
Ultra-connectés, souvent fragiles et en quête de reconnaissance : «Libération» a recueilli les témoignages d’adolescents qui disent avoir fréquenté, sur les réseaux sociaux ou lors de ses soirées, le cadre de Radio France accusé de viol et corruption de mineurs.
C’est une histoire que les plus de 20 ans finiront bien par connaître. D’abord appelée «JeremstarGate» puis «CardonnaGate», l’affaire secoue les réseaux sociaux et les bahuts de France depuis plus de deux semaines. Elle implique Jeremstar, le spécialiste de la télé-réalité dont le pseudo est devenu une marque tant il fédère sur Internet ; «Babybel», de son vrai nom Pascal Cardonna, l’ami du premier, qui apparaît souvent dans ses vidéos ; et plusieurs jeunes qui ont pris la parole sur les réseaux sociaux.
Tout est parti d’une rivalité entre Jeremstar et Aqababe, un autre commentateur de la vie des people. Celui-ci revendique un «scoop» (la preuve filmée d’une relation entre deux participants à l’émission les Anges 10), que Jeremstar lui aurait volé. En représailles, Aqababe exhume une vidéo scabreuse où l’on voit l’idole des ados se masturber. Puis plusieurs vidéos, enregistrements audio ou captures d’écran, témoignages d’échanges qu’auraient eus de jeunes hommes, mineurs pour certains, avec Pascal «Babybel» Cardonna. Le déballage en ligne suscite plusieurs plaintes : pour diffamation d’un côté, pour viol aggravé sur mineur et corruption de mineurs de l’autre. A Paris et à Nîmes, où réside Cardonna et où nous l’avons rencontré pour une interview exclusive (lire page 18), la justice a été saisie. Charge à elle de mettre en lumière les responsabilités des uns et des autres. Mais déjà, les nombreux témoignages recueillis par Libération dessinent le profil de ces jeunes qui disent avoir été approchés ou abusés par Babybel, Jeremstar et consorts : des adolescents homosexuels, habitués des réseaux sociaux, recherchant de la reconnaissance (parfois) ou de l’aide (souvent).
«Merci Babybel, tu es vraiment gentil»
«Je voulais être animateur radio. J’avais vu sur ses photos qu’il travaillait à France Bleu, je l’ai contacté.» Hugo n’a pas 16 ans quand il envoie un message sur Facebook à Pascal Cardonna. «Rapidement, il a compris que j’étais gay et m’a fait des avances», affirme Hugo, qui lui aurait pourtant dit qu’il n’était pas majeur. «Babybel me disait : "T’as une voix pour la radio, viens passer un week-end, tu dors à la maison, on ira au studio ensemble"», poursuit-il. L’ado demande au salarié de Radio France si «Jerem» sera présent, selon les captures d’écran qu’il nous a transmises. Pascal Cardonna lui aurait auparavant assuré qu’ils «s’entendraient bien». Hugo habite dans le nord de la France mais la distance n’est pas un problème. Il affirme que Pascal Cardonna aurait proposé de lui payer les billets pour rallier Nîmes. A l’époque des faits, il y a plus de deux ans, le garçon va mal. Dans la conversation dont il nous montre des extraits, Hugo parle de «malaises». «Des problèmes personnels, familiaux», oppose-t-il quand nous l’interrogeons par téléphone. Dans les messages écrits sur Snapchat, l’application de partage de vidéos où vivent les personnages de Jeremstar, Cardonna s’inquiète de la santé de l’ado, et il lui donne, à en croire ces captures d’écran, son numéro. Hugo répond : «Merci Babybel, tu es vraiment gentil. Pourquoi tu es comme ça avec moi ?»«Car je t’aime bien, c’est rare», aurait répondu le quinquagénaire.
A cause, selon lui, de l’insistance et de la répétition de certaines avances à caractère sexuel, Hugo se détourne finalement de Cardonna. «Quand j’ai parlé de tout ça à mes parents, quelques mois plus tard, ils ont voulu porter plainte. J’ai refusé. Dans ma tête de gosse, je pensais qu’il était trop puissant, trop célèbre, qu’on ne pouvait rien faire.» Et aujourd’hui ? «Mes preuves ne sont pas suffisantes pour porter plainte.» Mais suffisantes pour témoigner en ligne. Son téléphone portable pour se filmer dans une main, un biscuit dans l’autre, Hugo, dont on devine qu’il porte encore un appareil dentaire, fait une vidéo sur Snapchat après le début de la polémique. Elle est visionnée plusieurs milliers de fois en une dizaine de jours.
