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Le fervent dernier adieu à Michael Lonsdale - Le Parisien

A la sortie, à l'issue d'une cérémonie qui aura duré deux heures trente, des hôtesses distribuent un signet souvenir sur lequel apparaît, chevelure et barbe blanche, doux regard et chemise à carreaux, le portrait de Michael Lonsdale légendé de sa date de sa naissance, 24 mai 1931, et de celle de sa mort, le 21 septembre dans son appartement de la place Vauban qu'il n'avait jamais quitté, dans le VIIe arrondissement de Paris.

Sous l'image, une phrase écrite à l'encre bleu ciel de Sainte-Thérèse-de l'Enfant Jésus, « sainte préférée » du défunt et que l'Eglise catholique célébrait ce même jeudi : « Je me réjouis d'être petite, puisque les enfants seuls et ceux qui leur ressemblent seront admis au banquet céleste. » Au verso, un texte signé de l'acteur « with love », adressé à Dieu le père, invité à retourner l'appartement témoin d'un homme qui n'aura jamais caché sa foi. « Visite, occupe, assainis tous les recoins! Fais sauter les gonds. »

Message du pape François

Pour les obsèques du vice-consul de Lahore chez Marguerite Duras dans « India Song », ou de frère Luc dans « Des hommes et des dieux », de Xavier Beauvois, un rôle qui lui rapporta le César du meilleur second rôle en 2011, l'archevêché n'a pas fait sauter les gonds du portail de l'église Saint-Roch, paroisse des artistes. Mais pour ce fils imprégné de foi, une occasion pareille n'arrive pas tous les quatre matins de grand départ vers l'au-delà. On a donc fait donner, dans une organisation au petit point — les invités munis d'un ticket de « messe d'adieu » —, les grandes orgues de la liturgie eucharistique.

Le cercueil de Michael Lonsdale arrive à l’Eglise Saint-Roch, ce jeudi à Paris./AFP/Christophe Archambault
Le cercueil de Michael Lonsdale arrive à l’Eglise Saint-Roch, ce jeudi à Paris./AFP/Christophe Archambault  

Mitres scintillantes et nuages d'encens. Entrée et sortie sur le « Stabat Mater » de Pergolèse. Chants plus enveloppants les uns que les autres. Silhouettes agenouillées. Chœurs et cordes en rouge et noir… Et lecture d'un message que le pape François envoya au disparu lorsque ce dernier lui adressa l'un de ses livres. « Recevez ma bénédiction apostolique, que la sainte Vierge vous protège. Fraternellement, François ». La messe n'est pas encore dite mais pour l'assistance, cette spéciale dédicace fait son effet.

Les témoignages se succèdent en chapelet. Le cinéaste et documentariste Philippe Calderon, neveu et filleul de l'acteur, raconte les fêtes de Noël — « Tu arrivais tard ou tu partais trop tôt en nous apportant de somptueux cadeaux. » Les soirées avec Sacha Pitoëff, Laurent Terzieff ou Jeanne Moreau. Ou ces images de Michael, allongé sur un sofa pour peindre.

«Dites qu'il était aussi universaliste»

Le poète et haut fonctionnaire Jean Maheu, qui fut le compagnon de toujours — « 83 ans d'amitié fraternelle » — évoque « un petit garçon très beau, très pur, avec une morale sans faille. Il ne mentait jamais, quoi qu'il dût lui en coûter ». Il dit aussi « le conteur né à l'humour tout en finesse et la diction singulière, détachant chaque mot sans affectation ni perte de sens. » Ses derniers mots se mêlent de larmes. Chacun des éloges prononcés constitue les affluents d'une tendre certitude. Lonsdale avait gardé la simplicité et l'engouement d'une âme d'enfant.

Son agent, Olivier Loiseau, soulève des rires étouffés par les masques en racontant comment Michael ne supportait pas d'autre prononciation de son prénom qu'à l'anglo-saxonne : « Maïllkeul ». Il raconte comment un échange avec l'archevêque de Strasbourg déboucha sur un lapsus surréaliste : « Et je suis heureux d'accueillir, s'exclama le prélat troublé, Maïllkeul Jackson ! » Lorsque nous avons recroisé l'agent artistique sur les marches de l'église, il nous a fait cette prière un peu plus païenne : « Dites qu'il était aussi universaliste, ouvert à la modernité. »

Cantique à la Vierge Marie

« Il avait un tel humour », confie Macha Méril qui fit ses débuts au cinéma en 1960 avec Lonsdale dans « la Main chaude », de Gérard Oury. Elle ajoute qu'ils aimaient se retrouver au cirque Gruss. Sur ce, Jean-Pierre Léaud surgit sans masque, assailli par les objectifs et les caméras. Visiblement ému, cheveux longs et peau parcheminée, le partenaire de Lonsdale dans « Baisers volés » sourit à rebours, gardant lui aussi le souvenir d'un personnage simple et gai.

On cherche toutefois un monde du théâtre et du cinéma qu'on attendait plus fourni. Ce n'est pas le cas, et de loin. Catherine Salviat, Nicolas Vaude, François Marthouret, Macha Méril, donc… Et ? Et ? C'est tout. Avant que la dépouille ne soit installée dans le corbillard, en partance pour le cimetière Montmartre, on chante un cantique à la Vierge Marie. Le ciel qui pleurait deux heures et demie plus tôt s'est habillé de bleu et de blanc. Une dame à qui l'on signale cette météo plus souriante et opportunément colorée, s'étonne de notre remarque. « Auriez-vous imaginé qu'il en soit autrement ? »

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A la sortie, à l'issue d'une cérémonie qui aura duré deux heures trente, des hôtesses distribuent un signet souvenir sur lequel apparaît, chevelure et barbe blanche, doux regard et chemise à carreaux, le portrait de Michael Lonsdale légendé de sa date de sa naissance, 24 mai 1931, et de celle de sa mort, le 21 septembre dans son appartement de la place Vauban qu'il n'avait jamais quitté, dans le VIIe arrondissement de Paris.

