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Napoléon, de Ridley Scott: comment s'est (vraiment) déroulée la bataille d'Austerlitz - Le Figaro

La victoire française, selon Ridley Scott, se résume à une canonnade de fuyards sur un lac gelé. Les historiens pointent de nombreuses erreurs.

Le Français est grincheux, c’est entendu. Ils «ne s’aiment pas eux-mêmes», grince Ridley Scott, réalisateur du Napoléon, sorti le 22 novembre. Peut-être. Toujours est-il qu’ils sont attachés à leur histoire, et se méfient de son travestissement. Alors un Napoléon (Joaquin Phoenix), visage fermé, qui contemple des Russes s’enfonçant dans un lac gelé, bombardé par ses canons, c’est un peu gros. Dans son film, Ridley Scott montre un Titanic géant, agrémenté de giclée de sang sous la glace. C’est bien simple, «Austerlitz, on n’y comprend rien», tranchait Jean Tulard, historien de renom, à l’avant-première organisée par le Figaro Histoire, ce 22 novembre.

Rappelons les faits. Napoléon quitte son costume de Bonaparte le 2 décembre 1804. Il prépare son armée dans des camps à Boulogne, au nord de la France, avec, peut-être, l’idée d’envahir l’Angleterre. Cette dernière, paniquée, suscite une coalition avec l’Autriche, la Russie et la Suède. Quand le général Mack envahit la Bavière, alliée à la France, Napoléon met alors en branle ses 7 corps d’armée, les 7 torrents qui feront frémir l’Europe. Ces soldats, bien entraînés, sont imprégnés des idéaux révolutionnaires. «Ils restent dans l’esprit de Valmy», souligne David Chanteranne, historien et directeurs des sites patrimoniaux de la Malmaison.

Les Français, victorieux en Allemagne, prennent Vienne, la capitale autrichienne, mi-novembre et poursuivent les troupes ennemies qui opèrent leur jonction. Napoléon dispose alors de 73.000 soldats contre 86.000 austro-russes à Austerlitz. Son génie militaire va pouvoir se déployer. «Jeunes gens, étudiez bien ce terrain, nous nous y battrons ; vous aurez chacun un rôle à jouer», dit-il à ses maréchaux. Son idée est simple : feindre l’infériorité numérique et battre séparément les austro-russes.

La plus belle nuit de Napoléon

La nuit du 1er décembre 1805, veille du premier anniversaire de son sacre, tient une place particulière dans l’épopée napoléonienne. L’empereur inspecte ses troupes, et s’arrête dans un bivouac où il se heurte à une souche d’arbre. Pour l’éclairer, un chasseur de son escorte allume un fétu de paille, bien vite imité par les 70.000 soldats, créant un halo de lumière qui transperce l’obscurité. «C’est la plus belle nuit de ma vie», écrira-t-il. Les Austro-Russes, eux, penseront que les Français plient bagage et se rengorgeront de leur supériorité. Grave erreur.

Viens donc la bataille. À en croire Ridley Scott, Napoléon serait en surplomb, caché derrière son artillerie au milieu des pins, et ordonne le bombardement d’un gigantesque lac glacé. Il contemple, impassible quoiqu’esquissant un discret sourire satisfait, l’enfoncement des Austro-Russes. Rien n’est plus faux. «La scène est superbe, mais l’histoire est fausse», glisse le prince Joachim Murat, descendant du célèbre cavalier.

L’empereur avait d’abord occupé les hauteurs du plateau de Pratzen, mais les a volontairement dégarnis et laissée à l’ennemi. À 4h du matin le 2 décembre, quatre colonnes adverses descendent du plateau pour affronter, dans les villages de Telnitz et Sokolitz la «division de fer» de Davout, sur le flanc droit du dispositif français. Cette troupe a marché 110 kilomètres en 48h et se bat à 1 contre 4, un rapport de force qui n’effraie naturellement pas les Français. Les austro-russes s’y brisent et s’étonnent même de cette résistance. Après cinq heures de combats, Davout se retire en ordre, car Napoléon renferme son piège.

