- Des grandes firmes comme Warner et Disney sortent de plus en plus de films directement sur les plateformes de streaming.
- En France, malgré la crise sanitaire, aucune salle n’a fermé définitivement grâce aux aides du gouvernement.
- Inquiets de la tournure des événements, les professionnels envisagent malgré tout un avenir pour les salles de cinéma.
Les cinémas pourront-ils réouvrir le 15 décembre ? A quelques heures des prochaines annonces du gouvernement, les professionnels restent inquiets. Moins devant l’afflux à venir de très nombreux films qu’il faudra gérer que face au choix de la Warner Bros de sortir ses prochains blockbustersen même temps dans les salles et sur une plateforme, HBO Max. Une décision qui n’a pas manqué de susciter la colère de réalisateurs américains, notamment Christopher Nolan (lire encadré).
Et en France ? Alors que Wonder Woman 1984 de Patty Jenkins doit sortir le 16 décembre dans les salles françaises, puis le 25 décembre sur HBO Max aux Etats-Unis, 20 Minutes s’est demandé quel serait l’impact de ces changements en France. Alors que la chronologie des médias impose toujours un délai de trois mois entre la sortie d’un film en salle et sa distribution en VOD (vidéo à la demande), notre pays peut-il, comme dans Astérix, être le seul à résister à ce mouvement ? Nous avons questionné plusieurs professionnels sur leur façon d’envisager l’avenir.
N’est-il pas temps d’assouplir la chronologie des médias ?
« Le risque de mettre directement les films sur les plateformes, c’est le piratage, estime un distributeur sous couvert d’anonymat. Les zones de téléchargement illégal savent comment s’en emparer et le public français n’a plus qu’à se servir, ce qui représente un terrible manque à gagner pour toute la chaîne de distribution ! » Tous les professionnels ne se montrent pas aussi défaitistes. « De toute façon, martèle Maxime Munier, directeur du Cinéma Agnès Varda de Joigny (Yonne), le cinéma a déjà fait scission entre ceux qui ne consomment plus que sur leur ordinateur et ne fréquentent plus les salles depuis longtemps et ceux dont la sortie au cinéma entre amis ou en famille fait que cette activité reste l’une des préférées des Français. »
« Peut-être va-t-on enfin réformer la sacro-sainte "chronologie des médias" et ouvrir largement les salles et les écrans aux œuvres qu’on aura envie d’y montrer, y compris celles venues des plateformes ? », supplie un exploitant qui a préféré rester anonyme de peur d’être vilipendé par ces collègues. On se souvient du scandale causé par le passage d’Okja de Bong Joon-ho au Festival de Cannes en 2017. Depuis la compétition cannoise s’est tenue éloignée des films Netflix comme Roma d’Alfonso Cuaron ou The Irishman de Martin Scorsese. Problème : les plateformes refusent toujours de participer au financement du fonds de soutien du CNC. Ce système vertueux, basé sur le prélèvement d’un pourcentage sur les tickets de cinéma, permet à l’industrie de s’autofinancer sans passer par les impôts du contribuable (contrairement à ce qu’on pense trop souvent). Il s’en trouverait menacé, de même que l’indépendance du financement des films français et des coproductions internationales vis-à-vis des grands groupes multinationaux.
J-13 ! 🔥
— Les Cinémas Grand Écran 🍿🎬 (@grand_ecran) December 2, 2020
Vous nous manquez terriblement ! ❤️🙏#tousaucinema pic.twitter.com/LeQE5efR7V
Comment continuer d’attirer les spectateurs dans les salles ?
L’engouement actuel pour les projections en Imax, 4DX et autres Grand Large prouve qu’une partie du public est toujours en quête de sensations qu’il ne peut obtenir dans son salon. « Le cinéma va redevenir ce qu’il était à ses débuts : une attraction !, prédit Jacques Bianchi du Gaumont Parnasse. L'Arrivée d'un train à La Ciotat (1895) des frères Lumière sera remplacée par un fauteuil vous secouant tout le corps ! Le procédé a changé mais pas la nature de l’attraction ! » On imagine déjà toutes les nouveautés techniques qui pourraient allécher un public de plus en plus avide de sensations fortes. Mais cela ne saurait être la seule façon de séduire des spectateurs qui n’ont pas forcément envie de payer plus cher pour porter des lunettes 3D ou être secoués comme des pruniers.
« Les axes les plus porteurs devraient être des choses que ne peuvent pas faire les spectateurs par eux-mêmes », estime de son côté le chef opérateur Dominique Marion Peredone qui pense à créer « de l’événementiel ». Le succès de films porteurs de débats comme Un pays qui se tient sage de David Dufresne ou Autonomes de François Bégaudeau lui donne raison. Les rencontres avec les équipes artistiques et autres programmations scolaires peuvent faire le job et satisfaire la quête de sens de spectateurs amateurs de sorties en famille ou entre amis cinéphiles.
