Roger Nimier en tête, mais également le piéton de Paris Paul Léautaud, Marcel Aymé, Louise de Vilmorin, Louis-Ferdinand Céline qu'il allait visiter à Meudon, en compagnie de Frédéric Vitoux. Dans la foulée, il écrit Paris m'a dit. Années 50, fin d'une époque, qui résonne comme un adieu définitif à la France de l'après-guerre, celle de la présidence de René Coty, puis un roman, Une campagne au soleil. En 2008, il publie enfin le livre qu'on attendait de lui: Dictionnaire amoureux de la gastronomie (chez Plon). Il y livre, souvent avec humour, les secrets de quarante années de critique, mêlant érudition, anecdotes, coups de cœur et coups de gueule, rendant hommage à Brillat-Savarin et à Antonin Carême, «le chef de bouche des empereurs et de Talleyrand».
Une impertinence jubilatoire
Toute l'impertinence roborative et jubilatoire de Christian Millau éclate dans son Journal impoli, en 2011, livre de mémoires, d'agacements et d'émois. Il est couronné par le prix du livre incorrect, qui avait récompensé Éric Zemmour, Patrick Rambaud et Jean Clair.
En hommage à ses amis disparus, Millau avait créé le prix des Hussards en 2014, au jury réunissant notamment François Cérésa, Bruno de Cessole, Yves Thréard du Figaro, Jean Tulard. Le but de cette nouvelle récompense littéraire? Entendre faire vivre «un esprit d'insoumission, d'aventure et de liberté, allergique à la “pensée béton pour tous” qui marque trop souvent notre époque».
Le mot de la fin, laissons-le à Millau, qui déclarait en 2011: «Je ne vis que pour ce que j'aime, le reste n'a aucune prise sur moi, ce ne sont qu'agacements et gratouillis.»
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