Pour découvrir la suite d’Avatar. La voie de l’eau, de James Cameron, qu’attendaient les fans depuis des années, il nous faudra passer plus de trois heures au cinéma, 192 minutes pour être précis. Trop long ? Cameron lui-même a tranché la question lors d’un entretien avec le magazine Empire : « Je ne veux pas entendre quelqu’un se lamenter de la durée alors qu’il s’assoit et “binge-watch” [regarde plusieurs épisodes d’un seul coup] une série pendant huit heures. »
Sans entrer dans le débat sur les séries, on a tout de même l’intuition que les longs-métrages le sont de plus en plus. Le débat existe depuis des lustres dans la presse et la longueur excessive des films fait même figure de suspecte dans la crise que traverse le secteur.
Les films se sont globalement allongés au cours du XXe siècle, mais surtout pendant la première moitié du siècle. Au tout début du cinéma, les œuvres projetées étaient très courtes, dépassant rarement les quinze minutes. Dans un numéro de la revue d’histoire du cinéma 1895, publié en 1993, l’ancien administrateur de la Cinémathèque française Philippe d’Hugues situe l’avènement du long-métrage au début des années 1910, quand le cinéma quitte l’exploitation foraine pour s’implanter dans des salles sédentaires où les spectateurs attendent des récits plus détaillés. « L’année 1914 consacre l’avènement définitif du long-métrage », écrit le critique. Les films dépassent rapidement l’heure et la norme du 90 minutes s’instaure petit à petit.
Et depuis lors, peu de changement en la matière. Ce qui ne surprend guère Chloé Delaporte, chercheuse en socioéconomie du cinéma et de l’audiovisuel à l’université Paul-Valéry, à Montpellier : « A partir du moment où le système d’exploitation et le mode de distribution n’ont pas évolué, il n’y a pas de raison pour que les films changent. »
Mais alors pourquoi avons-nous tous plus ou moins l’impression que les films tirent en longueur ? Serait-ce le cas seulement de certaines catégories de films ? Nous avons testé plusieurs hypothèses. Est-ce la faute aux films à gros succès qui dépassent la longueur moyenne ? Non. Alors c’est à cause des films classés « art et essai » par le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) ? Non plus. C’est parce que les cérémonies de cinéma priment des films trop longs et nous donnent cette impression ? Toujours pas.
Résumons : à ce stade de l’exploitation de notre base de données, rien n’indique de changement notable de la durée des films dans les dernières années, voire dans les dernières décennies.
Des sagas-phares qui restent en tête ?
Tentons une autre hypothèse : cette expansion est une réalité dans certaines sagas ou univers à grand succès. C’est le cas, par exemple, des James Bond, dont le premier opus était plus long que la moyenne. Sorti en 1962, James Bond 007 contre Dr No affichait déjà 112 minutes. Depuis, il est rare que l’agent secret de feue Sa Majesté ne parvienne à sauver le monde en moins de deux heures. Quantum of Solace, sorti en 2008, est le plus court de toute la saga (107 minutes). Le dernier, Mourir peut attendre (2021), bat tous les records de la série avec 163 minutes.
Autre univers, mais tendance similaire : Disney. Jusqu’en 1990, la plupart des œuvres produites par le studio américain durent entre 75 et 85 minutes – sauf quelques pics correspondant à Mary Poppins (1965, 140 minutes), à L’Apprentie Sorcière (1972, 118 minutes), à Peter et Elliott le dragon (1978, 107 minutes) et à Qui veut la peau de Roger Rabbit (1988, 105 minutes). La durée des œuvres produites par la suite augmente globalement. Depuis 2016, celle-ci oscille autour de 100 minutes… avec un pic pour Le Retour de Mary Poppins (2018, 130 minutes).
Des « anomalies » anciennes
« Quand vous appelez une salle de cinéma pour qu’elle diffuse un film, la durée peut s’avérer importante dans la négociation, estime tout de même Jean-Fabrice Janaudy. Si c’est long mais que c’est un film à succès, même si l’exploitant ne pourra faire que trois ou quatre séances au lieu de cinq dans la journée, il ne se pose pas la question. Pour un film d’art et d’essai, avec un public plus restreint, c’est différent. » Les 3 h 14 de Titanic n’ont pas posé de problème : il reste en France le plus grand succès en salle avec plus de 21,7 millions d’entrées.
