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Olga Tokarczuk et Peter Handke, lauréats des prix Nobel de littérature 2018 et 2019 - Le Monde

Olga Tokarczuk et Peter Handke.
Olga Tokarczuk et Peter Handke. JOERG CARSTENSEN/DPA/AP et BARBARA GINDL/AFP

Olga Tokarczuk et Peter Handke, prix Nobel de littérature. Non pas ex aequo, mais l’un au titre de l’année 2018 et l’autre, pour 2019. Cette double attribution est due au scandale mêlant accusations de viol, de harcèlement sexuel, de conflits d’intérêts et de délit d’initié ayant éclaboussé des membres de l’Académie suédoise à partir de novembre 2017. Ce scandale prit de telles proportions que la Fondation Nobel – l’institution qui gère les fonds légués par Alfred Nobel – avait décidé de ne pas remettre le prix en 2018.

Jeudi 10 octobre, ce sont donc deux lauréats qui ont été distingués : la Polonaise Olga Tokarczuk, 57 ans, pour « une imagination narrative qui, avec une passion encyclopédique, représente le franchissement des frontières », et l’Autrichien Peter Handke, pour « son œuvre influente qui a exploré avec ingéniosité linguistique la périphérie et la spécificité de l’expérience humaine », a expliqué Mats Malm, le nouveau secrétaire perpétuel de l’Académie suédoise.

Olga Tokarczuk est née à Sulechow, en Pologne, en 1962. Après avoir étudié la psychologie à l’université de Varsovie, elle a acquis comme écrivaine une réputation mondiale. Elle vit à Wroclaw, tout en voyageant beaucoup. Lauréate, en mai 2018, du prix international Man-Booker, elle a également reçu la plus prestigieuse récompense littéraire de son pays, le prix Nike, en 2008, pour Les Pérégrins (Noir sur blanc, 2010).

Son roman de 2014, Les Livres de Jakob (Noir sur blanc, 2018), retraçant le parcours de dissidents juifs au XVIIIe siècle, s’est vendu à près de 80 000 exemplaires dans son pays et lui a valu d’obtenir, pour la deuxième fois, le prix Nike, en 2015. En 2010, elle confessait au Monde : « C’est dur d’être polonais, ça sent la poisse, le mauvais karma ! A cause d’Auschwitz, bien sûr. Mais pas seulement. C’est une histoire longue, douloureuse, un combat continuel contre ses complexes d’infériorité. Et parfois de supériorité. »

Peter Handke : « Il faudrait supprimer le Nobel de littérature »

Peter Handke est né à Griffen (Carinthie), en Autriche, en 1942. Il a interrompu ses études de droit en 1965, quand son premier ­roman, Les Frelons, a été accepté par l’éditeur ­Suhrkamp. Il a publié depuis plus d’une quarantaine de récits, romans, essais et pièces de théâtre, qui ont fait de lui le plus grand écrivain autrichien, avec Thomas Bernhard (1931-1989) et Elfriede Jelinek (née en 1946), prix Nobel de littérature en 2004.

De ses livres des années 1970-1980, comme L’Angoisse du gardien de but au moment du penalty ou La Femme gauchère, à ses œuvres plus récentes, comme Mon année dans la baie de Personne ou La Perte de l’image, il a creusé le sillon d’une écriture de plus en plus ample, épique.

Parmi ses pièces, plusieurs ont été créées en France par Claude Régy : La Chevauchée sur le lac de Constance, Les gens déraisonnables sont en voie de disparition et Par les villages, repris dans une mise en scène de Stanislas Nordey au Festival d’Avignon, en 2013. Luc Bondy a créé L’heure où nous ne savions rien l’un de l’autre et Les Beaux Jours d’Aranjuez : un dialogue d’été.

En 2006, Marcel Bozonnet, alors administrateur ­général de la Comédie-Française, a déprogrammé une de ses pièces, Voyage au pays sonore ou l’art de la question, après avoir appris que Peter Handke avait assisté à l’enterrement de Slobodan Milosevic, le dirigeant serbe jugé par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide. La décision de Marcel Bozonnet a suscité une violente polémique : certains, comme le dramaturge et metteur en scène Olivier Py, l’ont approuvée ; d’autres ont pris la ­défense de Peter Handke, en particulier Patrick Modiano, Harold Pinter et Elfriede Jelinek.

Au Monde, qui lui demandait en 2012 ce qu’il pensait de la Yougoslavie et du massacre de Srebenica perpétré par les Serbes en 1995, l’écrivain autrichien répondait : « Pour en parler, il faut trouver le bon moment. Il faut aussi que l’autre écoute, que la conversation ne se transforme pas en dispute idéologique, qu’elle soit dirigée par la mélancolie. Comme le dit Goethe, dans Torquato Tasso, il faut qu’une roue de douleur et de gaîté tourne dans la poitrine. Alors on pourra en parler. »

Sur une note plus légère, on se souviendra avec amusement qu’en 2014, Peter Handke disait au quotidien autrichien Die Presse qu’« il faudrait supprimer le prix Nobel de littérature », cette « fausse canonisation ».

Selon le testament d’Alfred Nobel, ce prix – doté de 8 millions de couronnes suédoises (soit 876 560 euros environ) – est destiné à récompenser une œuvre littéraire ayant « fait preuve d’un puissant idéal ». La remise des prix aura lieu le 10 décembre, jour de l’anniversaire de la mort du père de la dynamite.