Sous l'image, une phrase écrite à l'encre bleu ciel de Sainte-Thérèse-de l'Enfant Jésus, « sainte préférée » du défunt et que l'Eglise catholique célébrait ce même jeudi : « Je me réjouis d'être petite, puisque les enfants seuls et ceux qui leur ressemblent seront admis au banquet céleste. » Au verso, un texte signé de l'acteur « with love », adressé à Dieu le père, invité à retourner l'appartement témoin d'un homme qui n'aura jamais caché sa foi. « Visite, occupe, assainis tous les recoins! Fais sauter les gonds. »

Message du pape François

Pour les obsèques du vice-consul de Lahore chez Marguerite Duras dans « India Song », ou de frère Luc dans « Des hommes et des dieux », de Xavier Beauvois, un rôle qui lui rapporta le César du meilleur second rôle en 2011, l'archevêché n'a pas fait sauter les gonds du portail de l'église Saint-Roch, paroisse des artistes. Mais pour ce fils imprégné de foi, une occasion pareille n'arrive pas tous les quatre matins de grand départ vers l'au-delà. On a donc fait donner, dans une organisation au petit point — les invités munis d'un ticket de « messe d'adieu » —, les grandes orgues de la liturgie eucharistique.

Le cercueil de Michael Lonsdale arrive à l’Eglise Saint-Roch, ce jeudi à Paris./AFP/Christophe Archambault
Le cercueil de Michael Lonsdale arrive à l’Eglise Saint-Roch, ce jeudi à Paris./AFP/Christophe Archambault  

Mitres scintillantes et nuages d'encens. Entrée et sortie sur le « Stabat Mater » de Pergolèse. Chants plus enveloppants les uns que les autres. Silhouettes agenouillées. Chœurs et cordes en rouge et noir… Et lecture d'un message que le pape François envoya au disparu lorsque ce dernier lui adressa l'un de ses livres. « Recevez ma bénédiction apostolique, que la sainte Vierge vous protège. Fraternellement, François ». La messe n'est pas encore dite mais pour l'assistance, cette spéciale dédicace fait son effet.

Les témoignages se succèdent en chapelet. Le cinéaste et documentariste Philippe Calderon, neveu et filleul de l'acteur, raconte les fêtes de Noël — « Tu arrivais tard ou tu partais trop tôt en nous apportant de somptueux cadeaux. » Les soirées avec Sacha Pitoëff, Laurent Terzieff ou Jeanne Moreau. Ou ces images de Michael, allongé sur un sofa pour peindre.

«Dites qu'il était aussi universaliste»

Le poète et haut fonctionnaire Jean Maheu, qui fut le compagnon de toujours — « 83 ans d'amitié fraternelle » — évoque « un petit garçon très beau, très pur, avec une morale sans faille. Il ne mentait jamais, quoi qu'il dût lui en coûter ». Il dit aussi « le conteur né à l'humour tout en finesse et la diction singulière, détachant chaque mot sans affectation ni perte de sens. » Ses derniers mots se mêlent de larmes. Chacun des éloges prononcés constitue les affluents d'une tendre certitude. Lonsdale avait gardé la simplicité et l'engouement d'une âme d'enfant.

Son agent, Olivier Loiseau, soulève des rires étouffés par les masques en racontant comment Michael ne supportait pas d'autre prononciation de son prénom qu'à l'anglo-saxonne : « Maïllkeul ». Il raconte comment un échange avec l'archevêque de Strasbourg déboucha sur un lapsus surréaliste : « Et je suis heureux d'accueillir, s'exclama le prélat troublé, Maïllkeul Jackson ! » Lorsque nous avons recroisé l'agent artistique sur les marches de l'église, il nous a fait cette prière un peu plus païenne : « Dites qu'il était aussi universaliste, ouvert à la modernité. »

Cantique à la Vierge Marie

« Il avait un tel humour », confie Macha Méril qui fit ses débuts au cinéma en 1960 avec Lonsdale dans « la Main chaude », de Gérard Oury. Elle ajoute qu'ils aimaient se retrouver au cirque Gruss. Sur ce, Jean-Pierre Léaud surgit sans masque, assailli par les objectifs et les caméras. Visiblement ému, cheveux longs et peau parcheminée, le partenaire de Lonsdale dans « Baisers volés » sourit à rebours, gardant lui aussi le souvenir d'un personnage simple et gai.

On cherche toutefois un monde du théâtre et du cinéma qu'on attendait plus fourni. Ce n'est pas le cas, et de loin. Catherine Salviat, Nicolas Vaude, François Marthouret, Macha Méril, donc… Et ? Et ? C'est tout. Avant que la dépouille ne soit installée dans le corbillard, en partance pour le cimetière Montmartre, on chante un cantique à la Vierge Marie. Le ciel qui pleurait deux heures et demie plus tôt s'est habillé de bleu et de blanc. Une dame à qui l'on signale cette météo plus souriante et opportunément colorée, s'étonne de notre remarque. « Auriez-vous imaginé qu'il en soit autrement ? »

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