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« Filles du feu » : La série de France 2 envoie au bûcher le mythe de la méchante sorcière - 20 Minutes

Les « Filles du feu » débarquent sur France 2. De gauche à droite sur la photo : Guillaume de Tonquédec, Michèle Laroque, Lizzie Brocheré, Anabel Lopez, Zoé Adjani, Wendy Nieto et Bruno Debrandt. A l'arrière plan : Angela Molina. — © Thierry LANGRO - FTV - Kwaï
  • La série Filles du feu débarque ce lundi à 21h10 sur France 2. On y retrouve les comédiennes Anabel Lopez, Lizzie Brocheré, Zoé Adjani, Angela Molina, Wendy Nieto et Michèle Laroque. Bruno Debrandt et Guillaume de Tonquédec sont aussi de la partie.
  • Inspirée de faits réels, la série se penche sur la persécution des « sorcières » au Pays basque au début du XVIIe siècle, par un démonologue envoyé du roi.
  • La nouvelle fiction de France Télévisions casse aussi le mythe de la vilaine sorcière maléfique tout en traitant de problématiques très actuelles.

Une vieille femme, le cheveu filasse, une grosse pustule sur le nez, le dos courbé en deux. Un balai dans une main et un chat noir de l’autre, elle regorge d’idées maléfiques et concocte les potions les plus infâmes. Voilà ce qu’on imagine en général quand on évoque la figure de la sorcière. Autant d’archétypes et de traits caricaturaux que vous ne verrez pas dans la nouvelle fiction française de France 2, intitulée Filles du feu, diffusée à partir de ce lundi à 21h10.

Les sorcières y sont pourtant centrales, ou plus précisément les chasses dont elles ont été victimes au cours de l’histoire. L’intrigue de cette série de six épisodes de 52 minutes, se déroule en 1609 au Pays basque, dans une famille de trois sœurs. Il y a Jeannette, l’aînée, mère de famille et teinturière. Catherine, une jeune veuve au caractère bien trempé, à la tête d’une compagnie de marins. Puis Morguy, la cadette, insouciante et libre comme l’air. Trois femmes issues d’une lignée de guérisseuses dont les destins vont basculer à cause d’un homme : Pierre de Lancre, un démonologue mandaté par le roi Henri IV pour juger et condamner les « hérétiques ».

Librement inspirée de faits réels, l’histoire raconte la persécution qu’ont subie plusieurs dizaines de Basques, accusées à tort de répondre aux ordres du démon. Mâtinée d’une pointe d’écoféminisme, la série démonte le mythe de la vilaine sorcière tout en s’inscrivant dans des problématiques très contemporaines.

« On a voulu la montrer comme une femme dans son époque »

Dans son petit village, Gratianne, la mère de ces trois sœurs, tient une place un peu à part. Cette matriarche incarnée par Angela Molina (Cet obscur objet du désir, Etreintes brisées), est une « sorguine » (à prononcer « chorguine »), une sorcière en basque. Connectée aux forces de la nature, elle parle aux abeilles qui la guident et lui dévoilent des bribes de l’avenir. Elle connaît aussi le pouvoir des plantes et joue un rôle fondamental dans sa communauté : celui de soigner les malades ou d’accompagner les femmes enceintes. « Dans la série, on a voulu la montrer comme une femme dans son époque mais surtout comme une femme médecin, explique la réalisatrice Magaly Richard-Serrano. L’envie était d’aller derrière le cliché de la sorcière, de montrer qu’il s’agissait d’ostéopathes, de naturopathes, de guérisseuses. »

Et c’est bien cela le cœur de cette série : réhabiliter ces femmes jugées comme criminelles puis, pour certaines, brûlées vives au motif de leurs prétendus pouvoirs magiques. 110.000 procès en sorcellerie ont été initiés entre 1430 et 1630, dont près de la moitié se sont soldés par une condamnation à mort, rappelait un article de France Inter en 2018.

