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Sur Netflix, « White Noise », de Noah Baumbach, ausculte le malaise contemporain - Le Monde

De gauche à droite : Jack (Adam Driver), Babette (Greta Gerwig) et Murray (Don Cheadle) dans le film « White Noise », de Noah Baumbach.

Originaire de Brooklyn, où il est né voici cinquante-trois ans, Noah Baumbach fait partie d’un courant du cinéma indépendant new-yorkais dont la réputation est longtemps restée confidentielle, faute de trouver des relais dans une industrie hollywoodienne dont il rejetait, de toute manière, à peu près tous les attendus. L’évolution de Hollywood vers la monoculture du parc à thème super-héroïque et la fidélité de Baumbach à son inclination intimiste, érudite et familiale, n’auront fait qu’accuser le divorce.

Profitant de l’opportunité qui se présentait à lui avec le développement des plates-formes, au premier chef Netflix, il y a trouvé une liberté et une résonance inattendues, cristallisées avec le cruel et remarquable film de divorce, Marriage Story, réalisé en 2019 et réunissant Scarlett Johansson, Adam Driver et Laura Dern. Il ne fait guère de doute que ce film, avec le savoureux Uncut Gems (2019), des frères Safdie (eux aussi venus de l’indépendance new-yorkaise), fait partie des quelques rares mais incontestables fleurons dont la plate-forme peut à ce jour se prévaloir.

Baumbach aurait donc eu tort de renoncer aux délices prisées par les âmes tortueuses. Son nouveau film, programmé sur Netflix à compter du vendredi 30 décembre, est ainsi inspiré du roman homonyme White Noise (Bruit de fond, traduit en français chez Stock, en 1986) de l’écrivain postmoderniste Don DeLillo, dont le goût de l’expérimentation aura trouvé avec ce titre édité aux Etats-Unis en 1985, pour la première fois, le chemin d’une reconnaissance critique et populaire. Adam Driver y interprète Jack, éminent pionnier des études hitlériennes dans une université du Midwest, qui prend des cours d’allemand en douce à l’approche d’un colloque international sur la question, car il n’a en vérité jamais rien entendu à cette langue.

Consumérisme ambiant

C’est dire si Jack est une figure du simulacre, en cela complété par son épouse Babette (Greta Gerwig, par ailleurs compagne du cinéaste), ainsi que par la ribambelle d’enfants qui composent cette famille américaine recomposée, embourbée dans une vase de phrases interrompues, de bruits domestiques, de dialogues à brûle-pourpoint, d’activités triviales et d’informations en continu. Ce « bruit de fond » du monde, à la fois discret et assourdissant, constitue non pas seulement l’environnement immédiat de la famille, mais la matière même du film, petit à petit perturbé par des trouées qui en déchirent le réconfortant tissu.

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Baumbach aurait donc eu tort de renoncer aux délices prisées par les âmes tortueuses. Son nouveau film, programmé sur Netflix à compter du vendredi 30 décembre, est ainsi inspiré du roman homonyme White Noise (Bruit de fond, traduit en français chez Stock, en 1986) de l’écrivain postmoderniste Don DeLillo, dont le goût de l’expérimentation aura trouvé avec ce titre édité aux Etats-Unis en 1985, pour la première fois, le chemin d’une reconnaissance critique et populaire. Adam Driver y interprète Jack, éminent pionnier des études hitlériennes dans une université du Midwest, qui prend des cours d’allemand en douce à l’approche d’un colloque international sur la question, car il n’a en vérité jamais rien entendu à cette langue.

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C’est dire si Jack est une figure du simulacre, en cela complété par son épouse Babette (Greta Gerwig, par ailleurs compagne du cinéaste), ainsi que par la ribambelle d’enfants qui composent cette famille américaine recomposée, embourbée dans une vase de phrases interrompues, de bruits domestiques, de dialogues à brûle-pourpoint, d’activités triviales et d’informations en continu. Ce « bruit de fond » du monde, à la fois discret et assourdissant, constitue non pas seulement l’environnement immédiat de la famille, mais la matière même du film, petit à petit perturbé par des trouées qui en déchirent le réconfortant tissu.

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