Vincent, lui, a contacté Pascal Cardonna l’année dernière. «Je cherchais une amitié, je voulais parler avec quelqu’un de confiance.» Pudiquement, il évoque à son tour des «problèmes familiaux». Dans des messages audio qui lui auraient été envoyés et qu’il a partagés sur Twitter, on entend une voix, qui serait celle de Cardonna : «Vincent, ce que je pense de toi, c’est que tu es un garçon extrêmement malheureux. Je ne sais pas ce que tu as mais, en tout cas, tu es triste. Ecoute, si tu veux venir passer un week-end à Nîmes, oui. Je sais pas trop ce que tu cherches.» S’en suivent des questions d’ordre sexuel. Né en 1999, Vincent assure qu’il était mineur au moment de l’échange. Son récit, mâtiné d’un fort accent chti, et les éléments qu’il a partagés sur Internet laissent entrevoir, s’ils sont avérés, une relation à distance compliquée, longue de plusieurs mois. «Pascal m’a dit qu’avec lui je serais heureux, que je pourrais tout lui dire», affirme Vincent à Libération par téléphone. Début décembre, le jeune bisexuel est sur le point d’acheter son billet pour Nîmes. Mais son employeur - il fait le ménage dans des bureaux - l’appelle pour lui confier une mission. Au dernier moment, Vincent annule son week-end gardois. Il dit n’avoir eu que très peu de contacts avec Pascal Cardonna depuis, et n’envisage pas de porter plainte.
Ouriel n’a pas non plus l’intention d’aller en justice. Il venait d’avoir 18 ans quand, selon lui, Cardonna l’a contacté. «Un ami qui avait fait un stage à France Bleu m’avait parlé de Pascal Cardonna. Le nom me disait quelque chose, je l’ai cherché sur Google, j’ai vu que c’était Babybel, explique-t-il par téléphone. Et un jour, sur Facebook, j’ai liké la photo d’un ami où il y avait Cardonna.» Le cadre de France Bleu serait alors venu parler, en ligne, à Ouriel. L’échange aurait duré une semaine. A en croire la capture d’écran transmise par le jeune homme, c’était début 2017. «Depuis que j’ai partagé mon expérience en ligne [après le début du "CardonnaGate", ndlr], j’ai reçu quatre ou cinq témoignages sérieux de jeunes hommes qui ont vécu la même chose, assure Ouriel. Ils veulent rester anonymes et refusent de témoigner publiquement ou auprès de la justice. Leurs familles ne savent pas toujours qu’ils sont gays.»
«Ils voulaient se sentir vivre»
Dans la conversation qu’il aurait eue avec Pascal Cardonna sur Facebook, entre deux propositions scabreuses, le quinquagénaire aurait écrit : «En échange, je t’offre ma confiance - j’invite des gens de confiance lorsqu’il y a Jérémy [Jeremstar] - et on parlera de radio. Je t’aiderai à avancer. Je pense c’est du gagnant-gagnant.»
Un échange «gagnant-gagnant», c’est aussi ce qu’aurait proposé Pascal Cardonna à un homosexuel belge de 17 ans dont le témoignage vidéo, partagé dès le début de l’affaire, a été vu plusieurs milliers de fois sur les réseaux sociaux. Thomas aurait rencontré Pascal Cardonna dans un supermarché du sud-ouest de la France. Le garçon est avec son petit ami : «On reconnaît Babybel, on lui demande de faire une photo.» L’homme les aurait ensuite invités au restaurant. Le jeune couple accepte, «tout excité», raconte Thomas dans la vidéo. Entre deux questions sur la vie sexuelle des adolescents, Pascal Cardonna aurait proposé au Belge, qui veut percer dans le monde de la magie, de devenir son agent artistique, après avoir prétendu être celui de Jeremstar. Thomas, qui raconte avoir été troublé par l’attitude et les propos scabreux de son interlocuteur, refuse. Contacté par téléphone, l’adolescent maintient sa version des faits mais n’accepte pas de répondre à nos questions.
