Search

Avec "Ils sont vivants", Jérémie Elkaïm croit en l'éveil des gens plus qu'à la récupération politique - Le HuffPost

Stephane Cardinale - Corbis via Getty Images

Jérémie Elkaïm, ici au mois d'août 2021, à Angoulême.

CINÉMA - Jérémie Elkaïm passe derrière les caméras. Ce mercredi 23 février, l’acteur français de 43 ans, découvert à la fin des années 1990 par François Ozon et révélé dans La reine des pommes de Valérie Donzelli, dévoile au cinéma son premier long-métrage en tant que réalisateur: Ils sont vivants.

Son récit, c’est celui d’une femme, une certaine Béatrice, qui après le décès de son mari va faire la rencontre d’un homme, le dénommé Mokhtar (Seear Kohi), un enseignant iranien arrivé clandestinement en France. Pour cette ancienne épouse de flic aux valeurs franchement racistes, le coup de foudre est inattendu. Leur amour va bouleverser son quotidien et ses convictions. Il va remettre en question ses préjugés, mais aussi son entourage.

Le projet de ce film a été initié par son actrice principale, Marina Foïs, avant d’être confié à Jérémie Elkaïm. Il est une adaptation du roman autobiographique de Béatrice Huret, Calais mon amour. Cette histoire, celle d’une ancienne partisane du Front National qui va aider un réfugié à traverser la Manche par amour, est vraie. Elle est, certes, hors du commun. Ceci étant, l’image de deux êtres que rien ne prédestinait à se rencontrer est un gimmick que le cinéma se plaît à nous offrir régulièrement.

Un peu cliché? Son réalisateur ne désavoue pas. “Chez nos semblables, il y a parfois la gémellité qui conduit les gens à s’aimer. Et puis, il y a une autre version de l’amour, celle où l’on voit à quel point les différences peuvent être une richesse. Il y a une forme d’opacité dans la différence, elle construit un mystère qui nous fait vibrer. Ce mystère est générateur de poésie et de belles choses”, défend Jérémie Elkaïm.

Un “engrenage vers la lumière”

Au cours du film, les préjugés de Béatrice tombent les uns après les autres. Celle qui, au début, réfléchit à deux fois avant de raccompagner en voiture un homme à la rue jusqu’aux portes de la jungle de Calais (où il vit), finit par accueillir deux réfugiés chez elle, contre l’avis de sa mère et de son fils. Les amis de son ancien époux, elle ne les voit plus. À la place, elle organise de grands barbecues dans son jardin en compagnie des autres volontaires.

Ils sont vivants sort au cinéma dans un contexte particulier. La campagne présidentielle bat son plein. La montée de l’extrême droite, elle, continue d’inquiéter. Représenter une ancienne sympathisante de la sorte pose certaines questions. “Je ne crois pas qu’on rende un personnage raciste sympathique, estime Jérémie Elkaïm. Au contraire, le film raconte une élévation, il parle de quelqu’un qui, dans son quotidien et à la faveur d’un deuil, va déplacer les lignes, son point de vue et son regard sur ce qui l’entoure. C’est comme un engrenage vers la lumière.”

Pour le cinéaste, “nous ne sommes pas des causes perdues”. “Il y a la possibilité du bon et de l’élévation chez tout le monde, poursuit-il. [...] Je ne crois pas qu’on soit uniformément bon ou uniformément mauvais. Je pense que tous les êtres humains ont une part de bon. C’est ma croyance, peut-être un peu naïve.

Quid des risques de récupération?

Quand un film aborde des problématiques sociétales et identitaires, les risques d’une récupération politique ne sont jamais loin. L’exemple de BAC Nord de Cédric Jimenez l’a montré. “L’idée d’un malentendu n’est pas réjouissante. Pour autant, est-ce qu’on n’a pas envie d’aborder des thèmes sensibles? Au contraire, c’est crucial de ne pas s’interdire ça”, justifie Jérémie Elkaïm.

Il ajoute: “Je pense que l’ADN de ce film, c’est de ne pas chercher à asséner des vérités. Quand on part avec l’idée de prendre un parti et de faire d’un film un tract politique, on perd sa position de metteur en scène et donc quelque chose qui est essentiel dans le cinéma: regarder le monde et essayer d’en rendre compte de la façon la plus juste possible.”

Ce qu’il souhaite, c’est que son film “donne envie aux gens d’accueillir des personnes exilées et combien il y a une nécessité à les regarder sans suspicion”. Jérémie Elkaïm en a marre de la défiance à leur égard. “Rien que dans l’emploi du terme ‘migrant’, on sous-entend comme une volonté de profiter des richesses d’un Occident repu, dénonce-t-il. Je n’ai pas envie de savoir ce qui conduit des gens à quitter un pays. On ne peut pas décemment penser que c’est pour faire chier quand on sait que des enjeux vitaux se jouent.”

La crise migratoire en Europe est dramatique, selon lui. Elle génère des tragédies. Il est certain qu’il existe des solutions, différentes de celles qui nous sont proposées actuellement. “Celle d’ouvrir les frontières n’a jamais vraiment été abordée, soutient-il. Ce qui est pratiqué en ce moment dans l’accueil des personnes exilées est aux antipodes de ce qui me semble cohérent, c’est-à-dire aux antipodes des valeurs de partage.” Rien de tout ça ne devrait poser de questions”, conclut-il, “mais je ne veux pas l’asséner”.

À voir également sur Le HuffPostÀ 24 ans, elle secourt des migrants en Méditerranée et dénonce ceux qui “s’en fichent”

Adblock test (Why?)

