L’édition 2020 des Rencontres de la photographie vient d’être officiellement annulée dans le cadre d’un conseil d’administration extraordinaire qui vient de se tenir à Arles. Elle s’annonçait compliquée depuis la communication de sa programmation, à Arles le 12 mars dernier. Avec 35 expositions, le festival était présenté comme "riche en surprises, en exploration et en découvertes, une édition de résistance pour mettre en valeur une photographie qui se dresse, qui s’oppose, qui dénonce, qui (se) libère." Mais la grand-messe de la conférence de presse n’a pas pu, exceptionnellement, se dérouler le lendemain au ministère de la Culture à Paris : l’institution étant une des premières confinées. Pour autant, opiniâtre et passionné, Sam Stourdzé, directeur depuis 6 ans - 225 expositions organisées, "soit environ 28 à 38 années de programmation d’un musée" - avait assuré qu’il ferait tout ce qui était possible avec ses équipes pour s’adapter, et proposer quand même la photographie dans "sa" ville.
Hélas, de rebond en rebond, de supputations en déclarations gouvernementales, c’est sans attendre le plan de confinement d’Édouard Philippe, mentionnant l’interdiction des manifestations de plus de 5 000 personnes jusqu’en septembre, que la décision "déchirante" d’annuler a été prise. Elle vient donc d’être officialisée.
Parce qu’il est depuis son arrivée très proche des Arlésiens avec qui il a compris que le festival devait se construire, et qui lui ont accordé toute leur confiance et pour beaucoup leur amitié, Sam Stourdzé est revenu avec La Provence sur les semaines d’incertitudes qui ont contraint à décider d’annuler. En six ans, le directeur est parvenu à insuffler un nouveau rythme au festival. Au souci de qualité des propositions, aux publications, il a ajouté un esprit résolument optimiste et jovial. D’année en année cette renaissance s’est notamment traduite par une hausse de la fréquentation. Ils ont été 145 000 visiteurs, un record, à venir à Arles l’an passé, pour l’édition exceptionnelle des 50 ans. Et ils étaient attendus aussi nombreux cette année.
Le Covid-19 a finalement eu raison de la prometteuse programmation 2020. C’est avec beaucoup de tristesse que le directeur a fait connaître la décision ce matin.
"Depuis que nous avons annoncé la programmation nous étions dans un même état d’esprit. Nous voulions tenir coûte que coûte. C’était trop dur d’imaginer une annulation, comme tous les acteurs culturels de l’été on interprétait tout en notre faveur !" Pourtant, "le 13 avril, quand le président de la République a dit qu’il n’y aurait pas de festival possible avant le 15 juillet, cela a douché tous les espoirs. Avignon a annulé, et nous avons une nouvelle fois remouliné tous les différents scénarios pour Arles…"
Repartir d’une feuille blanche le 13 avril
L’équipe soudée des Rencontres a alors remis les compteurs à zéro. Elle est repartie d’une feuille blanche. "Nous avons additionné toutes les impossibilités : de produire les expositions, d’équiper les lieux, de renouer avec les échanges internationaux car beaucoup d’artistes venaient cette année des États-Unis, de Corée de Nord, d’Afrique du Sud, du Royaume-Uni. Et enfin, plus que la partie production, nous nous sommes attachés à la réalisation, et là nous avions un manque évident de visibilité sur la faisabilité de mener à bien un événement public. À un moment donné, il a fallu prendre nos responsabilités et voir que tout cela ne pouvait pas passer. Nous y sommes pour rien !" La santé financière du festival est aussi rapidement entrée en ligne de compte.
Un festival sans visiteur n’avait pas de sens
"Nous n’avons pas voulu prendre le risque de mettre en danger les éditions futures. Faire le festival sans visiteur n’avait pas de sens, et cela aurait eu des conséquences économiques sur 2021. Il est important que les Rencontres soient encore là en 2021, 2022 et 2023. Nous ne faisons pas preuve de mauvaise volonté, mais nous ne pouvons pas faire face", se résigne Sam Stourdzé. Pourtant fonceur dans l’âme… Plus que quiconque, il sait combien le modèle du festival est fragile. "Les Rencontres sont un très grand festival. Mais avec la crise actuelle nous nous apercevons ce que c’est que d’être indépendant et de s’autofinancer en grande partie. C’est aussi une grande source de faiblesse…" En 2019 le budget des Rencontres s’élevait à 7,8M€, avec une contribution publique à hauteur de 21% (à laquelle s’ajoute 7% au titre des emplois aidés) mais 72% sont des recettes propres, à 55% issues de la billetterie.
