Mercredi 30 août au soir, sur le Lido de Venise, après une cérémonie un rien compassée selon la meilleure tradition locale, les autorités compétentes dévoilaient le film d’ouverture de la Mostra, auguste dame de 74 ans et doyenne de cette forme désuète de réjouissance que l’on nomme un festival de cinéma. Downsizing (en français « rapetissement »), de l’Américain Alexander Payne, était l’heureux récipiendaire de cet honneur.
On connaît, au moins de vue, Alexander Payne, cet homme qui, allant à son rythme qui ne recoupe pas celui d’Hollywood, n’aura pas réalisé, à 56 ans, plus de sept longs-métrages en trente ans de carrière. Cet originaire d’Omaha, dans le Nebraska, aime à ancrer</a> ses films dans sa province, et filmer</a> avec un humour triste des histoires simples, humaines, sans surenchère spectaculaire, dépositaires en un mot d’une tradition américaine un peu passée de mode. L’Arriviste (1999), Monsieur Schmidt (2002), The Descendants (2011) ou Nebraska (2013) composent ainsi un univers qui dénote une prédilection pour les rapports filiaux, les relations viriles, le road movie, les fins de parcours. Un univers qui ne dédaigne pas la présence de stars (Jack Nicholson, George Clooney), mais qui s’en passe encore plus volontiers.
Comédie surréaliste
Et puis arrive Downsizing, assurément le plus déconcertant, le plus bizarre, le plus folâtre des films réalisés par Alexander Payne. Projet mitonné à feu doux depuis une quinzaine d’années, c’est un premier film d’anticipation pour l’auteur, dont le titre</a> à lui seul alerte les cinéphiles, qui penseront d’emblée au canonique L’Homme qui rétrécit (The Incredible Shrinking Man, 1957), de Jack Arnold, combat épique d’un individu enfermé dans sa cave, alors qu’il a été réduit à une taille minuscule après le passage d’un nuage toxique. Si Payne a conservé certains éléments (le rapetissement, le fond eschatologique), il a néanmoins changé le logiciel angoissant de ce chef-d’œuvre pour nous embarquer</a> à ce qui ressemble plus à une comédie surréaliste.
Matt Damon y campe Paul Safranek, un Américain moyen d’Omaha, qui vit dans un futur proche où une découverte scientifique norvégienne promet de résoudre</a> le problème vital du tarissement des ressources naturelles, en ramenant les êtres humains à la taille d’une souris. Paul et sa femme (Kristen Wiig), qui ont du mal à joindre</a> les deux bouts, décident de sauter</a> le pas, à la suite de quelques amis qui leur disent monts et merveilles de leur nouvelle vie. Rien, pourtant, ne se passera comme prévu pour Paul, et il serait franchement dommage, même si le film ne sort pas en France avant quelques mois, de dévoiler</a> les rebondissements incessants et les bifurcations narratives pour le moins surprenantes qui caractérisent le film. Entre un voisin albanais partouzeur et vaguement mafieux (Christoph Waltz), une activiste vietnamienne unijambiste psychorigide (Hong Chau) et une communauté millénariste nordique, Payne nous fait successivement passer</a> d’un film de science-fiction à une satire du capitalisme puis à un film de fin du monde, évoluant sans transition de la farce à la mélancolie en passant par la chronique sociale.
C’est peu de dire</a> que Downsizing déjoue les attentes. Il slalome joyeusement entre tous les piquets du film à faire selon le bréviaire hollywoodien, tant et si bien qu’il prend le risque de perdre</a> son spectateur, qui lui saura toutefois gré de la prise de risque et de la liberté de la mise en œuvre.
Il donne en tout cas le ton d’une compétition archi-dominée par les films américains, au nombre de six parmi les vingt et un longs-métrages en compétition. On aura nommé, outre Alexander Payne, Darren Aronofsky, George Clooney, Guillermo del Toro, Paul Schrader et le documentariste Frederick Wiseman.
Domination masculine
Quatre films italiens dont on découvrira la plupart des auteurs, ainsi que trois films français sont à l’honneur, parmi lesquels La Villa, de Robert Guédiguian, et le nouvel opus d’Abdellatif Kechiche, Mektoub My Love, qui s’est dédoublé non sans heurts lors du montage et dont on découvrira ici le premier volume. Signalons aussi le retour de l’Israélien Samuel Maoz, auteur du remarqué Lebanon (2009), qui signe aujourd’hui Foxtrot. La Chinoise Vivian Qu (Angels Wear White) sera, quant à elle, la seule femme parmi cet aréopage massivement masculin.
Alberto Barbera, le délégué général met enfin le plus vieux des festivals de cinéma à la pointe de la technologie en créant une compétition de films en réalité virtuelle (immersion du spectateur dans la réalité représentée grâce à un procédé informatique et au port d’un casque spécial). Vingt-deux films y sont montrés, chiffre qui témoigne à lui seul d’un désir pour ce format. Parmi les noms des impétrants, pour la plupart inconnus des cinéphiles, on relève, sans surprise, celui d’un maître extatique du nouveau cinéma taïwanais, en la personne de Tsai Ming-liang.
Cette compétition, se tenant sur une autre île que le Lido et étant soumise à réservation, est toutefois une gageure pour les festivaliers, déjà confrontés, dans les sections parallèles, à un nombre de films colossal, promis pour beaucoup d’entre eux, hélas, à grossir</a> les rangs de la réalité virtuelle.
