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Prévention du suicide : Y a-t-il un « effet Stromae » après l’intervention télévisée de la star ? - 20 Minutes

« J’ai parfois eu des pensées suicidaires et j’en suis peu fier. On croit parfois que c’est la seule manière de les faire taire »… Ces paroles de L’enfer, le chanteur belge Stromae les a fait découvrir en primetime, sur TF1 dimanche 9 janvier, face caméra. Une performance qui a fait couler beaucoup d’encre, certains y voyant un moment gênant, d’autres une libération de la parole bienvenue. Voire salutaire.

Car si beaucoup de célébrités ont exposé au grand public leur cancer, de Bernard Tapie à Florent Pagny, la santé mentale n’est pas un champ que les stars françaises abordent souvent. Au-delà du moment de télévision, beaucoup de professionnels de santé et bénévoles d’associations espèrent qu’il y aura un « effet Stromae ».

Briser le tabou en particulier chez les jeunes

D’autant que la santé mentale de nombreux Français a été dégradée par deux ans de crise sanitaire : selon la dernière enquête Coviprev de Santé Publique France, en décembre 2021, 18 % des Français montraient des signes d’un état dépressif, soit huit points de plus qu’avant l’épidémie. Et pour la jeunesse en manque de perspective, de contact humain et de réunions festives, pour qui le suicide est la deuxième cause de mortalité, la démarche est d’autant plus saluée. Il a d’ailleurs été applaudi par le directeur de l’OMS, de nombreux psys et associations qui accompagnent les personnes en détresse.

Parmi elles, Nightline propose des lignes d’écoute pour les étudiants à Lyon, Lille, Paris, Saclay, Toulouse et bientôt Angers avec 200 jeunes bénévoles formés, entre de 21h à 2h30. « Dire "j’ai des pensées suicidaires" en public, c’est quelque chose de très rare, souligne Florian Tirana, président de Nightline. On promeut ce message : il faut parler de ces problèmes… pas forcément sur TF1 bien sûr ! » Cette intervention à une heure de grande écoute sur un sujet aussi tabou fait l’effet d’une bombe. « D’autant que c’est un sujet par essence triste et chargé d’idées reçues. Certains estiment que ça ne concerne que les personnes faibles et que si on parle de suicide, cela augmente le nombre de suicide », souligne David Masson, psychiatre au Centre psychothérapique de Nancy.

Les jeunes peuvent s’identifier à lui

« C’est un événement marquant dans l’histoire de la prévention du suicide, renchérit Charles-Edouard Notredame, psychiatre pour enfants et adolescents au CHU de Lille. C’est la première fois qu’une personnalité de l’envergure de Stromae témoigne explicitement de ses idées suicidaires à la télévision. Cela va sans doute libérer la parole. » D’autant que le jeune homme coche plusieurs cases pour porter haut ce message. Idole des jeunes, il montre ainsi non seulement, qu’on peut en parler simplement, mais aussi qu’on peut s’en sortir.

« Normalement, il n’a aucune raison d’avoir des idées suicidaires ; sur le papier il a tous les critères de réussite, complète David Masson. Et pourtant, lui aussi il a eu des problèmes de santé mentale. » « Que cela soit un homme renforce le message, remarque Florian Tirana. Très peu d’hommes nous appellent, ils ont parfois du mal à exprimer leurs sentiments. » Et Charles-Edouard Notredame de résumer : « Il y a deux effets d’identification qui fonctionnent bien : horizontale, "je m’identifie d’autant mieux que la personne me ressemble" et l’effet d’identification verticale, surtout chez les jeunes : "je m’identifie particulièrement à quelqu’un que j’admire". » Carton double, donc.

« On a l’impression qu’il y a un "effet Stromae" »

Ce coup d’éclat télévisé a suscité l’espoir que cette confession encourage certaines personnes à sortir du silence pour se faire aider. Trois semaines après, certains signaux semblent aller dans ce sens. Sur la plateforme de streaming Spotify, L’Enfer caracole toujours à la troisième place. Selon le Syndicat national de l'édition phonographique, il restait 1er dans le top de la semaine du 21 janvier. Mais est-ce que la bombe culturelle a été transformée en geste sociétal ? « C’est un peu tôt pour le dire, prévient David Masson. Cela rejoint un certain nombre de faisceaux concordants : on parle de plus en plus de santé mentale dans les médias, chez les politiques. Je pense que cela a pu faciliter la demande de certains patients qui m’ont dit "j’ai le droit d’en parler". Qui se sont autorisés à consulter un psychiatre, en parler à leur généraliste, à appeler le 3114. Je ne sais pas si c’est une conséquence de Stromae ou pas. »