"Nous ne sommes pas capables d’assumer une fréquentation de 20%, cela générerait un déficit énorme. Les Rencontres, dans cette situation, seraient contraintes à s’arrêter." Depuis 6 ans Sam Stourdzé a tiré la sonnette d’alarme en demandant des assurances pour une pérennité des lieux d’expositions, la crise du Covid-19 met aussi en évidence la fragilité budgétaire de la manifestation internationale. "Avec 20% de participation portés par de l’argent public nous ne sommes pas du tout logés à la même enseigne que les autres festivals. Cela va vraiment valoir la peine de réfléchir collectivement sur les partenariats public-privé. Les Rencontres ont un statut d’association à but non lucratif, mais il faut s’assurer qu’elles peuvent traverser une crise. Elles représentent un bien commun à protéger." Ce matin un plan d’annulation a été présenté au conseil d’administration, avec des collectivités à l’écoute, "exemplaires dans leur accompagnement" a tenu à préciser le directeur.
Défendre les droits des artistes et les équipes
"Sam" comme l’appellent familièrement de nombreux Arlésiens, dans une ville où il a décidé de vivre en famile, aurait tant aimé que cette édition se déroule. C’était en effet sa dernière en tant que chef d’orchestre, puisqu’il a été promu directeur de la Villa Medicis à Rome. Adieu échanges et belles rencontres…
S’il s’empare ces prochaines semaines encore de son bâton de pèlerin, ce ne sera pas pour rencontrer les uns et les autres sur la place du Forum ou au Théâtre antique, mais pour s’assurer que les artistes qu’il défend pour le festival ne sont pas oubliés ou lésés avec l’annulation, tout comme les équipes à qui il tresse toujours des couronnes de lauriers. Il ne peut s’empêcher aussi de penser à l’ensemble des Arlésiens, à Voix Off. "C’est très dur et très triste pour moi d’imaginer que l’été va se dérouler sans le festival. Ça va être un manque de ne pas être dans le théâtre antique, de ne pas échanger avec les artistes quand ils viennent s’approprier les murs. Il y a à Arles des moments véritablement uniques quand dans la rue le public te félicite ou t’engueule…"
Ce matin il a été question de chiffres et d’alternatives par rapport à une annulation qui emporte de lourdes conséquences. Sam Stourdzé voulait avoir des assurances sur les droits d’exposition à verser quand même aux artistes et aux commissaires qui ont travaillé jusque-là, ainsi que sur le soutien aux équipes et à tout l’écosystème des Rencontres d’Arles. "Nous avons tous une pensée pour l’ensemble des Arlésiens qui se mobilisent magnifiquement pour l’accueil du public pendant les Rencontres. Je pense aux taxis, aux hôteliers, aux restaurateurs, aux commerçants. Cela va être un grand manque pour eux aussi, et j’espère qu’ils ne vont pas trop souffrir. Mais il est primordial que les Rencontres soient là pour les prochaines années !"
Sam Stourdzé ne sera plus là pour accompagner les équipes pour la reprise, mais il promet de revenir, et il est certain qu’une nouvelle direction saura relever le gant. Déjà, pour 2021, il est quasi certain que des événements de 2020 seront reportés. Avec une édition XXL ? "Tout cela est déchirant. Nous venons de vivre sept semaines importantes mais les prochaines le seront tout autant car il va y avoir des décisions importantes à prendre." À l’année les Rencontres tournent avec une quinzaine de salariés, ils sont des centaines en été. Y compris 200 emplois aidés.
L’heure n’est pas aux projections. Toutefois les Rencontres espèrent entretenir la flamme sur leur site internet. Réapparaîtront-elles avant l’année prochaine ? L’équipe en serait ravie. Mais aucun programme ne peut être avancé. Il s’est murmuré qu’à la fin août, avec les acteurs culturels d’Arles contraints aussi de passer la main, une proposition commune peut avoir lieu si la crise sanitaire permettait cette parenthèse… Comme une bouffée d’oxygène.
En attendant l’heure est à faire le deuil d’une édition qui s’annonçait grande, et une nouvelle fois surprenante et souriante. Un vrai coup dur pour la culture, les photographes qui ont besoin de cette vitrine et de ce tremplin, et toute l’économie d’une ville, évidemment. Après la Feria, cela fait décidément beaucoup.