Silhouette frêle, visage enfantin, Dylan, 20 ans, vit dans un village près de Narbonne. Contrairement à Thomas, il défend Pascal Cardonna, un «ami» qu’il a rencontré via une application de rencontres pour homosexuels. Il lui a même fait une «attestation», après les premières accusations, pour assurer qu’il n’avait jamais reçu la moindre avance de sa part. Mais à l’instar du jeune magicien belge, Dylan rêve de célébrité : «J’ai pas trop les pieds sur terre, question travail, confesse-t-il. Ce qui est sûr, c’est que je veux faire de grandes choses. Pas caissier, ni serveur. Je vise plus haut, genre mannequin, travailler dans la mode…»
«Tous gays, tous fans de Jeremstar»
Elu dauphin d’un concours de beauté local il y a plusieurs années, le jeune homme est pour l’instant sans emploi et hébergé chez un ami. Issu d’une famille «très recomposée», il raconte à Libération les soirées passées chez Pascal Cardonna, où il croise d’autres gars, gays comme lui : «Ils faisaient des photos avec Pascal et les postaient sur les réseaux. Ils voulaient se sentir vivre.» Mais Dylan, qui a fait «quatre ou cinq soirées» à Nîmes, soupçonne les autres adolescents de vouloir abuser de la générosité de Pascal Cardonna. «Autour de lui, 90 % des gens étaient intéressés. Ceux qui le dénoncent aujourd’hui, je suis persuadé qu’ils mentent. Ils se sont dit qu’il y avait de l’argent à se faire.»
L’argent est d’ailleurs au cœur de la plainte de Jason, révélée par Libération la semaine dernière. L’adolescent reproche à Pascal Cardonna de lui avoir offert 200 euros pour avoir avec lui un rapport sexuel quand il était âgé de 14 ans. «Corruption de mineurs» et «prostitution de mineurs», peut-on lire dans cette plainte, comme dans celle d’Annoir, le premier jeune à avoir porté ses accusations contre Cardonna devant la justice. Le 25 janvier, par le biais d’un communiqué truffé de fautes, Jason explique qu’à l’époque des faits reprochés, il était «un adolescent fragile, désœuvré, vivant difficilement [son] homosexualité», et que Cardonna lui «promettais [sic] monts et merveilles avec des opportunités de stage, d’emploi, ainsi que des objets de valeur.»
De son côté, Pascal Cardonna nie les faits qui lui sont reprochés. Il affirme qu’il avait bien des relations sexuelles avec des jeunes, mais jamais avec des mineurs. Prenait-il en photo les cartes d’identité des participants, comme il l’affirme dans l’interview accordée à Libération ? «Oui, répond Annoir, le premier plaignant, mais des majeurs seulement.» Et de poursuivre, à propos des soirées qu’il dit avoir passées chez Cardonna : «On faisait la fête, on oubliait nos problèmes. Il y avait beaucoup d’alcool, et j’ai aussi vu passer de la coke. A part une fille, une fois, il n’y avait que des garçons, tous gays et tous fans de Jeremstar.»
Avec Jason, ils accusent le salarié de Radio France d’avoir utilisé sa notoriété, et celle de son ami Jeremstar, pour attirer des jeunes chez lui. Les deux hommes nient et reprochent aux plaignants de vouloir faire le buzz. Charge à la justice de démêler le vrai du faux.
«On est face à des jeunes désœuvrés, des classes populaires, plutôt fragiles», pose Me Alexandre Blondieau, l’avocat de Jason. Il a reçu d’autres dossiers qui ressembleraient à celui de son client et étudie leur recevabilité. «Il faut faire le tri», résume-t-il. Son confrère Me Kamel Benamghar, en charge de la défense d’Annoir, planche lui aussi sur d’autres cas potentiels : «Cette affaire a une dimension insoupçonnée, tout se passe sur les réseaux, il faut être très vigilant.» C’est d’ailleurs sur ces réseaux que son client affirme avoir été contacté par des jeunes hommes qui se disent victimes comme lui. «Ils trouvaient chez Pascal une figure paternelle qu’ils n’avaient pas ailleurs», osait le plaignant dans un premier entretien avec Libération. Rencontré de nouveau à Montpellier, où il étudie, le jeune homme maintient ses accusations contre Pascal Cardonna. Posé sur la table, devant lui, son téléphone portable ne cesse de vibrer. «Je suis sur tous les réseaux. Je me dis à présent que tout ça, c’est malsain, mais je suis né dedans.»

