
Une bonne surprise, il en arrive parfois dans le ronron de la fiction française à visée populaire, quand un réalisateur parvient à tourner les conventions de genre à son avantage. Plus encore quand se cristallise un rapport privilégié à un acteur, et que toutes les stratégies d’un film conspirent à entretenir le regard posé sur lui. C’est précisément ce qui se produit dans En plein feu, où Quentin Reynaud, après Paris-Willouby (2016, coréalisé avec Arthur Delaire) et Cinquième set (2021), retrouve Alex Lutz pour la troisième fois, creusant la veine dépressive d’un acteur associé à la comédie, cette fois plongé dans un survival en forêt landaise, au cœur d’un de ces incendies ravageurs qui défraient la chronique estivale.
Simon, son personnage, à l’approche du feu, est l’un des derniers à évacuer le quartier pavillonnaire où il habite seul avec un père vétéran de la marine, Joseph (André Dussollier), peu mobile et réfractaire, visiblement brouillé avec son fils. Une fois montés en voiture, les deux hommes suivent l’itinéraire tracé par les autorités mais se retrouvent bloqués dans des embouteillages monstres sur une route de campagne, vers laquelle l’arrivée de vents puissants pousse inexorablement l’incendie. Immobilisés, sans pouvoir filer vers l’avant, faire marche arrière ni même fuir à pied, père et fils se retrouvent pris dans les méandres du brasier. Avec pour seul outil un téléphone portable qui capte mal et un talkie-walkie.
Enfer terrestre
On craint d’abord que ce principe d’immobilité soit au détriment du film, amené à transposer dans l’habitacle le petit théâtre du conflit père-fils. Or Reynaud trouve là l’occasion d’une sobriété salutaire, terrain propice pour aménager la montée en tension. Ainsi la menace ne sera-t-elle jamais abordée de front, ni l’incendie figuré en Melmoth numérique, mais plus judicieusement désignée par ses effets, comme une série d’augures de plus en plus inquiétants s’amoncelant sur la route des personnages.
Au rang de ces signes, les fumées qui s’élèvent à l’horizon en colonnes guerrières, les rougeoiements dont la progression promet une sorte d’enfer terrestre. Ce sont surtout les sensations devancières, les vides du désastre, que le film travaille : fumées âcres qui saturent l’atmosphère, températures qui mettent les corps à l’épreuve, jusqu’aux chocs répétés d’une faune affolée, forçant les parois humaines – un sanglier enflammé contre la carcasse du véhicule, une pluie de moineaux désorientés sur les murs de la maison.
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Une bonne surprise, il en arrive parfois dans le ronron de la fiction française à visée populaire, quand un réalisateur parvient à tourner les conventions de genre à son avantage. Plus encore quand se cristallise un rapport privilégié à un acteur, et que toutes les stratégies d’un film conspirent à entretenir le regard posé sur lui. C’est précisément ce qui se produit dans En plein feu, où Quentin Reynaud, après Paris-Willouby (2016, coréalisé avec Arthur Delaire) et Cinquième set (2021), retrouve Alex Lutz pour la troisième fois, creusant la veine dépressive d’un acteur associé à la comédie, cette fois plongé dans un survival en forêt landaise, au cœur d’un de ces incendies ravageurs qui défraient la chronique estivale.
Simon, son personnage, à l’approche du feu, est l’un des derniers à évacuer le quartier pavillonnaire où il habite seul avec un père vétéran de la marine, Joseph (André Dussollier), peu mobile et réfractaire, visiblement brouillé avec son fils. Une fois montés en voiture, les deux hommes suivent l’itinéraire tracé par les autorités mais se retrouvent bloqués dans des embouteillages monstres sur une route de campagne, vers laquelle l’arrivée de vents puissants pousse inexorablement l’incendie. Immobilisés, sans pouvoir filer vers l’avant, faire marche arrière ni même fuir à pied, père et fils se retrouvent pris dans les méandres du brasier. Avec pour seul outil un téléphone portable qui capte mal et un talkie-walkie.
Enfer terrestre
On craint d’abord que ce principe d’immobilité soit au détriment du film, amené à transposer dans l’habitacle le petit théâtre du conflit père-fils. Or Reynaud trouve là l’occasion d’une sobriété salutaire, terrain propice pour aménager la montée en tension. Ainsi la menace ne sera-t-elle jamais abordée de front, ni l’incendie figuré en Melmoth numérique, mais plus judicieusement désignée par ses effets, comme une série d’augures de plus en plus inquiétants s’amoncelant sur la route des personnages.
Au rang de ces signes, les fumées qui s’élèvent à l’horizon en colonnes guerrières, les rougeoiements dont la progression promet une sorte d’enfer terrestre. Ce sont surtout les sensations devancières, les vides du désastre, que le film travaille : fumées âcres qui saturent l’atmosphère, températures qui mettent les corps à l’épreuve, jusqu’aux chocs répétés d’une faune affolée, forçant les parois humaines – un sanglier enflammé contre la carcasse du véhicule, une pluie de moineaux désorientés sur les murs de la maison.
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