Read AgainL’édition 2020 des Rencontres de la photographie vient d’être officiellement annulée dans le cadre d’un conseil d’administration extraordinaire qui vient de se tenir à Arles. Elle s’annonçait compliquée depuis la communication de sa programmation, à Arles le 12 mars dernier. Avec 35 expositions, le festival était présenté comme "riche en surprises, en exploration et en découvertes, une édition de résistance pour mettre en valeur une photographie qui se dresse, qui s’oppose, qui dénonce, qui (se) libère." Mais la grand-messe de la conférence de presse n’a pas pu, exceptionnellement, se dérouler le lendemain au ministère de la Culture à Paris : l’institution étant une des premières confinées. Pour autant, opiniâtre et passionné, Sam Stourdzé, directeur depuis 6 ans - 225 expositions organisées, "soit environ 28 à 38 années de programmation d’un musée" - avait assuré qu’il ferait tout ce qui était possible avec ses équipes pour s’adapter, et proposer quand même la photographie dans "sa" ville.
Hélas, de rebond en rebond, de supputations en déclarations gouvernementales, c’est sans attendre le plan de confinement d’Édouard Philippe, mentionnant l’interdiction des manifestations de plus de 5 000 personnes jusqu’en septembre, que la décision "déchirante" d’annuler a été prise. Elle vient donc d’être officialisée.
Parce qu’il est depuis son arrivée très proche des Arlésiens avec qui il a compris que le festival devait se construire, et qui lui ont accordé toute leur confiance et pour beaucoup leur amitié, Sam Stourdzé est revenu avec La Provence sur les semaines d’incertitudes qui ont contraint à décider d’annuler. En six ans, le directeur est parvenu à insuffler un nouveau rythme au festival. Au souci de qualité des propositions, aux publications, il a ajouté un esprit résolument optimiste et jovial. D’année en année cette renaissance s’est notamment traduite par une hausse de la fréquentation. Ils ont été 145 000 visiteurs, un record, à venir à Arles l’an passé, pour l’édition exceptionnelle des 50 ans. Et ils étaient attendus aussi nombreux cette année.
Le Covid-19 a finalement eu raison de la prometteuse programmation 2020. C’est avec beaucoup de tristesse que le directeur a fait connaître la décision ce matin.
"Depuis que nous avons annoncé la programmation nous étions dans un même état d’esprit. Nous voulions tenir coûte que coûte. C’était trop dur d’imaginer une annulation, comme tous les acteurs culturels de l’été on interprétait tout en notre faveur !" Pourtant, "le 13 avril, quand le président de la République a dit qu’il n’y aurait pas de festival possible avant le 15 juillet, cela a douché tous les espoirs. Avignon a annulé, et nous avons une nouvelle fois remouliné tous les différents scénarios pour Arles…"
Repartir d’une feuille blanche le 13 avril
L’équipe soudée des Rencontres a alors remis les compteurs à zéro. Elle est repartie d’une feuille blanche. "Nous avons additionné toutes les impossibilités : de produire les expositions, d’équiper les lieux, de renouer avec les échanges internationaux car beaucoup d’artistes venaient cette année des États-Unis, de Corée de Nord, d’Afrique du Sud, du Royaume-Uni. Et enfin, plus que la partie production, nous nous sommes attachés à la réalisation, et là nous avions un manque évident de visibilité sur la faisabilité de mener à bien un événement public. À un moment donné, il a fallu prendre nos responsabilités et voir que tout cela ne pouvait pas passer. Nous y sommes pour rien !" La santé financière du festival est aussi rapidement entrée en ligne de compte.
Un festival sans visiteur n’avait pas de sens
"Nous n’avons pas voulu prendre le risque de mettre en danger les éditions futures. Faire le festival sans visiteur n’avait pas de sens, et cela aurait eu des conséquences économiques sur 2021. Il est important que les Rencontres soient encore là en 2021, 2022 et 2023. Nous ne faisons pas preuve de mauvaise volonté, mais nous ne pouvons pas faire face", se résigne Sam Stourdzé. Pourtant fonceur dans l’âme… Plus que quiconque, il sait combien le modèle du festival est fragile. "Les Rencontres sont un très grand festival. Mais avec la crise actuelle nous nous apercevons ce que c’est que d’être indépendant et de s’autofinancer en grande partie. C’est aussi une grande source de faiblesse…" En 2019 le budget des Rencontres s’élevait à 7,8M€, avec une contribution publique à hauteur de 21% (à laquelle s’ajoute 7% au titre des emplois aidés) mais 72% sont des recettes propres, à 55% issues de la billetterie.
