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Rotkovitch avant Rothko, entre figuration et surréalisme - Le Monde

Il n’est guère aventureux de supposer que, dans la première salle de l’exposition consacrée à Mark Rothko qui s’ouvre, le 18 octobre, à la Fondation Louis Vuitton, à Paris, les cas d’incrédulité seront nombreux. Autant l’œuvre abstraite du peintre américain est largement connue, autant celle qui l’a précédée l’est trop peu. Pressées d’aller vers ce qui était attendu, les précédentes rétrospectives, à Paris et ailleurs, se bornaient à aligner deux ou trois scènes de la vie new-yorkaise et trois ou quatre compositions dans l’esprit du surréalisme. A tort, car il y a beaucoup à apprendre en observant les deux premières décennies qui sont ici largement révélées.

Les quinze premières années de celui qui se nomme jusque vers 1940 Marcus Rotkovitch sont, en effet, explicitement figuratives et souvent narratives. Après des études à l’Art Students League de New York à partir de 1924, ce débutant, né en 1903, obtient sa première exposition personnelle dans une galerie en 1933, suivie de participations aux manifestations collectives du groupe The Ten, qu’il contribue à fonder en 1935 avec, entre autres amis, Adolph Gottlieb (1903-1974).

Deux caractéristiques s’imposent devant les toiles de cette époque. L’une tient aux sujets. Si l’on excepte deux nus, un autoportrait et quelques portraits, l’essentiel de ses motifs est pris dans le quotidien de New York, comme il l’est dans les œuvres de ses contemporains, dont Edward Hopper (1882-1967). Aux quais et escaliers des stations de métro de Manhattan, à leurs voyageuses et voyageurs, est consacrée une longue série d’études, les Subway Paintings.

Autre sujet lui aussi traité par Hopper, les salles de cinéma et de théâtre sont également évoquées. Evoquées plus que décrites : Rothko n’entre pas dans les détails minutieux de la Nouvelle Objectivité allemande et du réalisme américain selon Grant Wood (1891-1942) ou Thomas Hart Benton (1889-1975). Des silhouettes, vues d’assez loin et stylisées, attendent ou marchent dans des espaces clos, définis par des colonnes, des rambardes ou des fenêtres : géométriquement. C’est ici l’autre spécificité de son style : des lignes continues, perpendiculaires ou parallèles, compartimentent la surface d’un bord à l’autre. Tantôt elles construisent une perspective fuyante, un peu à la manière de l’Italien Giorgio De Chirico (1888-1978), tantôt elles circonscrivent des plans de couleurs, comme par anticipation de l’œuvre abstraite. Le plus souvent, les figures paraissent séparées, sans communication entre elles, mutiques, suppose-t-on.

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Il n’est guère aventureux de supposer que, dans la première salle de l’exposition consacrée à Mark Rothko qui s’ouvre, le 18 octobre, à la Fondation Louis Vuitton, à Paris, les cas d’incrédulité seront nombreux. Autant l’œuvre abstraite du peintre américain est largement connue, autant celle qui l’a précédée l’est trop peu. Pressées d’aller vers ce qui était attendu, les précédentes rétrospectives, à Paris et ailleurs, se bornaient à aligner deux ou trois scènes de la vie new-yorkaise et trois ou quatre compositions dans l’esprit du surréalisme. A tort, car il y a beaucoup à apprendre en observant les deux premières décennies qui sont ici largement révélées.

Les quinze premières années de celui qui se nomme jusque vers 1940 Marcus Rotkovitch sont, en effet, explicitement figuratives et souvent narratives. Après des études à l’Art Students League de New York à partir de 1924, ce débutant, né en 1903, obtient sa première exposition personnelle dans une galerie en 1933, suivie de participations aux manifestations collectives du groupe The Ten, qu’il contribue à fonder en 1935 avec, entre autres amis, Adolph Gottlieb (1903-1974).

Deux caractéristiques s’imposent devant les toiles de cette époque. L’une tient aux sujets. Si l’on excepte deux nus, un autoportrait et quelques portraits, l’essentiel de ses motifs est pris dans le quotidien de New York, comme il l’est dans les œuvres de ses contemporains, dont Edward Hopper (1882-1967). Aux quais et escaliers des stations de métro de Manhattan, à leurs voyageuses et voyageurs, est consacrée une longue série d’études, les Subway Paintings.

Autre sujet lui aussi traité par Hopper, les salles de cinéma et de théâtre sont également évoquées. Evoquées plus que décrites : Rothko n’entre pas dans les détails minutieux de la Nouvelle Objectivité allemande et du réalisme américain selon Grant Wood (1891-1942) ou Thomas Hart Benton (1889-1975). Des silhouettes, vues d’assez loin et stylisées, attendent ou marchent dans des espaces clos, définis par des colonnes, des rambardes ou des fenêtres : géométriquement. C’est ici l’autre spécificité de son style : des lignes continues, perpendiculaires ou parallèles, compartimentent la surface d’un bord à l’autre. Tantôt elles construisent une perspective fuyante, un peu à la manière de l’Italien Giorgio De Chirico (1888-1978), tantôt elles circonscrivent des plans de couleurs, comme par anticipation de l’œuvre abstraite. Le plus souvent, les figures paraissent séparées, sans communication entre elles, mutiques, suppose-t-on.

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