Il lance Soult à l’assaut du plateau de Pratzen dégarni. Les coalisés découvrent, alors que le brillant soleil d’Austerlitz se lève, que Napoléon dissimulait ses troupes dans le brouillard. Le dispositif adverse est coupé en deux et les Français installent leur artillerie sur le plateau. Le général russe Koutouzov panique et envoie des troupes. Les Russes envoient dix escadrons de cavalerie lourde à Pratzen et capturent un aigle impérial. Les généraux français Rapp et Bessières chargent alors furieusement au cri de : «Faisons pleurer les dames de Saint-Pétersbourg». Après deux heures combat, le plateau est définitivement contrôlé par l’empereur.

Sur le flanc droit, Murat et Lannes attaquent et détruisent le russe Bagration et le prince de Liechtenstein, les empêchant de renforcer leur centre. Les Russes s’enfuient, et Napoléon ordonne à Soult de descendre du plateau pour les poursuivre. Sur le flanc gauche Davout reprend les villages de Telnitz et Sokolnitz. Les Autrichiens s’enfuient et n’ont d’échappatoire que dans le franchissement du lac gelé de Satschan. Paniqués, plusieurs d’entre eux s’enfoncent et meurent noyés. «Mais à aucun moment, Napoléon ne fait tirer sur les lacs gelés, ce qui serait immonde», rappelle le prince Murat. Une dizaine de cadavres seront retrouvés. Contrairement à la débauche de morts montrés dans le film de Ridley Scott.

Les deux empereurs, François II d’Autriche et Alexandre 1er de Russie, imploreront la paix après cette cinglante défaite. Napoléon, lui, fait entrer le nom de cette modeste bourgade tchèque dans l’histoire. «Il vous suffira de dire : ’j’étais à Austerlitz’ pour que l’on réponde ’voilà un brave’», s’exclame-t-il, une phrase, bien sûr, absente du film. Cette bataille, toujours étudiée dans les grandes écoles militaires, tient désormais une place singulière dans l’inconscient français. Celui d’un temps où la gloire était accolée au prestige de ses armes. Peut-être est-ce pour cette raison que son travestissement est si mal reçu.

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La victoire française, selon Ridley Scott, se résume à une canonnade de fuyards sur un lac gelé. Les historiens pointent de nombreuses erreurs.

Le Français est grincheux, c’est entendu. Ils «ne s’aiment pas eux-mêmes», grince Ridley Scott, réalisateur du Napoléon, sorti le 22 novembre. Peut-être. Toujours est-il qu’ils sont attachés à leur histoire, et se méfient de son travestissement. Alors un Napoléon (Joaquin Phoenix), visage fermé, qui contemple des Russes s’enfonçant dans un lac gelé, bombardé par ses canons, c’est un peu gros. Dans son film, Ridley Scott montre un Titanic géant, agrémenté de giclée de sang sous la glace. C’est bien simple, «Austerlitz, on n’y comprend rien», tranchait Jean Tulard, historien de renom, à l’avant-première organisée par le Figaro Histoire, ce 22 novembre.

Rappelons les faits. Napoléon quitte son costume de Bonaparte le 2 décembre 1804. Il prépare son armée dans des camps à Boulogne, au nord de la France, avec, peut-être, l’idée d’envahir l’Angleterre. Cette dernière, paniquée, suscite une coalition avec l’Autriche, la Russie et la Suède. Quand le général Mack envahit la Bavière, alliée à la France, Napoléon met alors en branle ses 7 corps d’armée, les 7 torrents qui feront frémir l’Europe. Ces soldats, bien entraînés, sont imprégnés des idéaux révolutionnaires. «Ils restent dans l’esprit de Valmy», souligne David Chanteranne, historien et directeurs des sites patrimoniaux de la Malmaison.

Les Français, victorieux en Allemagne, prennent Vienne, la capitale autrichienne, mi-novembre et poursuivent les troupes ennemies qui opèrent leur jonction. Napoléon dispose alors de 73.000 soldats contre 86.000 austro-russes à Austerlitz. Son génie militaire va pouvoir se déployer. «Jeunes gens, étudiez bien ce terrain, nous nous y battrons ; vous aurez chacun un rôle à jouer», dit-il à ses maréchaux. Son idée est simple : feindre l’infériorité numérique et battre séparément les austro-russes.