Sur le Web : www.labiennale.org/it/cinema/2017
Read AgainMercredi 30 août au soir, sur le Lido de Venise, après une cérémonie un rien compassée selon la meilleure tradition locale, les autorités compétentes dévoilaient le film d’ouverture de la Mostra, auguste dame de 74 ans et doyenne de cette forme désuète de réjouissance que l’on nomme un festival de cinéma. Downsizing (en français « rapetissement »), de l’Américain Alexander Payne, était l’heureux récipiendaire de cet honneur.
On connaît, au moins de vue, Alexander Payne, cet homme qui, allant à son rythme qui ne recoupe pas celui d’Hollywood, n’aura pas réalisé, à 56 ans, plus de sept longs-métrages en trente ans de carrière. Cet originaire d’Omaha, dans le Nebraska, aime à ancrer</a> ses films dans sa province, et filmer</a> avec un humour triste des histoires simples, humaines, sans surenchère spectaculaire, dépositaires en un mot d’une tradition américaine un peu passée de mode. L’Arriviste (1999), Monsieur Schmidt (2002), The Descendants (2011) ou Nebraska (2013) composent ainsi un univers qui dénote une prédilection pour les rapports filiaux, les relations viriles, le road movie, les fins de parcours. Un univers qui ne dédaigne pas la présence de stars (Jack Nicholson, George Clooney), mais qui s’en passe encore plus volontiers.
Comédie surréaliste
Et puis arrive Downsizing, assurément le plus déconcertant, le plus bizarre, le plus folâtre des films réalisés par Alexander Payne. Projet mitonné à feu doux depuis une quinzaine d’années, c’est un premier film d’anticipation pour l’auteur, dont le titre</a> à lui seul alerte les cinéphiles, qui penseront d’emblée au canonique L’Homme qui rétrécit (The Incredible Shrinking Man, 1957), de Jack Arnold, combat épique d’un individu enfermé dans sa cave, alors qu’il a été réduit à une taille minuscule après le passage d’un nuage toxique. Si Payne a conservé certains éléments (le rapetissement, le fond eschatologique), il a néanmoins changé le logiciel angoissant de ce chef-d’œuvre pour nous embarquer</a> à ce qui ressemble plus à une comédie surréaliste.
Matt Damon y campe Paul Safranek, un Américain moyen d’Omaha, qui vit dans un futur proche où une découverte scientifique norvégienne promet de résoudre</a> le problème vital du tarissement des ressources naturelles, en ramenant les êtres humains à la taille d’une souris. Paul et sa femme (Kristen Wiig), qui ont du mal à joindre</a> les deux bouts, décident de sauter</a> le pas, à la suite de quelques amis qui leur disent monts et merveilles de leur nouvelle vie. Rien, pourtant, ne se passera comme prévu pour Paul, et il serait franchement dommage, même si le film ne sort pas en France avant quelques mois, de dévoiler</a> les rebondissements incessants et les bifurcations narratives pour le moins surprenantes qui caractérisent le film. Entre un voisin albanais partouzeur et vaguement mafieux (Christoph Waltz), une activiste vietnamienne unijambiste psychorigide (Hong Chau) et une communauté millénariste nordique, Payne nous fait successivement passer</a> d’un film de science-fiction à une satire du capitalisme puis à un film de fin du monde, évoluant sans transition de la farce à la mélancolie en passant par la chronique sociale.
C’est peu de dire</a> que Downsizing déjoue les attentes. Il slalome joyeusement entre tous les piquets du film à faire selon le bréviaire hollywoodien, tant et si bien qu’il prend le risque de perdre</a> son spectateur, qui lui saura toutefois gré de la prise de risque et de la liberté de la mise en œuvre.
Il donne en tout cas le ton d’une compétition archi-dominée par les films américains, au nombre de six parmi les vingt et un longs-métrages en compétition. On aura nommé, outre Alexander Payne, Darren Aronofsky, George Clooney, Guillermo del Toro, Paul Schrader et le documentariste Frederick Wiseman.
Domination masculine
Quatre films italiens dont on découvrira la plupart des auteurs, ainsi que trois films français sont à l’honneur, parmi lesquels La Villa, de Robert Guédiguian, et le nouvel opus d’Abdellatif Kechiche, Mektoub My Love, qui s’est dédoublé non sans heurts lors du montage et dont on découvrira ici le premier volume. Signalons aussi le retour de l’Israélien Samuel Maoz, auteur du remarqué Lebanon (2009), qui signe aujourd’hui Foxtrot. La Chinoise Vivian Qu (Angels Wear White) sera, quant à elle, la seule femme parmi cet aréopage massivement masculin.
Alberto Barbera, le délégué général met enfin le plus vieux des festivals de cinéma à la pointe de la technologie en créant une compétition de films en réalité virtuelle (immersion du spectateur dans la réalité représentée grâce à un procédé informatique et au port d’un casque spécial). Vingt-deux films y sont montrés, chiffre qui témoigne à lui seul d’un désir pour ce format. Parmi les noms des impétrants, pour la plupart inconnus des cinéphiles, on relève, sans surprise, celui d’un maître extatique du nouveau cinéma taïwanais, en la personne de Tsai Ming-liang.
Cette compétition, se tenant sur une autre île que le Lido et étant soumise à réservation, est toutefois une gageure pour les festivaliers, déjà confrontés, dans les sections parallèles, à un nombre de films colossal, promis pour beaucoup d’entre eux, hélas, à grossir</a> les rangs de la réalité virtuelle.
Sur le Web : www.labiennale.org/it/cinema/2017
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