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Avec la mort de Martin Walser, l'Allemagne perd l'un de ses plus grands écrivains de l'après-guerre - Le Monde

Martin Walser, à Birnau, en décembre 2016.

Un livre d’entretiens paru en avril 2018 s’intitule Ich würde heute ungern sterben (« Mourir aujourd’hui ne me plairait pas », Rowohlt, non traduit). Ce pied de nez à la camarde n’a pas empêché le zèle de cette dernière, qui a rattrapé dans la nuit du jeudi 27 au vendredi 28 juillet l’écrivain allemand Martin Walser. Il avait 96 ans. Mais l’esprit provocateur de ce styliste hors pair reste imprimé dans les livres et les mémoires. Ses ouvrages, romans, essais et pièces de théâtre, dévoilent, souvent sur le mode satirique, les angoisses des représentants de la moyenne bourgeoisie pris entre les avantages de la prospérité économique allemande et un lancinant sentiment d’échec personnel. Un monde qu’il connaissait bien car c’était le sien.

Martin Walser est né le 24 mars 1927 à Wasserburg, au bord du lac de Constance, dans le sud-ouest de l’Allemagne, une région qu’il n’a jamais quittée, de sa naissance jusqu’à sa mort. Il s’est éteint à Überlingen, où il vivait depuis les années 1960. Fils d’un aubergiste, il devient orphelin de son père à l’âge de 10 ans. Les souvenirs de cette enfance sont évoqués dans Une source vive (1998 ; Robert Laffont, 2001), roman où Martin Walser ne décrit pas seulement son enfance mais aussi la montée et la fin du IIIReich.

Adolescent pendant la seconde guerre mondiale, il sert dans la défense antiaérienne. Selon des documents du fichier central du Parti nazi, il aurait adhéré à ce dernier le 30 janvier 1944. Quoi qu’il en soit, ces choses ne lui ont jamais valu les déboires connus par Günter Grass (1927-2015), qui avait exactement le même âge que lui durant la guerre et qui, lui aussi, s’était engagé dans le service armé et avait été affecté à une batterie antiaérienne comme auxiliaire de la Luftwaffe. Sans doute Grass avait-il trop attendu – jusqu’en 2006 – pour faire cette révélation et s’était-il jusque-là trop présenté comme un donneur de leçons. Walser, lui, ne subira jamais d’attaques à ce sujet. Il a d’ailleurs toujours nié avoir été un nazi.

Une thèse sur Kafka qui fait toujours autorité

En 1947, il a alors 20 ans, il commence des études de littérature, d’histoire et de philosophie à Regensburg, en Bavière, puis à Tübingen. Parallèlement, à partir de 1949, il est reporter et rédacteur pour la station de radio Süddeutscher Rundfunk, à Stuttgart. En 1952, il soutient une thèse sur Kafka, qui fait toujours autorité, « Description d’une forme », à un moment où cet auteur est encore loin d’avoir les faveurs du public.

En 1953, il devient l’un des plus jeunes membres du Groupe 47 (qui doit son nom au fait qu’il s’est réuni pour la première fois en 1947 à Munich), mouvement de réflexion littéraire rassemblé autour de l’écrivain Hans Werner Richter (1908-1993), qui appelle à « des moyens de mise en forme nouveaux, un style nouveau, une littérature nouvelle ».

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Martin Walser, à Birnau, en décembre 2016.

Un livre d’entretiens paru en avril 2018 s’intitule Ich würde heute ungern sterben (« Mourir aujourd’hui ne me plairait pas », Rowohlt, non traduit). Ce pied de nez à la camarde n’a pas empêché le zèle de cette dernière, qui a rattrapé dans la nuit du jeudi 27 au vendredi 28 juillet l’écrivain allemand Martin Walser. Il avait 96 ans. Mais l’esprit provocateur de ce styliste hors pair reste imprimé dans les livres et les mémoires. Ses ouvrages, romans, essais et pièces de théâtre, dévoilent, souvent sur le mode satirique, les angoisses des représentants de la moyenne bourgeoisie pris entre les avantages de la prospérité économique allemande et un lancinant sentiment d’échec personnel. Un monde qu’il connaissait bien car c’était le sien.

Martin Walser est né le 24 mars 1927 à Wasserburg, au bord du lac de Constance, dans le sud-ouest de l’Allemagne, une région qu’il n’a jamais quittée, de sa naissance jusqu’à sa mort. Il s’est éteint à Überlingen, où il vivait depuis les années 1960. Fils d’un aubergiste, il devient orphelin de son père à l’âge de 10 ans. Les souvenirs de cette enfance sont évoqués dans Une source vive (1998 ; Robert Laffont, 2001), roman où Martin Walser ne décrit pas seulement son enfance mais aussi la montée et la fin du IIIReich.

Adolescent pendant la seconde guerre mondiale, il sert dans la défense antiaérienne. Selon des documents du fichier central du Parti nazi, il aurait adhéré à ce dernier le 30 janvier 1944. Quoi qu’il en soit, ces choses ne lui ont jamais valu les déboires connus par Günter Grass (1927-2015), qui avait exactement le même âge que lui durant la guerre et qui, lui aussi, s’était engagé dans le service armé et avait été affecté à une batterie antiaérienne comme auxiliaire de la Luftwaffe. Sans doute Grass avait-il trop attendu – jusqu’en 2006 – pour faire cette révélation et s’était-il jusque-là trop présenté comme un donneur de leçons. Walser, lui, ne subira jamais d’attaques à ce sujet. Il a d’ailleurs toujours nié avoir été un nazi.

Une thèse sur Kafka qui fait toujours autorité

En 1947, il a alors 20 ans, il commence des études de littérature, d’histoire et de philosophie à Regensburg, en Bavière, puis à Tübingen. Parallèlement, à partir de 1949, il est reporter et rédacteur pour la station de radio Süddeutscher Rundfunk, à Stuttgart. En 1952, il soutient une thèse sur Kafka, qui fait toujours autorité, « Description d’une forme », à un moment où cet auteur est encore loin d’avoir les faveurs du public.

En 1953, il devient l’un des plus jeunes membres du Groupe 47 (qui doit son nom au fait qu’il s’est réuni pour la première fois en 1947 à Munich), mouvement de réflexion littéraire rassemblé autour de l’écrivain Hans Werner Richter (1908-1993), qui appelle à « des moyens de mise en forme nouveaux, un style nouveau, une littérature nouvelle ».

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