La plus belle nuit de Napoléon

La nuit du 1er décembre 1805, veille du premier anniversaire de son sacre, tient une place particulière dans l’épopée napoléonienne. L’empereur inspecte ses troupes, et s’arrête dans un bivouac où il se heurte à une souche d’arbre. Pour l’éclairer, un chasseur de son escorte allume un fétu de paille, bien vite imité par les 70.000 soldats, créant un halo de lumière qui transperce l’obscurité. «C’est la plus belle nuit de ma vie», écrira-t-il. Les Austro-Russes, eux, penseront que les Français plient bagage et se rengorgeront de leur supériorité. Grave erreur.

Viens donc la bataille. À en croire Ridley Scott, Napoléon serait en surplomb, caché derrière son artillerie au milieu des pins, et ordonne le bombardement d’un gigantesque lac glacé. Il contemple, impassible quoiqu’esquissant un discret sourire satisfait, l’enfoncement des Austro-Russes. Rien n’est plus faux. «La scène est superbe, mais l’histoire est fausse», glisse le prince Joachim Murat, descendant du célèbre cavalier.

L’empereur avait d’abord occupé les hauteurs du plateau de Pratzen, mais les a volontairement dégarnis et laissée à l’ennemi. À 4h du matin le 2 décembre, quatre colonnes adverses descendent du plateau pour affronter, dans les villages de Telnitz et Sokolitz la «division de fer» de Davout, sur le flanc droit du dispositif français. Cette troupe a marché 110 kilomètres en 48h et se bat à 1 contre 4, un rapport de force qui n’effraie naturellement pas les Français. Les austro-russes s’y brisent et s’étonnent même de cette résistance. Après cinq heures de combats, Davout se retire en ordre, car Napoléon renferme son piège.

Il lance Soult à l’assaut du plateau de Pratzen dégarni. Les coalisés découvrent, alors que le brillant soleil d’Austerlitz se lève, que Napoléon dissimulait ses troupes dans le brouillard. Le dispositif adverse est coupé en deux et les Français installent leur artillerie sur le plateau. Le général russe Koutouzov panique et envoie des troupes. Les Russes envoient dix escadrons de cavalerie lourde à Pratzen et capturent un aigle impérial. Les généraux français Rapp et Bessières chargent alors furieusement au cri de : «Faisons pleurer les dames de Saint-Pétersbourg». Après deux heures combat, le plateau est définitivement contrôlé par l’empereur.

Sur le flanc droit, Murat et Lannes attaquent et détruisent le russe Bagration et le prince de Liechtenstein, les empêchant de renforcer leur centre. Les Russes s’enfuient, et Napoléon ordonne à Soult de descendre du plateau pour les poursuivre. Sur le flanc gauche Davout reprend les villages de Telnitz et Sokolnitz. Les Autrichiens s’enfuient et n’ont d’échappatoire que dans le franchissement du lac gelé de Satschan. Paniqués, plusieurs d’entre eux s’enfoncent et meurent noyés. «Mais à aucun moment, Napoléon ne fait tirer sur les lacs gelés, ce qui serait immonde», rappelle le prince Murat. Une dizaine de cadavres seront retrouvés. Contrairement à la débauche de morts montrés dans le film de Ridley Scott.

Les deux empereurs, François II d’Autriche et Alexandre 1er de Russie, imploreront la paix après cette cinglante défaite. Napoléon, lui, fait entrer le nom de cette modeste bourgade tchèque dans l’histoire. «Il vous suffira de dire : ’j’étais à Austerlitz’ pour que l’on réponde ’voilà un brave’», s’exclame-t-il, une phrase, bien sûr, absente du film. Cette bataille, toujours étudiée dans les grandes écoles militaires, tient désormais une place singulière dans l’inconscient français. Celui d’un temps où la gloire était accolée au prestige de ses armes. Peut-être est-ce pour cette raison que son travestissement est si mal reçu.

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