"Nous ne sommes pas capables d’assumer une fréquentation de 20%, cela générerait un déficit énorme. Les Rencontres, dans cette situation, seraient contraintes à s’arrêter." Depuis 6 ans Sam Stourdzé a tiré la sonnette d’alarme en demandant des assurances pour une pérennité des lieux d’expositions, la crise du Covid-19 met aussi en évidence la fragilité budgétaire de la manifestation internationale. "Avec 20% de participation portés par de l’argent public nous ne sommes pas du tout logés à la même enseigne que les autres festivals. Cela va vraiment valoir la peine de réfléchir collectivement sur les partenariats public-privé. Les Rencontres ont un statut d’association à but non lucratif, mais il faut s’assurer qu’elles peuvent traverser une crise. Elles représentent un bien commun à protéger." Ce matin un plan d’annulation a été présenté au conseil d’administration, avec des collectivités à l’écoute, "exemplaires dans leur accompagnement" a tenu à préciser le directeur.
Défendre les droits des artistes et les équipes
"Sam" comme l’appellent familièrement de nombreux Arlésiens, dans une ville où il a décidé de vivre en famile, aurait tant aimé que cette édition se déroule. C’était en effet sa dernière en tant que chef d’orchestre, puisqu’il a été promu directeur de la Villa Medicis à Rome. Adieu échanges et belles rencontres…
S’il s’empare ces prochaines semaines encore de son bâton de pèlerin, ce ne sera pas pour rencontrer les uns et les autres sur la place du Forum ou au Théâtre antique, mais pour s’assurer que les artistes qu’il défend pour le festival ne sont pas oubliés ou lésés avec l’annulation, tout comme les équipes à qui il tresse toujours des couronnes de lauriers. Il ne peut s’empêcher aussi de penser à l’ensemble des Arlésiens, à Voix Off. "C’est très dur et très triste pour moi d’imaginer que l’été va se dérouler sans le festival. Ça va être un manque de ne pas être dans le théâtre antique, de ne pas échanger avec les artistes quand ils viennent s’approprier les murs. Il y a à Arles des moments véritablement uniques quand dans la rue le public te félicite ou t’engueule…"
Ce matin il a été question de chiffres et d’alternatives par rapport à une annulation qui emporte de lourdes conséquences. Sam Stourdzé voulait avoir des assurances sur les droits d’exposition à verser quand même aux artistes et aux commissaires qui ont travaillé jusque-là, ainsi que sur le soutien aux équipes et à tout l’écosystème des Rencontres d’Arles. "Nous avons tous une pensée pour l’ensemble des Arlésiens qui se mobilisent magnifiquement pour l’accueil du public pendant les Rencontres. Je pense aux taxis, aux hôteliers, aux restaurateurs, aux commerçants. Cela va être un grand manque pour eux aussi, et j’espère qu’ils ne vont pas trop souffrir. Mais il est primordial que les Rencontres soient là pour les prochaines années !"
Sam Stourdzé ne sera plus là pour accompagner les équipes pour la reprise, mais il promet de revenir, et il est certain qu’une nouvelle direction saura relever le gant. Déjà, pour 2021, il est quasi certain que des événements de 2020 seront reportés. Avec une édition XXL ? "Tout cela est déchirant. Nous venons de vivre sept semaines importantes mais les prochaines le seront tout autant car il va y avoir des décisions importantes à prendre." À l’année les Rencontres tournent avec une quinzaine de salariés, ils sont des centaines en été. Y compris 200 emplois aidés.
L’heure n’est pas aux projections. Toutefois les Rencontres espèrent entretenir la flamme sur leur site internet. Réapparaîtront-elles avant l’année prochaine ? L’équipe en serait ravie. Mais aucun programme ne peut être avancé. Il s’est murmuré qu’à la fin août, avec les acteurs culturels d’Arles contraints aussi de passer la main, une proposition commune peut avoir lieu si la crise sanitaire permettait cette parenthèse… Comme une bouffée d’oxygène.
En attendant l’heure est à faire le deuil d’une édition qui s’annonçait grande, et une nouvelle fois surprenante et souriante. Un vrai coup dur pour la culture, les photographes qui ont besoin de cette vitrine et de ce tremplin, et toute l’économie d’une ville, évidemment. Après la Feria, cela fait décidément beaucoup.
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