En effet, si les associations et ressources sont nombreuses, il existe depuis le 1er octobre 2021 un service d’écoute, le 3114, un numéro national de prévention du suicide, qui permet aux personnes en détresse ou à leurs proches inquiets de joindre gratuitement des professionnels 24h/24 et 7j/7. « On a l’impression qu’il y a un "effet Stromae", avance Charles-Edouard Notredame, coordinateur adjoint du 3114. Plusieurs personnes se sont référées à son passage à la télévision et cela leur a donné le courage d’appeler. On a aussi observé une augmentation du nombre d’appels ces dernières semaines. Or, les conduites suicidaires sont traditionnellement très importantes pendant les fêtes. Et on n’a pas observé de diminution des appels après les fêtes, plutôt l’inverse. Est-ce que cette augmentation est due au hasard ou à un "effet Stromae" ? Difficile à dire. D’autant qu’on est un dispositif très jeune, il n’y a pas de point de repère pour comparer les chiffres des appels. »

Autre difficulté : le contenu des appels reste anonyme et confidentiel. Florian Tirana a fait le tour des cinq lignes d’écoute de Nightline et aucune ne remonte des informations sur le passage de Stromae. « Mais ça ne veut pas dire qu’il n’y en a pas, explique-t-il. Quand on débriefe les appels, on donne des éléments minimaux, donc ça ne va pas ressortir dans le résumé. »

Une occasion manquée pour diffuser les ressources ?

Reste que certains regrettent que cette performance savamment orchestrée n’ait pas été l’occasion de diffuser des ressources précieuses*. David Masson, psychiatre s’est d’ailleurs fendu d’une tribune en ce sens dans le Huffington Post. « Ce n’était peut-être pas le rôle de Stromae, mais si TF1 avait mis un bandeau en dessous avec le numéro 3114 devant 7 millions de téléspectateurs, cela aurait été l’apothéose », synthétise-t-il à 20 Minutes. Même si les réseaux sociaux ont participé au service après-vente. « Ils ont été un relais très important en termes de promotion des ressources, reconnaît-il. Le site allodocteur a d’ailleurs repris mon tweet en donnant des ressources. »

A l’occasion de la Journée nationale de prévention du suicide, ce vendredi, beaucoup espèrent que ces informations et ressources bénéficieront d’un nouveau coup de projecteur. « Bien sûr, il y a une information officielle sur le 3114, mais tout un chacun peut diffuser des ressources, insiste Charles-Edouard Notredame, également coordinateur du programme Papageno, qui agit pour la prévention de la contagion suicidaire et l’accès aux soins par la communication. Ce que Stromae a soulevé, il faut l’accompagner par une mobilisation collective. »

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« J’ai parfois eu des pensées suicidaires et j’en suis peu fier. On croit parfois que c’est la seule manière de les faire taire »… Ces paroles de L’enfer, le chanteur belge Stromae les a fait découvrir en primetime, sur TF1 dimanche 9 janvier, face caméra. Une performance qui a fait couler beaucoup d’encre, certains y voyant un moment gênant, d’autres une libération de la parole bienvenue. Voire salutaire.

Car si beaucoup de célébrités ont exposé au grand public leur cancer, de Bernard Tapie à Florent Pagny, la santé mentale n’est pas un champ que les stars françaises abordent souvent. Au-delà du moment de télévision, beaucoup de professionnels de santé et bénévoles d’associations espèrent qu’il y aura un « effet Stromae ».

Briser le tabou en particulier chez les jeunes

D’autant que la santé mentale de nombreux Français a été dégradée par deux ans de crise sanitaire : selon la dernière enquête Coviprev de Santé Publique France, en décembre 2021, 18 % des Français montraient des signes d’un état dépressif, soit huit points de plus qu’avant l’épidémie. Et pour la jeunesse en manque de perspective, de contact humain et de réunions festives, pour qui le suicide est la deuxième cause de mortalité, la démarche est d’autant plus saluée. Il a d’ailleurs été applaudi par le directeur de l’OMS, de nombreux psys et associations qui accompagnent les personnes en détresse.

Parmi elles, Nightline propose des lignes d’écoute pour les étudiants à Lyon, Lille, Paris, Saclay, Toulouse et bientôt Angers avec 200 jeunes bénévoles formés, entre de 21h à 2h30. « Dire "j’ai des pensées suicidaires" en public, c’est quelque chose de très rare, souligne Florian Tirana, président de Nightline. On promeut ce message : il faut parler de ces problèmes… pas forcément sur TF1 bien sûr ! » Cette intervention à une heure de grande écoute sur un sujet aussi tabou fait l’effet d’une bombe. « D’autant que c’est un sujet par essence triste et chargé d’idées reçues. Certains estiment que ça ne concerne que les personnes faibles et que si on parle de suicide, cela augmente le nombre de suicide », souligne David Masson, psychiatre au Centre psychothérapique de Nancy.