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Olga Tokarczuk et Peter Handke.
Olga Tokarczuk et Peter Handke. JOERG CARSTENSEN/DPA/AP et BARBARA GINDL/AFP

Olga Tokarczuk et Peter Handke, prix Nobel de littérature. Non pas ex aequo, mais l’un au titre de l’année 2018 et l’autre, pour 2019. Cette double attribution est due au scandale mêlant accusations de viol, de harcèlement sexuel, de conflits d’intérêts et de délit d’initié ayant éclaboussé des membres de l’Académie suédoise à partir de novembre 2017. Ce scandale prit de telles proportions que la Fondation Nobel – l’institution qui gère les fonds légués par Alfred Nobel – avait décidé de ne pas remettre le prix en 2018.

Jeudi 10 octobre, ce sont donc deux lauréats qui ont été distingués : la Polonaise Olga Tokarczuk, 57 ans, pour « une imagination narrative qui, avec une passion encyclopédique, représente le franchissement des frontières », et l’Autrichien Peter Handke, pour « son œuvre influente qui a exploré avec ingéniosité linguistique la périphérie et la spécificité de l’expérience humaine », a expliqué Mats Malm, le nouveau secrétaire perpétuel de l’Académie suédoise.

Olga Tokarczuk est née à Sulechow, en Pologne, en 1962. Après avoir étudié la psychologie à l’université de Varsovie, elle a acquis comme écrivaine une réputation mondiale. Elle vit à Wroclaw, tout en voyageant beaucoup. Lauréate, en mai 2018, du prix international Man-Booker, elle a également reçu la plus prestigieuse récompense littéraire de son pays, le prix Nike, en 2008, pour Les Pérégrins (Noir sur blanc, 2010).

Son roman de 2014, Les Livres de Jakob (Noir sur blanc, 2018), retraçant le parcours de dissidents juifs au XVIIIe siècle, s’est vendu à près de 80 000 exemplaires dans son pays et lui a valu d’obtenir, pour la deuxième fois, le prix Nike, en 2015. En 2010, elle confessait au Monde : « C’est dur d’être polonais, ça sent la poisse, le mauvais karma ! A cause d’Auschwitz, bien sûr. Mais pas seulement. C’est une histoire longue, douloureuse, un combat continuel contre ses complexes d’infériorité. Et parfois de supériorité. »

Peter Handke : « Il faudrait supprimer le Nobel de littérature »

Peter Handke est né à Griffen (Carinthie), en Autriche, en 1942. Il a interrompu ses études de droit en 1965, quand son premier ­roman, Les Frelons, a été accepté par l’éditeur ­Suhrkamp. Il a publié depuis plus d’une quarantaine de récits, romans, essais et pièces de théâtre, qui ont fait de lui le plus grand écrivain autrichien, avec Thomas Bernhard (1931-1989) et Elfriede Jelinek (née en 1946), prix Nobel de littérature en 2004.

De ses livres des années 1970-1980, comme L’Angoisse du gardien de but au moment du penalty ou La Femme gauchère, à ses œuvres plus récentes, comme Mon année dans la baie de Personne ou La Perte de l’image, il a creusé le sillon d’une écriture de plus en plus ample, épique.

Parmi ses pièces, plusieurs ont été créées en France par Claude Régy : La Chevauchée sur le lac de Constance, Les gens déraisonnables sont en voie de disparition et Par les villages, repris dans une mise en scène de Stanislas Nordey au Festival d’Avignon, en 2013. Luc Bondy a créé L’heure où nous ne savions rien l’un de l’autre et Les Beaux Jours d’Aranjuez : un dialogue d’été.

En 2006, Marcel Bozonnet, alors administrateur ­général de la Comédie-Française, a déprogrammé une de ses pièces, Voyage au pays sonore ou l’art de la question, après avoir appris que Peter Handke avait assisté à l’enterrement de Slobodan Milosevic, le dirigeant serbe jugé par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide. La décision de Marcel Bozonnet a suscité une violente polémique : certains, comme le dramaturge et metteur en scène Olivier Py, l’ont approuvée ; d’autres ont pris la ­défense de Peter Handke, en particulier Patrick Modiano, Harold Pinter et Elfriede Jelinek.

Au Monde, qui lui demandait en 2012 ce qu’il pensait de la Yougoslavie et du massacre de Srebenica perpétré par les Serbes en 1995, l’écrivain autrichien répondait : « Pour en parler, il faut trouver le bon moment. Il faut aussi que l’autre écoute, que la conversation ne se transforme pas en dispute idéologique, qu’elle soit dirigée par la mélancolie. Comme le dit Goethe, dans Torquato Tasso, il faut qu’une roue de douleur et de gaîté tourne dans la poitrine. Alors on pourra en parler. »

Sur une note plus légère, on se souviendra avec amusement qu’en 2014, Peter Handke disait au quotidien autrichien Die Presse qu’« il faudrait supprimer le prix Nobel de littérature », cette « fausse canonisation ».

Selon le testament d’Alfred Nobel, ce prix – doté de 8 millions de couronnes suédoises (soit 876 560 euros environ) – est destiné à récompenser une œuvre littéraire ayant « fait preuve d’un puissant idéal ». La remise des prix aura lieu le 10 décembre, jour de l’anniversaire de la mort du père de la dynamite.

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