Ketty Sina a été Clodette pendant un an et demi. Ce dimanche 11 mars marque les 40 ans de la mort de Claude François. L’ancienne danseuse raconte ses moments passés avec le chanteur.
Ketty Sina est née au Gabon dans une famille d’origine camerounaise. Elle arrive en France à 16 ans, se fait repérer deux ans plus tard par Claude François. Galas, plateaux télé, voyages... Elle a passé de beaux moments aux côtés du chanteur.
Aujourd’hui âgée de 60 ans, elle partage sa vie entre son restaurant à Paris, où elle organise des soirées en l'honneur du chanteur, Mézières-sous-Lavardin, en Sarthe, où vit son compagnon et Appenai-sous-Bellême, dans l'Orne, où le couple tient des chambres d'hôtes.
Entretien.
Comment Claude François vous-a-t-il repérée ?Un soir en septembre 1976, il est venu dans une boîte de nuit à Paris où je passais la soirée. J’adorais danser à l’époque du disco, je me donnais en spectacle. Il m’a repérée à ce moment-là. La capitaine des clodettes m’a alors approchée. J’avais 18 ans. Trois jours plus tard, je faisais ma première télé à ses côtés. J’ai été clodette jusqu’à son décès.Qui créait les chorégraphies des clodettes ?Claude s’inspirait de la musique noire américaine, notamment des émissions d’impro, de battle. Il faisait venir des bandes des États-Unis. Quand il sortait un titre, on regardait les vidéos et il s’en inspirait pour créer ses propres mouvements. Une fois, il n’a pas eu le temps de réaliser une chorégraphie, alors il a demandé à un prof de modern jazz de le faire pour lui. Le jour d’un passage télé, il nous a fait répéter sur le plateau, juste avant la représentation. C’était la première fois qu’il voyait la chorégraphie. Il était furieux, rien ne correspondait à sa personnalité, à l’image de ses Clodettes. Il nous a prises à part et a tout changé à la dernière minute ! Et finalement, tout s’est bien passé, personne ne s’est trompé.
Ces chorégraphies étaient-elles difficiles à assimiler ?C’était très dynamique et sportif. Il y avait une base de mouvements sautillés, avec des jeux de jambes, des pirouettes… Sur le titre Alexandrie Alexandra, les tours de reins étaient difficiles. J’étais assez raide. Pendant une répétition, Claude s’est retourné, a vu que je n’avais pas chopé le truc. Il m’a dit : « Si j’ai engagé une noire, ce n’est pas pour qu’elle soit plus raide qu’une blanche. » Ensuite, j’ai réussi.Une ancienne Clodette a un jour confié que Claude François lui avait dit "Tu n’as qu’à retourner sur ton cocotier"… Oui, c’était moi ! À l’époque, j’étais toujours en retard. Alors un jour, Claude m’a dit : « On ne t’a pas élevée, retourne sur ton cocotier ». Si j’avais été Suédoise, il aurait trouvé une autre pique. Aujourd’hui, ça pourrait être mal pris, mais à ce moment-là, ça n’était pas malvenu, ce n’était pas fait avec de mauvaises intentions. Ce n’était pas du racisme, c’était juste cru, comme peuvent l’être les gens qui veulent faire réagir. Il n’y avait pas plus généreux que Claude.À quoi ressemblait votre quotidien ?C’était de fabuleuses années d’insouciance. On enchaînait les voyages, les palaces, les trajets en avion privé… On était très courtisées, on était vues comme des femmes un peu inaccessibles. Claude était paternaliste, très protecteur, aux petits soins. Il voulait qu’on soit bien payées, que notre comportement soit digne de son image. On formait une grande famille.