Les multiplexes vont-ils céder leurs places aux cinémas de quartier ?
Plus de films pour moins cher, c’est ce que promettent les plateformes. Le choix des studios Disney de sortir en France des films aussi attendus que Mulan de Niki Caro ou Soul de Pete Docter directement sur Disney+ procède de ce calcul qui suscite la peur et la colère des exploitants. « Je pense que cela va surtout contribuer à tuer les grandes salles et les multiplexes vendeurs de pop-corn car cela touche directement le grand public, déclare Renaud Florent Benoist, directeur adjoint et programmateur du cinéma Le Colisée de Saint-Galmier (Loire). Mais au moins, le cinéma va pouvoir redevenir proche des gens et on l’utilisera peut-être à l’avenir comme un outil culturel et non commercial. » Des salles associatives dans la France entière pourraient profiter de la situation avec des programmations plus audacieuses, des festivals ou des animations comme le font déjà certains cinémas avec des nuits thématiques ou des goûters réservés aux jeunes cinéphiles.
Alors qu’on ne déplore aucune fermeture de salles depuis le premier confinement, grâce aux aides du gouvernement, les exploitants savent qu’un énorme défi les attend en 2021 : faire revenir le public au cinéma. Et se réinventer dans les grandes largeurs. Mais on leur fait confiance pour continuer à nous faire rêver sur grand écran.
La colère de Christopher Nolan
Face à la décision de la Warner Bros de sortir ses prochains blockbusters simulanément en salles et sur une plateforme aux Etats-Unis, le cinéaste Christopher Nolan s’est faché tout rouge. A en croire le réalisateur de Tenet, la Warner n’a prévenu aucune équipe de film de sa décision. « Certains de nos plus grands cinéastes et acteurs de cinéma se sont couchés la nuit précédente en pensant qu’ils travaillaient pour le plus grand des studios de cinéma et ils se sont réveillés en découvrant qu’ils travaillent en fait pour le pire service de streaming », selon ses propos rapportés par le site américain Deadline. Denis Villeneuve (le réalisateur de Dune) ou Lana Wachowski (la réalisatrice de Matrix 4), également concernés, n'en pensent sans doute pas moins.
- Des grandes firmes comme Warner et Disney sortent de plus en plus de films directement sur les plateformes de streaming.
- En France, malgré la crise sanitaire, aucune salle n’a fermé définitivement grâce aux aides du gouvernement.
- Inquiets de la tournure des événements, les professionnels envisagent malgré tout un avenir pour les salles de cinéma.
Les cinémas pourront-ils réouvrir le 15 décembre ? A quelques heures des prochaines annonces du gouvernement, les professionnels restent inquiets. Moins devant l’afflux à venir de très nombreux films qu’il faudra gérer que face au choix de la Warner Bros de sortir ses prochains blockbustersen même temps dans les salles et sur une plateforme, HBO Max. Une décision qui n’a pas manqué de susciter la colère de réalisateurs américains, notamment Christopher Nolan (lire encadré).
Et en France ? Alors que Wonder Woman 1984 de Patty Jenkins doit sortir le 16 décembre dans les salles françaises, puis le 25 décembre sur HBO Max aux Etats-Unis, 20 Minutes s’est demandé quel serait l’impact de ces changements en France. Alors que la chronologie des médias impose toujours un délai de trois mois entre la sortie d’un film en salle et sa distribution en VOD (vidéo à la demande), notre pays peut-il, comme dans Astérix, être le seul à résister à ce mouvement ? Nous avons questionné plusieurs professionnels sur leur façon d’envisager l’avenir.
N’est-il pas temps d’assouplir la chronologie des médias ?
« Le risque de mettre directement les films sur les plateformes, c’est le piratage, estime un distributeur sous couvert d’anonymat. Les zones de téléchargement illégal savent comment s’en emparer et le public français n’a plus qu’à se servir, ce qui représente un terrible manque à gagner pour toute la chaîne de distribution ! » Tous les professionnels ne se montrent pas aussi défaitistes. « De toute façon, martèle Maxime Munier, directeur du Cinéma Agnès Varda de Joigny (Yonne), le cinéma a déjà fait scission entre ceux qui ne consomment plus que sur leur ordinateur et ne fréquentent plus les salles depuis longtemps et ceux dont la sortie au cinéma entre amis ou en famille fait que cette activité reste l’une des préférées des Français. »
« Peut-être va-t-on enfin réformer la sacro-sainte "chronologie des médias" et ouvrir largement les salles et les écrans aux œuvres qu’on aura envie d’y montrer, y compris celles venues des plateformes ? », supplie un exploitant qui a préféré rester anonyme de peur d’être vilipendé par ces collègues. On se souvient du scandale causé par le passage d’Okja de Bong Joon-ho au Festival de Cannes en 2017. Depuis la compétition cannoise s’est tenue éloignée des films Netflix comme Roma d’Alfonso Cuaron ou The Irishman de Martin Scorsese. Problème : les plateformes refusent toujours de participer au financement du fonds de soutien du CNC. Ce système vertueux, basé sur le prélèvement d’un pourcentage sur les tickets de cinéma, permet à l’industrie de s’autofinancer sans passer par les impôts du contribuable (contrairement à ce qu’on pense trop souvent). Il s’en trouverait menacé, de même que l’indépendance du financement des films français et des coproductions internationales vis-à-vis des grands groupes multinationaux.