« Quand on a commencé à creuser les histoires de chasses aux sorcières, ce qui nous intéressait c’était de montrer un moment historique qui avait été une bascule sur beaucoup de questions : celles des savoirs médicinaux, gynécologiques mais aussi du rapport à la nature », relate Maïté Sonnet, coscénariste de la série. Ce moment, c’est celui des balbutiements de la science moderne à la Renaissance, qui discrédite dans un même mouvement les connaissances médicinales autour de la nature et des plantes. La guérisseuse devient alors sorcière, accusée de tous les maux, sociétaux ou sanitaires.

En louant sa puissance, la série prône aussi en creux un certain retour à la nature et se pare d’un soupçon d’écoféminisme. « On voulait aussi raconter qu’en tuant ces femmes, on perdait cette connexion qui était très instinctive et très vivante avec ce qui les entourait », ajoute Giulia Volli, la seconde scénariste du projet.

« Elle cumule pas mal de libertés qui font d’elle une figure à abattre »

Dans Filles du feu, c’est le démonologue Pierre de Lancre – interprété par l’acteur Bruno Debrandt –, qui persécute Gratianne et ses filles. Ce personnage est inspiré d’un juge qui a réellement existé, et qui a été mandaté par le roi Henri IV au Pays basque pour y chasser les sorcières. Il procéda à de nombreuses arrestations et organisa des simulacres de procès. Des faits dont Pierre de Lancre a fait part à l’époque dans son ouvrage Tableau de l’inconstance des mauvais anges et démons, dont certaines citations nourrissent les dialogues de la série et donnent leurs titres aux six épisodes. « Les sorcières ne mangent que des pommes », entend-on dans le premier, « les corps des magiciennes sont toujours imparfaits », lit-on dans le second.

Mélange de faits réels et d’éléments fictionnels, Filles du feu ouvre de nouveaux horizons pour France 2. « Cela nous permettait de renouveler la série historique, d’y introduire une pincée de fantastique, mais aussi de raconter très profondément l’histoire de ces femmes et les résonances contemporaines de cette époque qui paraît lointaine », souligne Carole Le Berre, conseillère de programmes chez France Télévisions. A travers ces femmes qui se battent pour leur survie et leurs libertés, cela permet aussi à la chaîne de traiter de problématiques très actuelles.

Ainsi, les personnages des trois sœurs ont été « construits comme ayant chacune une liberté ou un savoir "sorcière" », souligne la scénariste Maïté Sonnet. Des libertés et des droits qui vont leur être peu à peu retirés par la loi des hommes. Catherine, incarnée par Lizzie Brocheré, vit seule et sans mari. Elle possède son propre commerce et dirige des hommes. « Elle cumule pas mal de libertés qui font d’elle une figure à abattre », note Maïté Sonnet. Quant à Morguy, interprétée par Zoé Adjani, son anticonformiste et sa liberté sexuelle font d’elle une marginale. Manipulé par Pierre de Lancre, ce personnage interroge également les relations toxiques et le phénomène de l’emprise.

« La sorcière est une figure qui peut beaucoup nous aider »

Ecoféminisme, violence patriarcale, droits des femmes… Notons aussi une équipe majoritairement féminine, de la production à la réalisation, en passant par le casting. Filles du feu est indéniablement marquée par le mouvement #MeToo et questionne la place des femmes dans la fiction et notre société. La série n’est pas sans évoquer dans une moindre mesure le film Portrait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma ou le travail de Mona Chollet et son retentissant ouvrage Sorcières, la puissance invaincue des femmes en 2018. L’autrice y décryptait le mythe de la sorcière à travers l’histoire et la façon dont il était ancré dans notre société contemporaine.

