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"Une année difficile" ou l'implosion du système Nakache/Toledano - France Culture

J’ai toujours eu une sorte de méfiance envers le système Nakache et Toledano, duo d’auteurs à succès, réalisateurs de comédies et importateurs en France de la série En Thérapie - deux saisons fort applaudies diffusées sur Arte.

Jusque là c'était vague, puisque force est de reconnaître cette capacité à faire des comédies sociales plutôt bien troussées, sans trop se prendre les pieds dans le tapis des films à sujets, Intouchables sur le handicap et la violence de classe, Samba sur les sans-papiers, Hors normes sur l’autisme : sans être des chefs d’œuvres de finesse ou d’humour, ça tenait plutôt bien la route, parce que ces films entouraient leurs personnages, y compris les plus fragiles, d’une empathie sans doute réelle, en tous cas une forme d’honnêteté dans le discours et d’humilité dans la forme. On sentait parfois la condescendance, un brin de lourdeur. Et bien la lourdeur, elle est partout dans “une année difficile”, sorte de poule sans tête qui court dans tous les sens.

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C’est l’histoire de deux types seuls et paumés, interprétés par Jonathan Cohen et Pio Marmaï, endettés jusqu’au cou, qui à la faveur d’une AG organisée dans un bar associatif où ils viennent boire des coups gratos, intègrent un groupe de militants écologistes menés par une surnommée Cactus (c’est Noémie Merlant), font de la récup, des actions dans la rue, des manifs, des câlins bref ce que font les zadistes. Au départ ça les fait rigoler, le quinoa et les surnoms, mais leur investissement dans le mouvement croît quand ils réalisent qu’ils peuvent en profiter pour se refaire, en revendant notamment des objets récupérés, mais aussi parce qu’ils s’attachent, bon gré mal gré à leurs nouveaux camarades. Le premier problème c’est ça: la superposition des motivations de ces deux personnages qui ne sont jamais cohérents: ce sont des combinards, pour ne pas dire un autre mot en -ard, ils piquent dans la caisse d’une asso, ils draguent un peu lourdement et profitent de leurs prochains, mais en même temps ils sont quand même un peu sympas, un peu amoureux et puis l’écologie finalement peut-être que ça les intéresse un peu.

De l'aigreur dans la recette

Pour réaliser le film apparemment Nakache et Toledano ont fréquenté un temps des groupes militants**,** et le moins qu’on puisse dire c’est que leur sympathie depuis revendiquée est totalement niée par le récit et la mise en scène. Inconstruit plus que déconstruit, le couple de protagonistes se révèle tout simplement imblairable. Cette antipathie contamine tout le reste et divise le monde en oppositions d’un simplisme effrayant et politiquement douteux: les bourges/les beaufs, les idéalistes/les escrocs, les idiots/les malins. Ces catégories, au gré d’une intrigue qui se voudrait certainement rocambolesque mais qui est surtout inconsistante, se combinent et recombinent, et c’est le seul mouvement proposé: alors parfois nos deux héros sont débiles mais sympas, parfois ils sont intelligents mais odieux, les militants sont souvent débiles mais quand même sympas, bref: c’est long et ce n’est pas très drôle.

On sent que pour pallier la faiblesse des personnages, et aussi pour compenser le grand défaut de réflexion sur notre monde contemporain, le film tente de déployer tous les comiques possibles: alors parfois ça ressemble à du Laurel et Hardy (c’est ce qu’il y a de plus réussi), parfois à de la comédie sociale, avec une queue de poisson finale en forme de comédie romantique proprement aberrante, mais à l’image de ce fouillis total. On assiste en fait avec une année difficile, à une sorte de démantèlement de l’intérieur de l’humanisme à la Nakache et Toledano, qui se révèle peut-être pour ce qu’il est, quelque chose d’idéologiquement pas très clair, de formellement pas bien construit.

Les Midis de Culture

38 min

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J’ai toujours eu une sorte de méfiance envers le système Nakache et Toledano, duo d’auteurs à succès, réalisateurs de comédies et importateurs en France de la série En Thérapie - deux saisons fort applaudies diffusées sur Arte.

Jusque là c'était vague, puisque force est de reconnaître cette capacité à faire des comédies sociales plutôt bien troussées, sans trop se prendre les pieds dans le tapis des films à sujets, Intouchables sur le handicap et la violence de classe, Samba sur les sans-papiers, Hors normes sur l’autisme : sans être des chefs d’œuvres de finesse ou d’humour, ça tenait plutôt bien la route, parce que ces films entouraient leurs personnages, y compris les plus fragiles, d’une empathie sans doute réelle, en tous cas une forme d’honnêteté dans le discours et d’humilité dans la forme. On sentait parfois la condescendance, un brin de lourdeur. Et bien la lourdeur, elle est partout dans “une année difficile”, sorte de poule sans tête qui court dans tous les sens.

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Pour réaliser le film apparemment Nakache et Toledano ont fréquenté un temps des groupes militants**,** et le moins qu’on puisse dire c’est que leur sympathie depuis revendiquée est totalement niée par le récit et la mise en scène. Inconstruit plus que déconstruit, le couple de protagonistes se révèle tout simplement imblairable. Cette antipathie contamine tout le reste et divise le monde en oppositions d’un simplisme effrayant et politiquement douteux: les bourges/les beaufs, les idéalistes/les escrocs, les idiots/les malins. Ces catégories, au gré d’une intrigue qui se voudrait certainement rocambolesque mais qui est surtout inconsistante, se combinent et recombinent, et c’est le seul mouvement proposé: alors parfois nos deux héros sont débiles mais sympas, parfois ils sont intelligents mais odieux, les militants sont souvent débiles mais quand même sympas, bref: c’est long et ce n’est pas très drôle.

On sent que pour pallier la faiblesse des personnages, et aussi pour compenser le grand défaut de réflexion sur notre monde contemporain, le film tente de déployer tous les comiques possibles: alors parfois ça ressemble à du Laurel et Hardy (c’est ce qu’il y a de plus réussi), parfois à de la comédie sociale, avec une queue de poisson finale en forme de comédie romantique proprement aberrante, mais à l’image de ce fouillis total. On assiste en fait avec une année difficile, à une sorte de démantèlement de l’intérieur de l’humanisme à la Nakache et Toledano, qui se révèle peut-être pour ce qu’il est, quelque chose d’idéologiquement pas très clair, de formellement pas bien construit.

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