Comment réagit-on lorsque tout cela s’arrête ?On est désemparées, on ne comprend pas, surtout quand on est jeunes. Égoïstement, au moment de son décès, on s’est dit « il n’a pas le droit de nous laisser tomber ». Je suis partie en Italie car j’avais trop de mal à être à Paris. Là-bas, sur le coup c’était fade. J’étais gogo danseuse dans une grande discothèque. Je suis revenue six mois plus tard à Paris. Très vite, j’ai senti le besoin de me refaire ma place au soleil. Ce n’était plus le gala et les télés mais le music-hall. Pendant dix ans, j’ai dansé au Paradis Latin et suis devenue meneuse de revue. Plus tard, j’ai créé une agence de mannequinat qui n’a pas marché, j’ai perdu toutes mes économies. J’ai alors traversé une période très difficile, pendant quatre ou cinq ans. J’ai rebondi en créant un restaurant à Paris, le Kamukera. C’était le lieu culte des fans. Depuis, j’ai transféré ce restaurant dans un lieu plus grand, qui s’appelle le Soixante Douze, toujours dans le 13e arrondissement. On y organise, entre autres, des soirées spéciales Claude François.Quelle est votre chanson préférée de Claude François ?Le mal aimé. C’est une chanson très sensible qui représente un peu le ressenti de Claude. Il faisait tout pour séduire, mais il était incompris, pas aimé à sa juste valeur. Il donnait beaucoup, il était populaire, mais je pense qu’il recevait peu, en dehors des fans.
On parle souvent de Claude François comme d’un bourreau de travail…Il était avant-gardiste, il avait du flair. Oui, il était obsédé par le travail, ne s’amusait peut-être pas assez. Tout était calculé et sous contrôle. Lors des soirées en sa présence, on était autour de lui, autour d’une table, on ne se donnait pas en spectacle sur la piste. Pas parce qu’il nous l’interdisait, mais parce que lui-même ne l’aurait pas fait naturellement. Il profitait à sa façon des soirées, à observer, à prendre des idées, ses neurones étaient toujours prêts à trouver des opportunités. Parfois, on raccompagnait Claude d’une soirée et avec une autre clodette, on y retournait toutes les deux juste après. On n’était pas branchées alcool ni drogue, mais on revenait pour danser, pour rigoler.Votre meilleur souvenir à ses côtés ?Un week-end, alors qu’il venait de m’engager, il m’a invitée au Moulin à Dannemois. Il m’a fait visiter le parc, on s’est baigné, c’était familial. J’y retourne souvent, quand le besoin se fait sentir. On se recueille, on va sur sa tombe. Le moulin est un lieu magique. C’est si calme.
Read AgainKetty Sina a été Clodette pendant un an et demi. Ce dimanche 11 mars marque les 40 ans de la mort de Claude François. L’ancienne danseuse raconte ses moments passés avec le chanteur.
Ketty Sina est née au Gabon dans une famille d’origine camerounaise. Elle arrive en France à 16 ans, se fait repérer deux ans plus tard par Claude François. Galas, plateaux télé, voyages... Elle a passé de beaux moments aux côtés du chanteur.
Aujourd’hui âgée de 60 ans, elle partage sa vie entre son restaurant à Paris, où elle organise des soirées en l'honneur du chanteur, Mézières-sous-Lavardin, en Sarthe, où vit son compagnon et Appenai-sous-Bellême, dans l'Orne, où le couple tient des chambres d'hôtes.
Entretien.
Comment Claude François vous-a-t-il repérée ?Un soir en septembre 1976, il est venu dans une boîte de nuit à Paris où je passais la soirée. J’adorais danser à l’époque du disco, je me donnais en spectacle. Il m’a repérée à ce moment-là. La capitaine des clodettes m’a alors approchée. J’avais 18 ans. Trois jours plus tard, je faisais ma première télé à ses côtés. J’ai été clodette jusqu’à son décès.Qui créait les chorégraphies des clodettes ?Claude s’inspirait de la musique noire américaine, notamment des émissions d’impro, de battle. Il faisait venir des bandes des États-Unis. Quand il sortait un titre, on regardait les vidéos et il s’en inspirait pour créer ses propres mouvements. Une fois, il n’a pas eu le temps de réaliser une chorégraphie, alors il a demandé à un prof de modern jazz de le faire pour lui. Le jour d’un passage télé, il nous a fait répéter sur le plateau, juste avant la représentation. C’était la première fois qu’il voyait la chorégraphie. Il était furieux, rien ne correspondait à sa personnalité, à l’image de ses Clodettes. Il nous a prises à part et a tout changé à la dernière minute ! Et finalement, tout s’est bien passé, personne ne s’est trompé.