« Quand j’étais petite le féminisme ce n’était pas un mot, plus personne n’en parlait. Tout comme l’écologie, note Maïté Sonnet. Ces sujets nous traversent toutes et tous. Nos imaginaires de scénaristes, de réalisateurs, d’artistes, de chercheuses, sont traversés par ces questions et nous en arrivons donc aux mêmes images. C’est important de reconnaître pourquoi une figure revient tout à coup dans nos imaginaires et nous sert à réfléchir au monde d’aujourd’hui. La sorcière est une figure qui peut beaucoup nous aider, à laquelle on peut s’accrocher quand ça ne va pas trop et quand les choses régressent. »

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Les « Filles du feu » débarquent sur France 2. De gauche à droite sur la photo : Guillaume de Tonquédec, Michèle Laroque, Lizzie Brocheré, Anabel Lopez, Zoé Adjani, Wendy Nieto et Bruno Debrandt. A l'arrière plan : Angela Molina. — © Thierry LANGRO - FTV - Kwaï
  • La série Filles du feu débarque ce lundi à 21h10 sur France 2. On y retrouve les comédiennes Anabel Lopez, Lizzie Brocheré, Zoé Adjani, Angela Molina, Wendy Nieto et Michèle Laroque. Bruno Debrandt et Guillaume de Tonquédec sont aussi de la partie.
  • Inspirée de faits réels, la série se penche sur la persécution des « sorcières » au Pays basque au début du XVIIe siècle, par un démonologue envoyé du roi.
  • La nouvelle fiction de France Télévisions casse aussi le mythe de la vilaine sorcière maléfique tout en traitant de problématiques très actuelles.

Une vieille femme, le cheveu filasse, une grosse pustule sur le nez, le dos courbé en deux. Un balai dans une main et un chat noir de l’autre, elle regorge d’idées maléfiques et concocte les potions les plus infâmes. Voilà ce qu’on imagine en général quand on évoque la figure de la sorcière. Autant d’archétypes et de traits caricaturaux que vous ne verrez pas dans la nouvelle fiction française de France 2, intitulée Filles du feu, diffusée à partir de ce lundi à 21h10.

Les sorcières y sont pourtant centrales, ou plus précisément les chasses dont elles ont été victimes au cours de l’histoire. L’intrigue de cette série de six épisodes de 52 minutes, se déroule en 1609 au Pays basque, dans une famille de trois sœurs. Il y a Jeannette, l’aînée, mère de famille et teinturière. Catherine, une jeune veuve au caractère bien trempé, à la tête d’une compagnie de marins. Puis Morguy, la cadette, insouciante et libre comme l’air. Trois femmes issues d’une lignée de guérisseuses dont les destins vont basculer à cause d’un homme : Pierre de Lancre, un démonologue mandaté par le roi Henri IV pour juger et condamner les « hérétiques ».

Librement inspirée de faits réels, l’histoire raconte la persécution qu’ont subie plusieurs dizaines de Basques, accusées à tort de répondre aux ordres du démon. Mâtinée d’une pointe d’écoféminisme, la série démonte le mythe de la vilaine sorcière tout en s’inscrivant dans des problématiques très contemporaines.

« On a voulu la montrer comme une femme dans son époque »

Dans son petit village, Gratianne, la mère de ces trois sœurs, tient une place un peu à part. Cette matriarche incarnée par Angela Molina (Cet obscur objet du désir, Etreintes brisées), est une « sorguine » (à prononcer « chorguine »), une sorcière en basque. Connectée aux forces de la nature, elle parle aux abeilles qui la guident et lui dévoilent des bribes de l’avenir. Elle connaît aussi le pouvoir des plantes et joue un rôle fondamental dans sa communauté : celui de soigner les malades ou d’accompagner les femmes enceintes. « Dans la série, on a voulu la montrer comme une femme dans son époque mais surtout comme une femme médecin, explique la réalisatrice Magaly Richard-Serrano. L’envie était d’aller derrière le cliché de la sorcière, de montrer qu’il s’agissait d’ostéopathes, de naturopathes, de guérisseuses. »

Et c’est bien cela le cœur de cette série : réhabiliter ces femmes jugées comme criminelles puis, pour certaines, brûlées vives au motif de leurs prétendus pouvoirs magiques. 110.000 procès en sorcellerie ont été initiés entre 1430 et 1630, dont près de la moitié se sont soldés par une condamnation à mort, rappelait un article de France Inter en 2018.