J-13 ! 🔥
— Les Cinémas Grand Écran 🍿🎬 (@grand_ecran) December 2, 2020
Vous nous manquez terriblement ! ❤️🙏#tousaucinema pic.twitter.com/LeQE5efR7V
Comment continuer d’attirer les spectateurs dans les salles ?
L’engouement actuel pour les projections en Imax, 4DX et autres Grand Large prouve qu’une partie du public est toujours en quête de sensations qu’il ne peut obtenir dans son salon. « Le cinéma va redevenir ce qu’il était à ses débuts : une attraction !, prédit Jacques Bianchi du Gaumont Parnasse. L'Arrivée d'un train à La Ciotat (1895) des frères Lumière sera remplacée par un fauteuil vous secouant tout le corps ! Le procédé a changé mais pas la nature de l’attraction ! » On imagine déjà toutes les nouveautés techniques qui pourraient allécher un public de plus en plus avide de sensations fortes. Mais cela ne saurait être la seule façon de séduire des spectateurs qui n’ont pas forcément envie de payer plus cher pour porter des lunettes 3D ou être secoués comme des pruniers.
« Les axes les plus porteurs devraient être des choses que ne peuvent pas faire les spectateurs par eux-mêmes », estime de son côté le chef opérateur Dominique Marion Peredone qui pense à créer « de l’événementiel ». Le succès de films porteurs de débats comme Un pays qui se tient sage de David Dufresne ou Autonomes de François Bégaudeau lui donne raison. Les rencontres avec les équipes artistiques et autres programmations scolaires peuvent faire le job et satisfaire la quête de sens de spectateurs amateurs de sorties en famille ou entre amis cinéphiles.
Les multiplexes vont-ils céder leurs places aux cinémas de quartier ?
Plus de films pour moins cher, c’est ce que promettent les plateformes. Le choix des studios Disney de sortir en France des films aussi attendus que Mulan de Niki Caro ou Soul de Pete Docter directement sur Disney+ procède de ce calcul qui suscite la peur et la colère des exploitants. « Je pense que cela va surtout contribuer à tuer les grandes salles et les multiplexes vendeurs de pop-corn car cela touche directement le grand public, déclare Renaud Florent Benoist, directeur adjoint et programmateur du cinéma Le Colisée de Saint-Galmier (Loire). Mais au moins, le cinéma va pouvoir redevenir proche des gens et on l’utilisera peut-être à l’avenir comme un outil culturel et non commercial. » Des salles associatives dans la France entière pourraient profiter de la situation avec des programmations plus audacieuses, des festivals ou des animations comme le font déjà certains cinémas avec des nuits thématiques ou des goûters réservés aux jeunes cinéphiles.
Alors qu’on ne déplore aucune fermeture de salles depuis le premier confinement, grâce aux aides du gouvernement, les exploitants savent qu’un énorme défi les attend en 2021 : faire revenir le public au cinéma. Et se réinventer dans les grandes largeurs. Mais on leur fait confiance pour continuer à nous faire rêver sur grand écran.
La colère de Christopher Nolan
Face à la décision de la Warner Bros de sortir ses prochains blockbusters simulanément en salles et sur une plateforme aux Etats-Unis, le cinéaste Christopher Nolan s’est faché tout rouge. A en croire le réalisateur de Tenet, la Warner n’a prévenu aucune équipe de film de sa décision. « Certains de nos plus grands cinéastes et acteurs de cinéma se sont couchés la nuit précédente en pensant qu’ils travaillaient pour le plus grand des studios de cinéma et ils se sont réveillés en découvrant qu’ils travaillent en fait pour le pire service de streaming », selon ses propos rapportés par le site américain Deadline. Denis Villeneuve (le réalisateur de Dune) ou Lana Wachowski (la réalisatrice de Matrix 4), également concernés, n'en pensent sans doute pas moins.
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