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La mort de Nicole Zand, ancienne journaliste culturelle au « Monde » - Le Monde

Nicole Zand.

Mercredi encore, Nicole Zand, qui est morte vendredi 23 février, à Paris, à l’âge de 91 ans, accueillait en souriant un cercle d’amis, dans la résidence pour personnes âgées où elle était entrée une semaine auparavant. Et aussitôt, elle demandait : « Comment va le journal ? Que lisez-vous ? »

Le Monde et les livres. Les deux piliers de sa vie, qui ont fait d’elle une critique passionnante et une figure de la rédaction du Monde. C’était la dernière des amazones, ces femmes qui ont été les premières à entrer dans une rédaction masculine, au service culture : Colette Godard, Claude Sarraute et Yvonne Baby, qui lui rendit un hommage magnifique dans son livre La vie retrouvée (éditions de L’Olivier, 1992). Elle les décrit l’une et l’autre, dans les bureaux de la fameuse rue des Italiens, travaillant « sur notre tapis volant de journaux ; de papiers, de feuilles, de dictionnaires, de livres – derrière les piles de Monde, derrière l’écouteur téléphonique, les rires de Nicole Zand se tapissent, s’aiguisent, jubilent, l’humour fauche ce qui dépasse, infatigable, dissuasif, les malices s’enroulent aux paroles, prolixes, rien n’est à la bonne taille pour ces yeux qui scrutent, devins ».

Jusqu’au bout, ces yeux ont scruté, devins. Des yeux en amande dans un visage slave : les parents de Nicole Zand, dont elle était la fille unique, étaient des juifs polonais. Son père Simon était né en France, sa mère y était arrivée, enfant. Elle en parlait peu, comme de sa vie, qu’elle gardait secrète. Il fallait comprendre, au détour d’une conversation, que pendant la seconde guerre mondiale, elle avait été cachée dans la Creuse, où Roland Copé, le père de Jean-François Copé, juif roumain, faisait faire du théâtre aux enfants.

La culture d’une époque

Après la Libération, Simon Zand développe ses activités dans la confection. Il voudrait que sa fille reprenne l’atelier qu’il a créé, Vestar, et qui livre des tissus à de grandes maisons, comme Lanvin. Mais Nicole veut faire des études. Il accepte qu’elle fasse HEC Jeunes filles (à l’époque, l’école n’est pas encore mixte), parce que c’est du commerce. Mais elle aspire à un autre savoir, une autre culture. Elle s’en donne les moyens, avec une détermination remarquable. Elle fait – en secret ! – Sciences Po et le Centre de formation des journalistes, où elle côtoie Bernard Pivot. Elle se lance dans le métier, travaille pour différents journaux. Puis, grâce à Louis Marcorelles et Claude Sarraute, elle entre au Monde.

Suivons ses premiers pas, témoins de la culture d’une époque, et du regard de Nicole. Le 6 août 1962, elle signe un papier sur Mourir pour Madrid, treize heures de projection sur la guerre civile en Espagne, du réalisateur Frédéric Rossif. Le 9, elle rend compte, en direct du festival de Sarlat, d’un Jules Cesar, de Shakespeare, où elle note… la présence d’écrans, et regrette une actualisation forcenée – signe qu’il y a guère de nouveau sous le soleil d’aujourd’hui.

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Nicole Zand.

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Jusqu’au bout, ces yeux ont scruté, devins. Des yeux en amande dans un visage slave : les parents de Nicole Zand, dont elle était la fille unique, étaient des juifs polonais. Son père Simon était né en France, sa mère y était arrivée, enfant. Elle en parlait peu, comme de sa vie, qu’elle gardait secrète. Il fallait comprendre, au détour d’une conversation, que pendant la seconde guerre mondiale, elle avait été cachée dans la Creuse, où Roland Copé, le père de Jean-François Copé, juif roumain, faisait faire du théâtre aux enfants.

La culture d’une époque

Après la Libération, Simon Zand développe ses activités dans la confection. Il voudrait que sa fille reprenne l’atelier qu’il a créé, Vestar, et qui livre des tissus à de grandes maisons, comme Lanvin. Mais Nicole veut faire des études. Il accepte qu’elle fasse HEC Jeunes filles (à l’époque, l’école n’est pas encore mixte), parce que c’est du commerce. Mais elle aspire à un autre savoir, une autre culture. Elle s’en donne les moyens, avec une détermination remarquable. Elle fait – en secret ! – Sciences Po et le Centre de formation des journalistes, où elle côtoie Bernard Pivot. Elle se lance dans le métier, travaille pour différents journaux. Puis, grâce à Louis Marcorelles et Claude Sarraute, elle entre au Monde.

Suivons ses premiers pas, témoins de la culture d’une époque, et du regard de Nicole. Le 6 août 1962, elle signe un papier sur Mourir pour Madrid, treize heures de projection sur la guerre civile en Espagne, du réalisateur Frédéric Rossif. Le 9, elle rend compte, en direct du festival de Sarlat, d’un Jules Cesar, de Shakespeare, où elle note… la présence d’écrans, et regrette une actualisation forcenée – signe qu’il y a guère de nouveau sous le soleil d’aujourd’hui.

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