Les automobiles ont beau être plus que centenaires, leurs cuivres brillent au soleil de Paris. Si l’on se demande où passe l’argent de la redevance, le spectacle de La Garçonne a quelque chose de réconfortant : la reconstitution de la première des Années folles, 1919, a du chien. Les tacots, bien sûr, mais aussi les bals orgiaques du Quartier latin, les bureaux de la Préfecture de police, on se croirait presque dans un film de cinéma à gros budget.
En prime, ces six épisodes de course-poursuite policière passent rapidement, à force de rebondissements, tantôt prévisibles, tantôt abracadabrants, toujours disposés avec sagacité, dans l’espoir de ne pas laisser filer les téléspectateurs vers d’autres plates-formes. Pourtant, quand on arrivera au terme des tribulations de Louise Kerlac, infirmière travestie en policier, il y a peu de chance qu’on lui fera une place dans la galerie des grandes héroïnes de séries.
Ce n’est pas vraiment la faute de Laura Smet, qui se débat vaillamment dans le piège que lui ont tendu les créateurs de la série, le producteur Harold Valentin et la productrice et scénariste Dominique Lancelot. Ce sont eux qui, tout en multipliant les invraisemblances (ce qui n’est pas en soi un défaut, d’Arsène Lupin à Fantomas, en passant par Musidora, de fabuleux personnages ont prospéré sur l’invraisemblance) se font désinvoltes lorsqu’il faut prendre en compte la dimension tragique de leur histoire. Et comment ne lorgnerait-on pas du côté de la tragédie, dans une société qui n’a pas encore fini de compter les millions de morts de la « der des der », aux marges de laquelle rôdent tueurs et politiciens corrompus ?
Clins d’œil coquins
Peu après l’Armistice, Louise Kerlac perd son emploi d’infirmière, mais pas la charge de son frère jumeau Antoine (Tom Hygreck), bel artiste ténébreux (profession qui permettra de croiser Man Ray, Foujita ou Modigliani) que la guerre a rendu morphinomane et quasi psychotique. Leur père, inspecteur à la sûreté, a été assassiné pendant que ses enfants étaient au front. C’est sous les yeux de Louise que son adjoint tombe à son tour sous les coups d’assassins circulant dans une voiture de la Préfecture.
Comme le défunt s’était assuré que son fils démobilisé trouverait une place dans son service, et que le tempérament et les pathologies d’Antoine le rendent peu apte au maintien de l’ordre, Louise décide de lui emprunter son prénom, de se faire homme et d’entrer dans la police. Le succès de l’opération demandera beaucoup de crédulité, mais il pourrait rapporter gros : de toute évidence, l’interprète principale ne demande qu’à épaissir le brouillard d’ambiguïté érotique né de la situation. Mais si, dans les festivals de séries, La Garçonne fera honneur à la réputation du Gay Paree en multipliant les clins d’œil coquins (on se croirait dans les années 1980), le drame ou la comédie restent de simples éventualités, sacrifiées à la cavalcade de l’enquête policière.
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Read AgainLes automobiles ont beau être plus que centenaires, leurs cuivres brillent au soleil de Paris. Si l’on se demande où passe l’argent de la redevance, le spectacle de La Garçonne a quelque chose de réconfortant : la reconstitution de la première des Années folles, 1919, a du chien. Les tacots, bien sûr, mais aussi les bals orgiaques du Quartier latin, les bureaux de la Préfecture de police, on se croirait presque dans un film de cinéma à gros budget.
En prime, ces six épisodes de course-poursuite policière passent rapidement, à force de rebondissements, tantôt prévisibles, tantôt abracadabrants, toujours disposés avec sagacité, dans l’espoir de ne pas laisser filer les téléspectateurs vers d’autres plates-formes. Pourtant, quand on arrivera au terme des tribulations de Louise Kerlac, infirmière travestie en policier, il y a peu de chance qu’on lui fera une place dans la galerie des grandes héroïnes de séries.
Ce n’est pas vraiment la faute de Laura Smet, qui se débat vaillamment dans le piège que lui ont tendu les créateurs de la série, le producteur Harold Valentin et la productrice et scénariste Dominique Lancelot. Ce sont eux qui, tout en multipliant les invraisemblances (ce qui n’est pas en soi un défaut, d’Arsène Lupin à Fantomas, en passant par Musidora, de fabuleux personnages ont prospéré sur l’invraisemblance) se font désinvoltes lorsqu’il faut prendre en compte la dimension tragique de leur histoire. Et comment ne lorgnerait-on pas du côté de la tragédie, dans une société qui n’a pas encore fini de compter les millions de morts de la « der des der », aux marges de laquelle rôdent tueurs et politiciens corrompus ?
Clins d’œil coquins
Peu après l’Armistice, Louise Kerlac perd son emploi d’infirmière, mais pas la charge de son frère jumeau Antoine (Tom Hygreck), bel artiste ténébreux (profession qui permettra de croiser Man Ray, Foujita ou Modigliani) que la guerre a rendu morphinomane et quasi psychotique. Leur père, inspecteur à la sûreté, a été assassiné pendant que ses enfants étaient au front. C’est sous les yeux de Louise que son adjoint tombe à son tour sous les coups d’assassins circulant dans une voiture de la Préfecture.
Comme le défunt s’était assuré que son fils démobilisé trouverait une place dans son service, et que le tempérament et les pathologies d’Antoine le rendent peu apte au maintien de l’ordre, Louise décide de lui emprunter son prénom, de se faire homme et d’entrer dans la police. Le succès de l’opération demandera beaucoup de crédulité, mais il pourrait rapporter gros : de toute évidence, l’interprète principale ne demande qu’à épaissir le brouillard d’ambiguïté érotique né de la situation. Mais si, dans les festivals de séries, La Garçonne fera honneur à la réputation du Gay Paree en multipliant les clins d’œil coquins (on se croirait dans les années 1980), le drame ou la comédie restent de simples éventualités, sacrifiées à la cavalcade de l’enquête policière.
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