Ces chorégraphies étaient-elles difficiles à assimiler ?C’était très dynamique et sportif. Il y avait une base de mouvements sautillés, avec des jeux de jambes, des pirouettes… Sur le titre Alexandrie Alexandra, les tours de reins étaient difficiles. J’étais assez raide. Pendant une répétition, Claude s’est retourné, a vu que je n’avais pas chopé le truc. Il m’a dit : « Si j’ai engagé une noire, ce n’est pas pour qu’elle soit plus raide qu’une blanche. » Ensuite, j’ai réussi.Une ancienne Clodette a un jour confié que Claude François lui avait dit "Tu n’as qu’à retourner sur ton cocotier"… Oui, c’était moi ! À l’époque, j’étais toujours en retard. Alors un jour, Claude m’a dit : « On ne t’a pas élevée, retourne sur ton cocotier ». Si j’avais été Suédoise, il aurait trouvé une autre pique. Aujourd’hui, ça pourrait être mal pris, mais à ce moment-là, ça n’était pas malvenu, ce n’était pas fait avec de mauvaises intentions. Ce n’était pas du racisme, c’était juste cru, comme peuvent l’être les gens qui veulent faire réagir. Il n’y avait pas plus généreux que Claude.À quoi ressemblait votre quotidien ?C’était de fabuleuses années d’insouciance. On enchaînait les voyages, les palaces, les trajets en avion privé… On était très courtisées, on était vues comme des femmes un peu inaccessibles. Claude était paternaliste, très protecteur, aux petits soins. Il voulait qu’on soit bien payées, que notre comportement soit digne de son image. On formait une grande famille.
Comment réagit-on lorsque tout cela s’arrête ?On est désemparées, on ne comprend pas, surtout quand on est jeunes. Égoïstement, au moment de son décès, on s’est dit « il n’a pas le droit de nous laisser tomber ». Je suis partie en Italie car j’avais trop de mal à être à Paris. Là-bas, sur le coup c’était fade. J’étais gogo danseuse dans une grande discothèque. Je suis revenue six mois plus tard à Paris. Très vite, j’ai senti le besoin de me refaire ma place au soleil. Ce n’était plus le gala et les télés mais le music-hall. Pendant dix ans, j’ai dansé au Paradis Latin et suis devenue meneuse de revue. Plus tard, j’ai créé une agence de mannequinat qui n’a pas marché, j’ai perdu toutes mes économies. J’ai alors traversé une période très difficile, pendant quatre ou cinq ans. J’ai rebondi en créant un restaurant à Paris, le Kamukera. C’était le lieu culte des fans. Depuis, j’ai transféré ce restaurant dans un lieu plus grand, qui s’appelle le Soixante Douze, toujours dans le 13e arrondissement. On y organise, entre autres, des soirées spéciales Claude François.Quelle est votre chanson préférée de Claude François ?Le mal aimé. C’est une chanson très sensible qui représente un peu le ressenti de Claude. Il faisait tout pour séduire, mais il était incompris, pas aimé à sa juste valeur. Il donnait beaucoup, il était populaire, mais je pense qu’il recevait peu, en dehors des fans.
On parle souvent de Claude François comme d’un bourreau de travail…Il était avant-gardiste, il avait du flair. Oui, il était obsédé par le travail, ne s’amusait peut-être pas assez. Tout était calculé et sous contrôle. Lors des soirées en sa présence, on était autour de lui, autour d’une table, on ne se donnait pas en spectacle sur la piste. Pas parce qu’il nous l’interdisait, mais parce que lui-même ne l’aurait pas fait naturellement. Il profitait à sa façon des soirées, à observer, à prendre des idées, ses neurones étaient toujours prêts à trouver des opportunités. Parfois, on raccompagnait Claude d’une soirée et avec une autre clodette, on y retournait toutes les deux juste après. On n’était pas branchées alcool ni drogue, mais on revenait pour danser, pour rigoler.Votre meilleur souvenir à ses côtés ?Un week-end, alors qu’il venait de m’engager, il m’a invitée au Moulin à Dannemois. Il m’a fait visiter le parc, on s’est baigné, c’était familial. J’y retourne souvent, quand le besoin se fait sentir. On se recueille, on va sur sa tombe. Le moulin est un lieu magique. C’est si calme.
Bagikan Berita Ini
0 Response to "Ketty Sina, l'ex-Clodette raconte ses souvenirs de Claude François"
Post a Comment