« Quand on a commencé à creuser les histoires de chasses aux sorcières, ce qui nous intéressait c’était de montrer un moment historique qui avait été une bascule sur beaucoup de questions : celles des savoirs médicinaux, gynécologiques mais aussi du rapport à la nature », relate Maïté Sonnet, coscénariste de la série. Ce moment, c’est celui des balbutiements de la science moderne à la Renaissance, qui discrédite dans un même mouvement les connaissances médicinales autour de la nature et des plantes. La guérisseuse devient alors sorcière, accusée de tous les maux, sociétaux ou sanitaires.

En louant sa puissance, la série prône aussi en creux un certain retour à la nature et se pare d’un soupçon d’écoféminisme. « On voulait aussi raconter qu’en tuant ces femmes, on perdait cette connexion qui était très instinctive et très vivante avec ce qui les entourait », ajoute Giulia Volli, la seconde scénariste du projet.

« Elle cumule pas mal de libertés qui font d’elle une figure à abattre »

Dans Filles du feu, c’est le démonologue Pierre de Lancre – interprété par l’acteur Bruno Debrandt –, qui persécute Gratianne et ses filles. Ce personnage est inspiré d’un juge qui a réellement existé, et qui a été mandaté par le roi Henri IV au Pays basque pour y chasser les sorcières. Il procéda à de nombreuses arrestations et organisa des simulacres de procès. Des faits dont Pierre de Lancre a fait part à l’époque dans son ouvrage Tableau de l’inconstance des mauvais anges et démons, dont certaines citations nourrissent les dialogues de la série et donnent leurs titres aux six épisodes. « Les sorcières ne mangent que des pommes », entend-on dans le premier, « les corps des magiciennes sont toujours imparfaits », lit-on dans le second.

Mélange de faits réels et d’éléments fictionnels, Filles du feu ouvre de nouveaux horizons pour France 2. « Cela nous permettait de renouveler la série historique, d’y introduire une pincée de fantastique, mais aussi de raconter très profondément l’histoire de ces femmes et les résonances contemporaines de cette époque qui paraît lointaine », souligne Carole Le Berre, conseillère de programmes chez France Télévisions. A travers ces femmes qui se battent pour leur survie et leurs libertés, cela permet aussi à la chaîne de traiter de problématiques très actuelles.

Ainsi, les personnages des trois sœurs ont été « construits comme ayant chacune une liberté ou un savoir "sorcière" », souligne la scénariste Maïté Sonnet. Des libertés et des droits qui vont leur être peu à peu retirés par la loi des hommes. Catherine, incarnée par Lizzie Brocheré, vit seule et sans mari. Elle possède son propre commerce et dirige des hommes. « Elle cumule pas mal de libertés qui font d’elle une figure à abattre », note Maïté Sonnet. Quant à Morguy, interprétée par Zoé Adjani, son anticonformiste et sa liberté sexuelle font d’elle une marginale. Manipulé par Pierre de Lancre, ce personnage interroge également les relations toxiques et le phénomène de l’emprise.

« La sorcière est une figure qui peut beaucoup nous aider »

Ecoféminisme, violence patriarcale, droits des femmes… Notons aussi une équipe majoritairement féminine, de la production à la réalisation, en passant par le casting. Filles du feu est indéniablement marquée par le mouvement #MeToo et questionne la place des femmes dans la fiction et notre société. La série n’est pas sans évoquer dans une moindre mesure le film Portrait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma ou le travail de Mona Chollet et son retentissant ouvrage Sorcières, la puissance invaincue des femmes en 2018. L’autrice y décryptait le mythe de la sorcière à travers l’histoire et la façon dont il était ancré dans notre société contemporaine.

« Quand j’étais petite le féminisme ce n’était pas un mot, plus personne n’en parlait. Tout comme l’écologie, note Maïté Sonnet. Ces sujets nous traversent toutes et tous. Nos imaginaires de scénaristes, de réalisateurs, d’artistes, de chercheuses, sont traversés par ces questions et nous en arrivons donc aux mêmes images. C’est important de reconnaître pourquoi une figure revient tout à coup dans nos imaginaires et nous sert à réfléchir au monde d’aujourd’hui. La sorcière est une figure qui peut beaucoup nous aider, à laquelle on peut s’accrocher quand ça ne va pas trop et quand les choses régressent. »

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