Read Again

Stephane Cardinale - Corbis via Getty Images

Jérémie Elkaïm, ici au mois d'août 2021, à Angoulême.

CINÉMA - Jérémie Elkaïm passe derrière les caméras. Ce mercredi 23 février, l’acteur français de 43 ans, découvert à la fin des années 1990 par François Ozon et révélé dans La reine des pommes de Valérie Donzelli, dévoile au cinéma son premier long-métrage en tant que réalisateur: Ils sont vivants.

Son récit, c’est celui d’une femme, une certaine Béatrice, qui après le décès de son mari va faire la rencontre d’un homme, le dénommé Mokhtar (Seear Kohi), un enseignant iranien arrivé clandestinement en France. Pour cette ancienne épouse de flic aux valeurs franchement racistes, le coup de foudre est inattendu. Leur amour va bouleverser son quotidien et ses convictions. Il va remettre en question ses préjugés, mais aussi son entourage.

Le projet de ce film a été initié par son actrice principale, Marina Foïs, avant d’être confié à Jérémie Elkaïm. Il est une adaptation du roman autobiographique de Béatrice Huret, Calais mon amour. Cette histoire, celle d’une ancienne partisane du Front National qui va aider un réfugié à traverser la Manche par amour, est vraie. Elle est, certes, hors du commun. Ceci étant, l’image de deux êtres que rien ne prédestinait à se rencontrer est un gimmick que le cinéma se plaît à nous offrir régulièrement.

Un peu cliché? Son réalisateur ne désavoue pas. “Chez nos semblables, il y a parfois la gémellité qui conduit les gens à s’aimer. Et puis, il y a une autre version de l’amour, celle où l’on voit à quel point les différences peuvent être une richesse. Il y a une forme d’opacité dans la différence, elle construit un mystère qui nous fait vibrer. Ce mystère est générateur de poésie et de belles choses”, défend Jérémie Elkaïm.

Un “engrenage vers la lumière”

Au cours du film, les préjugés de Béatrice tombent les uns après les autres. Celle qui, au début, réfléchit à deux fois avant de raccompagner en voiture un homme à la rue jusqu’aux portes de la jungle de Calais (où il vit), finit par accueillir deux réfugiés chez elle, contre l’avis de sa mère et de son fils. Les amis de son ancien époux, elle ne les voit plus. À la place, elle organise de grands barbecues dans son jardin en compagnie des autres volontaires.

Ils sont vivants sort au cinéma dans un contexte particulier. La campagne présidentielle bat son plein. La montée de l’extrême droite, elle, continue d’inquiéter. Représenter une ancienne sympathisante de la sorte pose certaines questions. “Je ne crois pas qu’on rende un personnage raciste sympathique, estime Jérémie Elkaïm. Au contraire, le film raconte une élévation, il parle de quelqu’un qui, dans son quotidien et à la faveur d’un deuil, va déplacer les lignes, son point de vue et son regard sur ce qui l’entoure. C’est comme un engrenage vers la lumière.”

Pour le cinéaste, “nous ne sommes pas des causes perdues”. “Il y a la possibilité du bon et de l’élévation chez tout le monde, poursuit-il. [...] Je ne crois pas qu’on soit uniformément bon ou uniformément mauvais. Je pense que tous les êtres humains ont une part de bon. C’est ma croyance, peut-être un peu naïve.

Quid des risques de récupération?

Quand un film aborde des problématiques sociétales et identitaires, les risques d’une récupération politique ne sont jamais loin. L’exemple de BAC Nord de Cédric Jimenez l’a montré. “L’idée d’un malentendu n’est pas réjouissante. Pour autant, est-ce qu’on n’a pas envie d’aborder des thèmes sensibles? Au contraire, c’est crucial de ne pas s’interdire ça”, justifie Jérémie Elkaïm.

Il ajoute: “Je pense que l’ADN de ce film, c’est de ne pas chercher à asséner des vérités. Quand on part avec l’idée de prendre un parti et de faire d’un film un tract politique, on perd sa position de metteur en scène et donc quelque chose qui est essentiel dans le cinéma: regarder le monde et essayer d’en rendre compte de la façon la plus juste possible.”

Ce qu’il souhaite, c’est que son film “donne envie aux gens d’accueillir des personnes exilées et combien il y a une nécessité à les regarder sans suspicion”. Jérémie Elkaïm en a marre de la défiance à leur égard. “Rien que dans l’emploi du terme ‘migrant’, on sous-entend comme une volonté de profiter des richesses d’un Occident repu, dénonce-t-il. Je n’ai pas envie de savoir ce qui conduit des gens à quitter un pays. On ne peut pas décemment penser que c’est pour faire chier quand on sait que des enjeux vitaux se jouent.”

La crise migratoire en Europe est dramatique, selon lui. Elle génère des tragédies. Il est certain qu’il existe des solutions, différentes de celles qui nous sont proposées actuellement. “Celle d’ouvrir les frontières n’a jamais vraiment été abordée, soutient-il. Ce qui est pratiqué en ce moment dans l’accueil des personnes exilées est aux antipodes de ce qui me semble cohérent, c’est-à-dire aux antipodes des valeurs de partage.” Rien de tout ça ne devrait poser de questions”, conclut-il, “mais je ne veux pas l’asséner”.

À voir également sur Le HuffPostÀ 24 ans, elle secourt des migrants en Méditerranée et dénonce ceux qui “s’en fichent”

Adblock test (Why?)



Bagikan Berita Ini

0 Response to "Avec "Ils sont vivants", Jérémie Elkaïm croit en l'éveil des gens plus qu'à la récupération politique - Le HuffPost"

Post a Comment

Powered by Blogger.