Ultra-connectés, souvent fragiles et en quête de reconnaissance : «Libération» a recueilli les témoignages d’adolescents qui disent avoir fréquenté, sur les réseaux sociaux ou lors de ses soirées, le cadre de Radio France accusé de viol et corruption de mineurs.
C’est une histoire que les plus de 20 ans finiront bien par connaître. D’abord appelée «JeremstarGate» puis «CardonnaGate», l’affaire secoue les réseaux sociaux et les bahuts de France depuis plus de deux semaines. Elle implique Jeremstar, le spécialiste de la télé-réalité dont le pseudo est devenu une marque tant il fédère sur Internet ; «Babybel», de son vrai nom Pascal Cardonna, l’ami du premier, qui apparaît souvent dans ses vidéos ; et plusieurs jeunes qui ont pris la parole sur les réseaux sociaux.
Tout est parti d’une rivalité entre Jeremstar et Aqababe, un autre commentateur de la vie des people. Celui-ci revendique un «scoop» (la preuve filmée d’une relation entre deux participants à l’émission les Anges 10), que Jeremstar lui aurait volé. En représailles, Aqababe exhume une vidéo scabreuse où l’on voit l’idole des ados se masturber. Puis plusieurs vidéos, enregistrements audio ou captures d’écran, témoignages d’échanges qu’auraient eus de jeunes hommes, mineurs pour certains, avec Pascal «Babybel» Cardonna. Le déballage en ligne suscite plusieurs plaintes : pour diffamation d’un côté, pour viol aggravé sur mineur et corruption de mineurs de l’autre. A Paris et à Nîmes, où réside Cardonna et où nous l’avons rencontré pour une interview exclusive (lire page 18), la justice a été saisie. Charge à elle de mettre en lumière les responsabilités des uns et des autres. Mais déjà, les nombreux témoignages recueillis par Libération dessinent le profil de ces jeunes qui disent avoir été approchés ou abusés par Babybel, Jeremstar et consorts : des adolescents homosexuels, habitués des réseaux sociaux, recherchant de la reconnaissance (parfois) ou de l’aide (souvent).
«Merci Babybel, tu es vraiment gentil»
«Je voulais être animateur radio. J’avais vu sur ses photos qu’il travaillait à France Bleu, je l’ai contacté.» Hugo n’a pas 16 ans quand il envoie un message sur Facebook à Pascal Cardonna. «Rapidement, il a compris que j’étais gay et m’a fait des avances», affirme Hugo, qui lui aurait pourtant dit qu’il n’était pas majeur. «Babybel me disait : "T’as une voix pour la radio, viens passer un week-end, tu dors à la maison, on ira au studio ensemble"», poursuit-il. L’ado demande au salarié de Radio France si «Jerem» sera présent, selon les captures d’écran qu’il nous a transmises. Pascal Cardonna lui aurait auparavant assuré qu’ils «s’entendraient bien». Hugo habite dans le nord de la France mais la distance n’est pas un problème. Il affirme que Pascal Cardonna aurait proposé de lui payer les billets pour rallier Nîmes. A l’époque des faits, il y a plus de deux ans, le garçon va mal. Dans la conversation dont il nous montre des extraits, Hugo parle de «malaises». «Des problèmes personnels, familiaux», oppose-t-il quand nous l’interrogeons par téléphone. Dans les messages écrits sur Snapchat, l’application de partage de vidéos où vivent les personnages de Jeremstar, Cardonna s’inquiète de la santé de l’ado, et il lui donne, à en croire ces captures d’écran, son numéro. Hugo répond : «Merci Babybel, tu es vraiment gentil. Pourquoi tu es comme ça avec moi ?»«Car je t’aime bien, c’est rare», aurait répondu le quinquagénaire.
A cause, selon lui, de l’insistance et de la répétition de certaines avances à caractère sexuel, Hugo se détourne finalement de Cardonna. «Quand j’ai parlé de tout ça à mes parents, quelques mois plus tard, ils ont voulu porter plainte. J’ai refusé. Dans ma tête de gosse, je pensais qu’il était trop puissant, trop célèbre, qu’on ne pouvait rien faire.» Et aujourd’hui ? «Mes preuves ne sont pas suffisantes pour porter plainte.» Mais suffisantes pour témoigner en ligne. Son téléphone portable pour se filmer dans une main, un biscuit dans l’autre, Hugo, dont on devine qu’il porte encore un appareil dentaire, fait une vidéo sur Snapchat après le début de la polémique. Elle est visionnée plusieurs milliers de fois en une dizaine de jours.
