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Saint Valentin : aux origines, des années de viols et de supplices

Saint Valentin : aux origines, des années de viols et de supplices ST VALENTIN 2018 - La Saint-Valentin n'a pas toujours été cette fête pleine de bons sentiments qu'on connait aujourd'hui. Dans les temps anciens, des traditions donnaient au viol et aux violences contre les femmes un caractère quasi-institutionnel...

[Mis à jour le 14 février 2018 à 20h57] Il faut, encore et encore, louer la civilisation des moeurs, si bien décrite et analysée par le sociologue Norbert Elias dans ses travaux. Elle se niche dans de nombreux détails de notre monde contemporain, y compris les plus anodins, y compris, parfois, les plus critiqués. Et pourtant :  la Saint-Valentin par exemple, une fête souvent vouée aux gémonies pour son côté mièvre et son évidente récupération commerciale, n'était qu'une tradition brutale, centrée sur la pratique du viol collectif, il y a encore quelques siècles. Il fut un temps - médiéval - où les fêtes de février étaient synonymes de déchaînement de haine et de violence envers les femmes. Dans l'ouvrage "Saint-Valentin, mon amour !", paru en janvier 2017 aux éditions Les Liens qui libèrent, l'historien et sociologue Jean-Claude Kaufmann raconte la Saint-Valentin des temps anciens. Une époque où des célébrations, bien ancrées dans la société, étaient organisées chaque année pour brimer, violenter voire violer les femmes.

L'auteur de "Saint Valentin, mon amour !" cite notamment le culte de l'ours, qui fut célébré au Moyen-Age, loin du romantique Valentin qu'on nous présente depuis. Considéré comme l'animal le plus proche de l'homme et à la sexualité débridée, l'animal fut l'objet de bien des théories comme celle de  l'évêque Guillaume d'Auvergne, qui écrivait en 1231 que "lorsqu'une femme s'accouple avec un ours, elle donne naissance à un bébé humain". Soucieux, sans doute, de vérifier cette théorie, des hommes se déguisaient en ours chaque année, en février, pour "chasser" les femmes. Par mimétisme avec le viril mammifère, ils pourchassaient puis enlevaient les femmes pour les emmener de force dans leur "tanière". Sur place, les victimes subissaient toutes sortes de brimades, allant parfois jusqu'au supplice et au viol. Mais ces "journées de l'ours" n'étaient qu'une version déjà édulcorée de fêtes antiques plus anciennes, appelées les "Lupercales". Il s'agissait alors de "purifier" les femmes en leur fouettant les fesses ou le ventre pour s'assurer de les rendre fécondes...

Des viols collectifs au XVe siècle

Plus loin encore dans l'horreur, l'auteur rappelle qu'au XVe siècle, dans une société où la sexualité était bridée et le mariage solidement encadré, une autre tradition pour le moins douteuse voire totalement abjecte procédait par des viols collectifs, acceptés par la société. "De jeunes hommes se rendaient chez la victime, pendant la nuit, faisaient du chahut sous ses fenêtres pour l'appeler, en la traitant de 'ribaude'. Puis, comme elle se taisait, on enfonçait sa porte", écrit Jean-Claude Kaufmann, qui indique que le phénomène était si massif que la moitié des hommes avait déjà participé à ce type de viol et que les victimes, dépucelées avant le mariage, n'avaient d'autre choix que la prostitution.

Dans "Saint Valentin, mon amour !", l'auteur analyse ces traditions sordides comme un type de catharsis sociale, contrebalancés par des "rituels encadrés", comme certains bals ou jeux de séductions "reconnus par la communauté" : "Les rituels amoureux de février et du printemps avaient donc la vertu de conjuguer la violence masculine, de canaliser cette énergie, de la conjuguer avec le désir féminin profondément refoulé. [...] Il faudra des siècles pour leur donner une forme douce et harmonieuse ; c'est toute l'histoire de la Saint-Valentin".

La Saint Valentin, une civilisation des traditions

Civiliser et canaliser les pratiques : c'est notamment dans ce but que les "loteries" ont fait leur apparition, qui permettait aux hommes de se voir désigner une partenaire pour les fêtes amoureuses. Lors de bals ou d'événements, un couple formalisé se formait, et même si la compagne désignée devait s'adonner à certaines pratiques imposées, elles bénéficiaient de limites instaurés par le cadre social.

Peu à peu, au cours des siècles, les "jeux amoureux" ont pris le pas sur les pratiques violentes tolérées dans l'ancienne société. En organisant et en cérémoniant les comportements de séduction, dans le temps et l'espace, la société a fini par valoriser et normaliser certaines approches, pour en déprécier et incriminer d'autres. Tout en restant dans la subversion, le Carnaval du 14 février va par exemple développer d'autres codes sociaux, "sous l'influence des femmes, qui , en proie à la violence sexuelle masculine, rêvaient d'autres chorégraphies amoureuses", écrit encore Jean-Claude Kaufmann.

