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«L'Abbé Pierre : Une vie de combats», charité crétine - Libération

Abbé cédé

Le biopic sur le fondateur d’Emmaüs s’embourbe dans l’attirail habituel du genre, entre maquillage outrancier et airs de page Wikipédia.

Ça commence dans l’outre-espace, aux confins des mondes : un abbé Pierre cosmique se demandant s’il a servi à quelque chose, en plein dilemme «où suis-je, où vais-je, dans quel état j’erre» sous des nuages noctiluques, dans une ambiance mi-Marvel, mi-Saint-Jacques-de-Compostelle. Pendant un instant on y croit, aux coutures qui craquent, au film férocement pété du casque où l’abbé Pierre parcourrait les limbes, capitaine Nemo au cœur pur et à la répartie acide, livrant un ultime combat contre les tentacules du capitalisme 3.0. Hélas, le film de Frédéric Tellier est exactement ce qu’il a l’air d’être : le désormais inévitable biopic historique français de fin d’année à la gloire d’une figure emblématique interprétée avec force intensité, maquillage au mortier et prothèses au menton.

Après Simone en 2022, on tire cette année une balle qui ne peut rater sa cible : l’abbé Pierre, miel de l’humanité, défenseur acharné des défavorisés, personnage à la sincérité inviolable, humble mais influent, qui savait se montrer extraordinairement féroce et ne manquait jamais d’humour. Interprété avec une aisance étourdissante par Benjamin Lavernhe, énorme point fort du film, donnant corps au personnage à travers les âges sans jamais en mettre une à côté, particulièrement convaincant dans les scènes de prises de parole publiques ou sur les dernières années de l’abbé dont il réussit à révéler, sous le personnage rendu à l’image d’Epinal voire la caricature, une profonde humanité.

Sorti de cette performance boulet de canon qui emporte l’affaire et réussit parfois à la faire vibrer, pas grand-chose, si ce n’est l’attirail habituel du genre. Une page Wikipédia qui vous hurle au visage, n’hésitant jamais à en faire des caisses (on évite par moments de justesse le point Robert Hossein). Un récit reposant entièrement sur l’abbé et sa secrétaire particulière, Lucie Coutaz, interprétée avec un peu moins de bonheur par une Emmanuelle Bercot emperruquée, dansant dangereusement entre émotion sèche à la Annie Girardot et indignation bourrue façon Anémone («oh ben dites donc, Pierre»), où l’on se mouche volontiers avec la véracité historique dès lors qu’il s’agit de mettre un des producteurs en avant (un micro M6 qui bouffe littéralement l’écran dans une scène se déroulant… en 1984). Bref, un objet taillé pour les sorties scolaires, les remises de prix et les interviews aux yeux humides. Ne nous en veuillez pas, mais on préférera continuer à courir après les limbes et les tentacules.

L’Abbé Pierre : Une vie de combats de Frédéric Tellier avec Benjamin Lavernhe, Emmanuelle Bercot, Michel Vuillermoz… 2h17mn

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Après Simone en 2022, on tire cette année une balle qui ne peut rater sa cible : l’abbé Pierre, miel de l’humanité, défenseur acharné des défavorisés, personnage à la sincérité inviolable, humble mais influent, qui savait se montrer extraordinairement féroce et ne manquait jamais d’humour. Interprété avec une aisance étourdissante par Benjamin Lavernhe, énorme point fort du film, donnant corps au personnage à travers les âges sans jamais en mettre une à côté, particulièrement convaincant dans les scènes de prises de parole publiques ou sur les dernières années de l’abbé dont il réussit à révéler, sous le personnage rendu à l’image d’Epinal voire la caricature, une profonde humanité.

Sorti de cette performance boulet de canon qui emporte l’affaire et réussit parfois à la faire vibrer, pas grand-chose, si ce n’est l’attirail habituel du genre. Une page Wikipédia qui vous hurle au visage, n’hésitant jamais à en faire des caisses (on évite par moments de justesse le point Robert Hossein). Un récit reposant entièrement sur l’abbé et sa secrétaire particulière, Lucie Coutaz, interprétée avec un peu moins de bonheur par une Emmanuelle Bercot emperruquée, dansant dangereusement entre émotion sèche à la Annie Girardot et indignation bourrue façon Anémone («oh ben dites donc, Pierre»), où l’on se mouche volontiers avec la véracité historique dès lors qu’il s’agit de mettre un des producteurs en avant (un micro M6 qui bouffe littéralement l’écran dans une scène se déroulant… en 1984). Bref, un objet taillé pour les sorties scolaires, les remises de prix et les interviews aux yeux humides. Ne nous en veuillez pas, mais on préférera continuer à courir après les limbes et les tentacules.

L’Abbé Pierre : Une vie de combats de Frédéric Tellier avec Benjamin Lavernhe, Emmanuelle Bercot, Michel Vuillermoz… 2h17mn

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