Vincent, lui, a contacté Pascal Cardonna l’année dernière. «Je cherchais une amitié, je voulais parler avec quelqu’un de confiance.» Pudiquement, il évoque à son tour des «problèmes familiaux». Dans des messages audio qui lui auraient été envoyés et qu’il a partagés sur Twitter, on entend une voix, qui serait celle de Cardonna : «Vincent, ce que je pense de toi, c’est que tu es un garçon extrêmement malheureux. Je ne sais pas ce que tu as mais, en tout cas, tu es triste. Ecoute, si tu veux venir passer un week-end à Nîmes, oui. Je sais pas trop ce que tu cherches.» S’en suivent des questions d’ordre sexuel. Né en 1999, Vincent assure qu’il était mineur au moment de l’échange. Son récit, mâtiné d’un fort accent chti, et les éléments qu’il a partagés sur Internet laissent entrevoir, s’ils sont avérés, une relation à distance compliquée, longue de plusieurs mois. «Pascal m’a dit qu’avec lui je serais heureux, que je pourrais tout lui dire», affirme Vincent à Libération par téléphone. Début décembre, le jeune bisexuel est sur le point d’acheter son billet pour Nîmes. Mais son employeur - il fait le ménage dans des bureaux - l’appelle pour lui confier une mission. Au dernier moment, Vincent annule son week-end gardois. Il dit n’avoir eu que très peu de contacts avec Pascal Cardonna depuis, et n’envisage pas de porter plainte.
Ouriel n’a pas non plus l’intention d’aller en justice. Il venait d’avoir 18 ans quand, selon lui, Cardonna l’a contacté. «Un ami qui avait fait un stage à France Bleu m’avait parlé de Pascal Cardonna. Le nom me disait quelque chose, je l’ai cherché sur Google, j’ai vu que c’était Babybel, explique-t-il par téléphone. Et un jour, sur Facebook, j’ai liké la photo d’un ami où il y avait Cardonna.» Le cadre de France Bleu serait alors venu parler, en ligne, à Ouriel. L’échange aurait duré une semaine. A en croire la capture d’écran transmise par le jeune homme, c’était début 2017. «Depuis que j’ai partagé mon expérience en ligne [après le début du "CardonnaGate", ndlr], j’ai reçu quatre ou cinq témoignages sérieux de jeunes hommes qui ont vécu la même chose, assure Ouriel. Ils veulent rester anonymes et refusent de témoigner publiquement ou auprès de la justice. Leurs familles ne savent pas toujours qu’ils sont gays.»
«Ils voulaient se sentir vivre»
Dans la conversation qu’il aurait eue avec Pascal Cardonna sur Facebook, entre deux propositions scabreuses, le quinquagénaire aurait écrit : «En échange, je t’offre ma confiance - j’invite des gens de confiance lorsqu’il y a Jérémy [Jeremstar] - et on parlera de radio. Je t’aiderai à avancer. Je pense c’est du gagnant-gagnant.»
Un échange «gagnant-gagnant», c’est aussi ce qu’aurait proposé Pascal Cardonna à un homosexuel belge de 17 ans dont le témoignage vidéo, partagé dès le début de l’affaire, a été vu plusieurs milliers de fois sur les réseaux sociaux. Thomas aurait rencontré Pascal Cardonna dans un supermarché du sud-ouest de la France. Le garçon est avec son petit ami : «On reconnaît Babybel, on lui demande de faire une photo.» L’homme les aurait ensuite invités au restaurant. Le jeune couple accepte, «tout excité», raconte Thomas dans la vidéo. Entre deux questions sur la vie sexuelle des adolescents, Pascal Cardonna aurait proposé au Belge, qui veut percer dans le monde de la magie, de devenir son agent artistique, après avoir prétendu être celui de Jeremstar. Thomas, qui raconte avoir été troublé par l’attitude et les propos scabreux de son interlocuteur, refuse. Contacté par téléphone, l’adolescent maintient sa version des faits mais n’accepte pas de répondre à nos questions.