Le sociologue cite notamment les "valentinages", aussi appelés "dônages". Le principe état simple : pour les fêtes des amoureux de février, "un porte-parole de la communauté des jeunes" associait comme il l'entendait hommes et femmes, faisant des couples à sa guise pour quelques temps. Des unions qui, généralement, "ne survivaient pas au printemps", qui qui pouvaient permettre de remettre en cause, dans certaines familles, les choix matrimoniaux préalablement envisagés par les patriarches.

Et Saint Valentin dans tout ça ?

Et Saint Valentin dans tout ça ? En tant que personnage chrétien, Saint Valentin fait référence à Valentin de Terni, moine ou prêtre ayant vécu aux balbutiements du christianisme, dans une Rome antique qui persécutait les chrétiens. Ce dernier était connu pour marier les croyants. Des unions qui ne plaisaient guère à l'empereur Claude II le Gothique, qui préférait que les hommes se tournent vers ses guerres plutôt que vers les femmes et la construction d'un foyer. Selon la légende, c'est le souverain lui-même qui va ordonner l'arrestation de Valentin.

Selon la légende, Valentin va se lier d'amitié avec Julia, la fille de son geôlier ou d'un magistrat chargé de sa surveillance selon les versions. Aveugle de naissance, elle va tomber amoureuse du prisonnier, qui lui racontait la beauté du monde tandis qu'elle lui apportait des vivres. Au contact de Valentin, Julia va finalement retrouver l'usage de ses yeux un soir où une lumière jaillit de la cellule. Par ce miracle et par ses mots, Valentin serait parvenu à convertir la jeune romaine au christianisme, ainsi que toute sa famille. Courroucé par la publicité de ces événements, Claude II ordonnera  l'exécution de Valentin. En guise de martyr, il sera roué de coups et décapité sur la voie Flaminia, le 14 février 269.

Selon Jean-Claude Kaufmann, il existe plusieurs saints du nom de Valentin qui ont été, à l'origine, protecteurs du "vignoble contre le phylloxéra", "des vaches", "de la maladie" et même de "la culture des oignons"... Mais pas de l'amour. La preuve s'il en fallait que Saint Valentin a été largement détourné à des fins politiques et religieuses. Pour le pire, mais aussi pour le meilleur, quand il s'est agi de contrecarrer des pratiques ancestrales d'une rare barbarie.

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Saint Valentin : aux origines, des années de viols et de supplices ST VALENTIN 2018 - La Saint-Valentin n'a pas toujours été cette fête pleine de bons sentiments qu'on connait aujourd'hui. Dans les temps anciens, des traditions donnaient au viol et aux violences contre les femmes un caractère quasi-institutionnel...

[Mis à jour le 14 février 2018 à 20h57] Il faut, encore et encore, louer la civilisation des moeurs, si bien décrite et analysée par le sociologue Norbert Elias dans ses travaux. Elle se niche dans de nombreux détails de notre monde contemporain, y compris les plus anodins, y compris, parfois, les plus critiqués. Et pourtant :  la Saint-Valentin par exemple, une fête souvent vouée aux gémonies pour son côté mièvre et son évidente récupération commerciale, n'était qu'une tradition brutale, centrée sur la pratique du viol collectif, il y a encore quelques siècles. Il fut un temps - médiéval - où les fêtes de février étaient synonymes de déchaînement de haine et de violence envers les femmes. Dans l'ouvrage "Saint-Valentin, mon amour !", paru en janvier 2017 aux éditions Les Liens qui libèrent, l'historien et sociologue Jean-Claude Kaufmann raconte la Saint-Valentin des temps anciens. Une époque où des célébrations, bien ancrées dans la société, étaient organisées chaque année pour brimer, violenter voire violer les femmes.

L'auteur de "Saint Valentin, mon amour !" cite notamment le culte de l'ours, qui fut célébré au Moyen-Age, loin du romantique Valentin qu'on nous présente depuis. Considéré comme l'animal le plus proche de l'homme et à la sexualité débridée, l'animal fut l'objet de bien des théories comme celle de  l'évêque Guillaume d'Auvergne, qui écrivait en 1231 que "lorsqu'une femme s'accouple avec un ours, elle donne naissance à un bébé humain". Soucieux, sans doute, de vérifier cette théorie, des hommes se déguisaient en ours chaque année, en février, pour "chasser" les femmes. Par mimétisme avec le viril mammifère, ils pourchassaient puis enlevaient les femmes pour les emmener de force dans leur "tanière". Sur place, les victimes subissaient toutes sortes de brimades, allant parfois jusqu'au supplice et au viol. Mais ces "journées de l'ours" n'étaient qu'une version déjà édulcorée de fêtes antiques plus anciennes, appelées les "Lupercales". Il s'agissait alors de "purifier" les femmes en leur fouettant les fesses ou le ventre pour s'assurer de les rendre fécondes...