Read AgainPour découvrir la suite d’Avatar. La voie de l’eau, de James Cameron, qu’attendaient les fans depuis des années, il nous faudra passer plus de trois heures au cinéma, 192 minutes pour être précis. Trop long ? Cameron lui-même a tranché la question lors d’un entretien avec le magazine Empire : « Je ne veux pas entendre quelqu’un se lamenter de la durée alors qu’il s’assoit et “binge-watch” [regarde plusieurs épisodes d’un seul coup] une série pendant huit heures. »
Sans entrer dans le débat sur les séries, on a tout de même l’intuition que les longs-métrages le sont de plus en plus. Le débat existe depuis des lustres dans la presse et la longueur excessive des films fait même figure de suspecte dans la crise que traverse le secteur.
Les films se sont globalement allongés au cours du XXe siècle, mais surtout pendant la première moitié du siècle. Au tout début du cinéma, les œuvres projetées étaient très courtes, dépassant rarement les quinze minutes. Dans un numéro de la revue d’histoire du cinéma 1895, publié en 1993, l’ancien administrateur de la Cinémathèque française Philippe d’Hugues situe l’avènement du long-métrage au début des années 1910, quand le cinéma quitte l’exploitation foraine pour s’implanter dans des salles sédentaires où les spectateurs attendent des récits plus détaillés. « L’année 1914 consacre l’avènement définitif du long-métrage », écrit le critique. Les films dépassent rapidement l’heure et la norme du 90 minutes s’instaure petit à petit.
Et depuis lors, peu de changement en la matière. Ce qui ne surprend guère Chloé Delaporte, chercheuse en socioéconomie du cinéma et de l’audiovisuel à l’université Paul-Valéry, à Montpellier : « A partir du moment où le système d’exploitation et le mode de distribution n’ont pas évolué, il n’y a pas de raison pour que les films changent. »
Mais alors pourquoi avons-nous tous plus ou moins l’impression que les films tirent en longueur ? Serait-ce le cas seulement de certaines catégories de films ? Nous avons testé plusieurs hypothèses. Est-ce la faute aux films à gros succès qui dépassent la longueur moyenne ? Non. Alors c’est à cause des films classés « art et essai » par le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) ? Non plus. C’est parce que les cérémonies de cinéma priment des films trop longs et nous donnent cette impression ? Toujours pas.
Résumons : à ce stade de l’exploitation de notre base de données, rien n’indique de changement notable de la durée des films dans les dernières années, voire dans les dernières décennies.
Des sagas-phares qui restent en tête ?
Tentons une autre hypothèse : cette expansion est une réalité dans certaines sagas ou univers à grand succès. C’est le cas, par exemple, des James Bond, dont le premier opus était plus long que la moyenne. Sorti en 1962, James Bond 007 contre Dr No affichait déjà 112 minutes. Depuis, il est rare que l’agent secret de feue Sa Majesté ne parvienne à sauver le monde en moins de deux heures. Quantum of Solace, sorti en 2008, est le plus court de toute la saga (107 minutes). Le dernier, Mourir peut attendre (2021), bat tous les records de la série avec 163 minutes.
Autre univers, mais tendance similaire : Disney. Jusqu’en 1990, la plupart des œuvres produites par le studio américain durent entre 75 et 85 minutes – sauf quelques pics correspondant à Mary Poppins (1965, 140 minutes), à L’Apprentie Sorcière (1972, 118 minutes), à Peter et Elliott le dragon (1978, 107 minutes) et à Qui veut la peau de Roger Rabbit (1988, 105 minutes). La durée des œuvres produites par la suite augmente globalement. Depuis 2016, celle-ci oscille autour de 100 minutes… avec un pic pour Le Retour de Mary Poppins (2018, 130 minutes).
Des « anomalies » anciennes
« Quand vous appelez une salle de cinéma pour qu’elle diffuse un film, la durée peut s’avérer importante dans la négociation, estime tout de même Jean-Fabrice Janaudy. Si c’est long mais que c’est un film à succès, même si l’exploitant ne pourra faire que trois ou quatre séances au lieu de cinq dans la journée, il ne se pose pas la question. Pour un film d’art et d’essai, avec un public plus restreint, c’est différent. » Les 3 h 14 de Titanic n’ont pas posé de problème : il reste en France le plus grand succès en salle avec plus de 21,7 millions d’entrées.
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