Silhouette frêle, visage enfantin, Dylan, 20 ans, vit dans un village près de Narbonne. Contrairement à Thomas, il défend Pascal Cardonna, un «ami» qu’il a rencontré via une application de rencontres pour homosexuels. Il lui a même fait une «attestation», après les premières accusations, pour assurer qu’il n’avait jamais reçu la moindre avance de sa part. Mais à l’instar du jeune magicien belge, Dylan rêve de célébrité : «J’ai pas trop les pieds sur terre, question travail, confesse-t-il. Ce qui est sûr, c’est que je veux faire de grandes choses. Pas caissier, ni serveur. Je vise plus haut, genre mannequin, travailler dans la mode…»
«Tous gays, tous fans de Jeremstar»
Elu dauphin d’un concours de beauté local il y a plusieurs années, le jeune homme est pour l’instant sans emploi et hébergé chez un ami. Issu d’une famille «très recomposée», il raconte à Libération les soirées passées chez Pascal Cardonna, où il croise d’autres gars, gays comme lui : «Ils faisaient des photos avec Pascal et les postaient sur les réseaux. Ils voulaient se sentir vivre.» Mais Dylan, qui a fait «quatre ou cinq soirées» à Nîmes, soupçonne les autres adolescents de vouloir abuser de la générosité de Pascal Cardonna. «Autour de lui, 90 % des gens étaient intéressés. Ceux qui le dénoncent aujourd’hui, je suis persuadé qu’ils mentent. Ils se sont dit qu’il y avait de l’argent à se faire.»
L’argent est d’ailleurs au cœur de la plainte de Jason, révélée par Libération la semaine dernière. L’adolescent reproche à Pascal Cardonna de lui avoir offert 200 euros pour avoir avec lui un rapport sexuel quand il était âgé de 14 ans. «Corruption de mineurs» et «prostitution de mineurs», peut-on lire dans cette plainte, comme dans celle d’Annoir, le premier jeune à avoir porté ses accusations contre Cardonna devant la justice. Le 25 janvier, par le biais d’un communiqué truffé de fautes, Jason explique qu’à l’époque des faits reprochés, il était «un adolescent fragile, désœuvré, vivant difficilement [son] homosexualité», et que Cardonna lui «promettais [sic] monts et merveilles avec des opportunités de stage, d’emploi, ainsi que des objets de valeur.»
De son côté, Pascal Cardonna nie les faits qui lui sont reprochés. Il affirme qu’il avait bien des relations sexuelles avec des jeunes, mais jamais avec des mineurs. Prenait-il en photo les cartes d’identité des participants, comme il l’affirme dans l’interview accordée à Libération ? «Oui, répond Annoir, le premier plaignant, mais des majeurs seulement.» Et de poursuivre, à propos des soirées qu’il dit avoir passées chez Cardonna : «On faisait la fête, on oubliait nos problèmes. Il y avait beaucoup d’alcool, et j’ai aussi vu passer de la coke. A part une fille, une fois, il n’y avait que des garçons, tous gays et tous fans de Jeremstar.»
Avec Jason, ils accusent le salarié de Radio France d’avoir utilisé sa notoriété, et celle de son ami Jeremstar, pour attirer des jeunes chez lui. Les deux hommes nient et reprochent aux plaignants de vouloir faire le buzz. Charge à la justice de démêler le vrai du faux.
«On est face à des jeunes désœuvrés, des classes populaires, plutôt fragiles», pose Me Alexandre Blondieau, l’avocat de Jason. Il a reçu d’autres dossiers qui ressembleraient à celui de son client et étudie leur recevabilité. «Il faut faire le tri», résume-t-il. Son confrère Me Kamel Benamghar, en charge de la défense d’Annoir, planche lui aussi sur d’autres cas potentiels : «Cette affaire a une dimension insoupçonnée, tout se passe sur les réseaux, il faut être très vigilant.» C’est d’ailleurs sur ces réseaux que son client affirme avoir été contacté par des jeunes hommes qui se disent victimes comme lui. «Ils trouvaient chez Pascal une figure paternelle qu’ils n’avaient pas ailleurs», osait le plaignant dans un premier entretien avec Libération. Rencontré de nouveau à Montpellier, où il étudie, le jeune homme maintient ses accusations contre Pascal Cardonna. Posé sur la table, devant lui, son téléphone portable ne cesse de vibrer. «Je suis sur tous les réseaux. Je me dis à présent que tout ça, c’est malsain, mais je suis né dedans.»
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