Des viols collectifs au XVe siècle

Plus loin encore dans l'horreur, l'auteur rappelle qu'au XVe siècle, dans une société où la sexualité était bridée et le mariage solidement encadré, une autre tradition pour le moins douteuse voire totalement abjecte procédait par des viols collectifs, acceptés par la société. "De jeunes hommes se rendaient chez la victime, pendant la nuit, faisaient du chahut sous ses fenêtres pour l'appeler, en la traitant de 'ribaude'. Puis, comme elle se taisait, on enfonçait sa porte", écrit Jean-Claude Kaufmann, qui indique que le phénomène était si massif que la moitié des hommes avait déjà participé à ce type de viol et que les victimes, dépucelées avant le mariage, n'avaient d'autre choix que la prostitution.

Dans "Saint Valentin, mon amour !", l'auteur analyse ces traditions sordides comme un type de catharsis sociale, contrebalancés par des "rituels encadrés", comme certains bals ou jeux de séductions "reconnus par la communauté" : "Les rituels amoureux de février et du printemps avaient donc la vertu de conjuguer la violence masculine, de canaliser cette énergie, de la conjuguer avec le désir féminin profondément refoulé. [...] Il faudra des siècles pour leur donner une forme douce et harmonieuse ; c'est toute l'histoire de la Saint-Valentin".

La Saint Valentin, une civilisation des traditions

Civiliser et canaliser les pratiques : c'est notamment dans ce but que les "loteries" ont fait leur apparition, qui permettait aux hommes de se voir désigner une partenaire pour les fêtes amoureuses. Lors de bals ou d'événements, un couple formalisé se formait, et même si la compagne désignée devait s'adonner à certaines pratiques imposées, elles bénéficiaient de limites instaurés par le cadre social.

Peu à peu, au cours des siècles, les "jeux amoureux" ont pris le pas sur les pratiques violentes tolérées dans l'ancienne société. En organisant et en cérémoniant les comportements de séduction, dans le temps et l'espace, la société a fini par valoriser et normaliser certaines approches, pour en déprécier et incriminer d'autres. Tout en restant dans la subversion, le Carnaval du 14 février va par exemple développer d'autres codes sociaux, "sous l'influence des femmes, qui , en proie à la violence sexuelle masculine, rêvaient d'autres chorégraphies amoureuses", écrit encore Jean-Claude Kaufmann.

Le sociologue cite notamment les "valentinages", aussi appelés "dônages". Le principe état simple : pour les fêtes des amoureux de février, "un porte-parole de la communauté des jeunes" associait comme il l'entendait hommes et femmes, faisant des couples à sa guise pour quelques temps. Des unions qui, généralement, "ne survivaient pas au printemps", qui qui pouvaient permettre de remettre en cause, dans certaines familles, les choix matrimoniaux préalablement envisagés par les patriarches.

Et Saint Valentin dans tout ça ?

Et Saint Valentin dans tout ça ? En tant que personnage chrétien, Saint Valentin fait référence à Valentin de Terni, moine ou prêtre ayant vécu aux balbutiements du christianisme, dans une Rome antique qui persécutait les chrétiens. Ce dernier était connu pour marier les croyants. Des unions qui ne plaisaient guère à l'empereur Claude II le Gothique, qui préférait que les hommes se tournent vers ses guerres plutôt que vers les femmes et la construction d'un foyer. Selon la légende, c'est le souverain lui-même qui va ordonner l'arrestation de Valentin.

Selon la légende, Valentin va se lier d'amitié avec Julia, la fille de son geôlier ou d'un magistrat chargé de sa surveillance selon les versions. Aveugle de naissance, elle va tomber amoureuse du prisonnier, qui lui racontait la beauté du monde tandis qu'elle lui apportait des vivres. Au contact de Valentin, Julia va finalement retrouver l'usage de ses yeux un soir où une lumière jaillit de la cellule. Par ce miracle et par ses mots, Valentin serait parvenu à convertir la jeune romaine au christianisme, ainsi que toute sa famille. Courroucé par la publicité de ces événements, Claude II ordonnera  l'exécution de Valentin. En guise de martyr, il sera roué de coups et décapité sur la voie Flaminia, le 14 février 269.

Selon Jean-Claude Kaufmann, il existe plusieurs saints du nom de Valentin qui ont été, à l'origine, protecteurs du "vignoble contre le phylloxéra", "des vaches", "de la maladie" et même de "la culture des oignons"... Mais pas de l'amour. La preuve s'il en fallait que Saint Valentin a été largement détourné à des fins politiques et religieuses. Pour le pire, mais aussi pour le meilleur, quand il s'est agi de contrecarrer des pratiques ancestrales d'une rare barbarie.

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