Les jeunes peuvent s’identifier à lui

« C’est un événement marquant dans l’histoire de la prévention du suicide, renchérit Charles-Edouard Notredame, psychiatre pour enfants et adolescents au CHU de Lille. C’est la première fois qu’une personnalité de l’envergure de Stromae témoigne explicitement de ses idées suicidaires à la télévision. Cela va sans doute libérer la parole. » D’autant que le jeune homme coche plusieurs cases pour porter haut ce message. Idole des jeunes, il montre ainsi non seulement, qu’on peut en parler simplement, mais aussi qu’on peut s’en sortir.

« Normalement, il n’a aucune raison d’avoir des idées suicidaires ; sur le papier il a tous les critères de réussite, complète David Masson. Et pourtant, lui aussi il a eu des problèmes de santé mentale. » « Que cela soit un homme renforce le message, remarque Florian Tirana. Très peu d’hommes nous appellent, ils ont parfois du mal à exprimer leurs sentiments. » Et Charles-Edouard Notredame de résumer : « Il y a deux effets d’identification qui fonctionnent bien : horizontale, "je m’identifie d’autant mieux que la personne me ressemble" et l’effet d’identification verticale, surtout chez les jeunes : "je m’identifie particulièrement à quelqu’un que j’admire". » Carton double, donc.

« On a l’impression qu’il y a un "effet Stromae" »

Ce coup d’éclat télévisé a suscité l’espoir que cette confession encourage certaines personnes à sortir du silence pour se faire aider. Trois semaines après, certains signaux semblent aller dans ce sens. Sur la plateforme de streaming Spotify, L’Enfer caracole toujours à la troisième place. Selon le Syndicat national de l'édition phonographique, il restait 1er dans le top de la semaine du 21 janvier. Mais est-ce que la bombe culturelle a été transformée en geste sociétal ? « C’est un peu tôt pour le dire, prévient David Masson. Cela rejoint un certain nombre de faisceaux concordants : on parle de plus en plus de santé mentale dans les médias, chez les politiques. Je pense que cela a pu faciliter la demande de certains patients qui m’ont dit "j’ai le droit d’en parler". Qui se sont autorisés à consulter un psychiatre, en parler à leur généraliste, à appeler le 3114. Je ne sais pas si c’est une conséquence de Stromae ou pas. »

En effet, si les associations et ressources sont nombreuses, il existe depuis le 1er octobre 2021 un service d’écoute, le 3114, un numéro national de prévention du suicide, qui permet aux personnes en détresse ou à leurs proches inquiets de joindre gratuitement des professionnels 24h/24 et 7j/7. « On a l’impression qu’il y a un "effet Stromae", avance Charles-Edouard Notredame, coordinateur adjoint du 3114. Plusieurs personnes se sont référées à son passage à la télévision et cela leur a donné le courage d’appeler. On a aussi observé une augmentation du nombre d’appels ces dernières semaines. Or, les conduites suicidaires sont traditionnellement très importantes pendant les fêtes. Et on n’a pas observé de diminution des appels après les fêtes, plutôt l’inverse. Est-ce que cette augmentation est due au hasard ou à un "effet Stromae" ? Difficile à dire. D’autant qu’on est un dispositif très jeune, il n’y a pas de point de repère pour comparer les chiffres des appels. »

Autre difficulté : le contenu des appels reste anonyme et confidentiel. Florian Tirana a fait le tour des cinq lignes d’écoute de Nightline et aucune ne remonte des informations sur le passage de Stromae. « Mais ça ne veut pas dire qu’il n’y en a pas, explique-t-il. Quand on débriefe les appels, on donne des éléments minimaux, donc ça ne va pas ressortir dans le résumé. »

Une occasion manquée pour diffuser les ressources ?

Reste que certains regrettent que cette performance savamment orchestrée n’ait pas été l’occasion de diffuser des ressources précieuses*. David Masson, psychiatre s’est d’ailleurs fendu d’une tribune en ce sens dans le Huffington Post. « Ce n’était peut-être pas le rôle de Stromae, mais si TF1 avait mis un bandeau en dessous avec le numéro 3114 devant 7 millions de téléspectateurs, cela aurait été l’apothéose », synthétise-t-il à 20 Minutes. Même si les réseaux sociaux ont participé au service après-vente. « Ils ont été un relais très important en termes de promotion des ressources, reconnaît-il. Le site allodocteur a d’ailleurs repris mon tweet en donnant des ressources. »

A l’occasion de la Journée nationale de prévention du suicide, ce vendredi, beaucoup espèrent que ces informations et ressources bénéficieront d’un nouveau coup de projecteur. « Bien sûr, il y a une information officielle sur le 3114, mais tout un chacun peut diffuser des ressources, insiste Charles-Edouard Notredame, également coordinateur du programme Papageno, qui agit pour la prévention de la contagion suicidaire et l’accès aux soins par la communication. Ce que Stromae a soulevé, il faut l’accompagner par une mobilisation collective. »

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