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Sur Netflix, le « Pinocchio » sombre et doux de Guillermo del Toro - Le Monde

« Pinocchio », de Guillermo del Toro.

On peut faire ce que l’on veut de Pinocchio : après tout, ce n’est qu’un bout de bois. La bûche de pin parlante sortie de l’imagination de Carlo Collodi (1826-1890) est devenue un jouet aux formes arrondies chez Walt Disney (1940), un vrai petit garçon, fils de Nino Manfredi, dans l’adaptation de Luigi Comencini (1972), le protagoniste des Aventures érotiques de Pinocchio (Corey Allen, 1971) et celui d’un film d’horreur (La Revanche de Pinocchio, Kevin Tenney, 1996). Ces deux dernières années, il a pris les traits d’un enfant maquillé en pantin dans la version de Matteo Garrone et s’est recomposé en pixels mièvres pour Robert Zemeckis qui œuvrait pour la plate-forme de Disney.

Pourquoi alors s’intéresser au nouvel ajout de cette interminable filmographie plutôt que relire le texte violent, poétique et parfois incohérent de Collodi ? Parce que Guillermo del Toro, qui signe, avec l’animateur Mark Gustafson, l’adaptation que Netflix met en ligne le 9 décembre, a trouvé dans les tribulations du pantin de quoi nourrir ses propres obsessions, et qu’il en a fait un spectacle à la fois sombre et doux, un enchantement mélancolique qui évoque les jours qui raccourcissent et les arbres qui se dénudent plus que les lumières de Noël.

Ce Pinocchio-là prend vie à l’écran par la grâce de l’animation en stop motion. Le scénario de Guillermo del Toro et Patrick McHale lui donne une raison d’être que l’on ne trouve pas chez Collodi. Gepetto, vieillard imposant, ne cherche pas à meubler sa solitude mais à sortir du deuil de son fils qui a péri dans un bombardement (on comprend vite que l’histoire est située pas très loin de la frontière entre l’Italie et l’Autriche-Hongrie, peu de temps après l’armistice de 1918). Présente dès la première séquence, la mort ne s’éloignera jamais. Comme il est d’usage quand on adapte ce récit, l’auteur a réagencé les épisodes, les a amendés ou métamorphosés.

Echapper au totalitarisme

La pulsion de vie de Pinocchio, qui ne perd pourtant jamais sa physionomie ligneuse, est irrépressible. Elle se heurte aux conventions, mais aussi au désir de son créateur de le maintenir dans les limbes, tout près du fils disparu. Guillermo del Toro l’explique dans la note d’intention qui accompagne le film : pour lui, le pantin italien est le cousin de la créature du docteur Frankenstein, un être artificiel et profondément humain qui se débat sous l’emprise (ici bienveillante) de son créateur.

On retrouvera le théâtre de marionnettes, dirigé par une terrifiante incarnation du show-business, mais l’île des enfants, celle où les cancres sont changés en ânes, devient ici une forteresse alpine où les fascistes préparent les garçons à la carrière militaire. Comme dans Le Labyrinthe de Pan, le cinéaste mexicain offre à un personnage enfantin le secours du surnaturel pour échapper aux rets du totalitarisme. Dans Pinocchio, Mussolini a pris la place de Franco, et la fée bleue celle des créatures magiques qui peuplaient le labyrinthe. La belle dame de Walt Disney ou de Comencini (qui avait confié le rôle à Gina Lollobrigida) cède la place à une créature étrange qui pourrait être sortie d’une toile d’Odilon Redon, à la physionomie instable.

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« Pinocchio », de Guillermo del Toro.

On peut faire ce que l’on veut de Pinocchio : après tout, ce n’est qu’un bout de bois. La bûche de pin parlante sortie de l’imagination de Carlo Collodi (1826-1890) est devenue un jouet aux formes arrondies chez Walt Disney (1940), un vrai petit garçon, fils de Nino Manfredi, dans l’adaptation de Luigi Comencini (1972), le protagoniste des Aventures érotiques de Pinocchio (Corey Allen, 1971) et celui d’un film d’horreur (La Revanche de Pinocchio, Kevin Tenney, 1996). Ces deux dernières années, il a pris les traits d’un enfant maquillé en pantin dans la version de Matteo Garrone et s’est recomposé en pixels mièvres pour Robert Zemeckis qui œuvrait pour la plate-forme de Disney.

Pourquoi alors s’intéresser au nouvel ajout de cette interminable filmographie plutôt que relire le texte violent, poétique et parfois incohérent de Collodi ? Parce que Guillermo del Toro, qui signe, avec l’animateur Mark Gustafson, l’adaptation que Netflix met en ligne le 9 décembre, a trouvé dans les tribulations du pantin de quoi nourrir ses propres obsessions, et qu’il en a fait un spectacle à la fois sombre et doux, un enchantement mélancolique qui évoque les jours qui raccourcissent et les arbres qui se dénudent plus que les lumières de Noël.

Ce Pinocchio-là prend vie à l’écran par la grâce de l’animation en stop motion. Le scénario de Guillermo del Toro et Patrick McHale lui donne une raison d’être que l’on ne trouve pas chez Collodi. Gepetto, vieillard imposant, ne cherche pas à meubler sa solitude mais à sortir du deuil de son fils qui a péri dans un bombardement (on comprend vite que l’histoire est située pas très loin de la frontière entre l’Italie et l’Autriche-Hongrie, peu de temps après l’armistice de 1918). Présente dès la première séquence, la mort ne s’éloignera jamais. Comme il est d’usage quand on adapte ce récit, l’auteur a réagencé les épisodes, les a amendés ou métamorphosés.

Echapper au totalitarisme

La pulsion de vie de Pinocchio, qui ne perd pourtant jamais sa physionomie ligneuse, est irrépressible. Elle se heurte aux conventions, mais aussi au désir de son créateur de le maintenir dans les limbes, tout près du fils disparu. Guillermo del Toro l’explique dans la note d’intention qui accompagne le film : pour lui, le pantin italien est le cousin de la créature du docteur Frankenstein, un être artificiel et profondément humain qui se débat sous l’emprise (ici bienveillante) de son créateur.

On retrouvera le théâtre de marionnettes, dirigé par une terrifiante incarnation du show-business, mais l’île des enfants, celle où les cancres sont changés en ânes, devient ici une forteresse alpine où les fascistes préparent les garçons à la carrière militaire. Comme dans Le Labyrinthe de Pan, le cinéaste mexicain offre à un personnage enfantin le secours du surnaturel pour échapper aux rets du totalitarisme. Dans Pinocchio, Mussolini a pris la place de Franco, et la fée bleue celle des créatures magiques qui peuplaient le labyrinthe. La belle dame de Walt Disney ou de Comencini (qui avait confié le rôle à Gina Lollobrigida) cède la place à une créature étrange qui pourrait être sortie d’une toile d’Odilon Redon, à la physionomie instable.

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