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Comment Pierre Troisgros, éternel complice de Paul Bocuse, a su révolutionner la cuisine française - 20 Minutes

Pierre Troisgros (à gauche) et son complice de toujours Paul Bocuse lors d'un voyage à Moscou. — J.F Mesplède
  • Pierre Troisgros, chef trois étoiles au Guide Michelin, est décédé mercredi à l’âge de 92 ans.
  • Faisant partie de la « bande à Bocuse », il a incarné aux côtés de son frère Jean, le renouveau de la gastronomie française.
  • Inventeur du saumon à l’oseille, il fut l’un de premiers chefs à sortir des cuisines pour venir saluer ses clients en salle.

Il était peut-être le plus discret de la « bande à Bocuse ». Le chef roannais triplement étoilé Pierre Troisgros s’est éteint ce mercredi à l’âge de 92 ans, rejoignant ainsi au ciel «  Monsieur Paul » son complice de toujours. Celui avec lequel il avait fait ses premières armes derrière les fourneaux de Fernand Point. Celui avec lequel il avait noué une amitié hors du commun durant 70 ans.

Indissociable de son frère Jean, Pierre Troisgros a fait partie de cette génération de chefs ayant révolutionné la cuisine française au début des années 60. « On a eu Auguste Escoffier, le premier à avoir bousculé les traditions, l’homme qui a inventé la cuisine moderne au début du XXe siècle. Et puis, plus rien ne s’est passé. Il a fallu attendre un demi-siècle pour voir émerger cette génération de génies », expose Emmanuel Rubin, critique gastronomique au Figaro et cofondateur du guide Fooding.

Tendre une assiette comme on tend un miroir

« Ils ont eu la grande intelligence de comprendre qu’au début des années 60, la société avait changé, le public avait changé, les manières de table avaient changé, poursuit Emmanuel Rubin. La classe moyenne n’était plus la même que celle des années 40 et 50. On était en présence de gens qui avaient envie de bien manger tout en se faisant du bien. Eux, ont su tendre une assiette comme on tend un miroir ».

« Ils ont apporté une nouvelle vision de la cuisine : moins lourde, plus digeste », complète Jean-François Mesplède, ancien directeur du Guide Michelin. La bande de quadras fait le pari de retirer la farine des sauces, de mettre bien moins de beurre dans leurs plats et de réaliser des jus plus courts. Ils font une place plus large aux produits et revisitent totalement les bases de la cuisine traditionnelle française. Sans jamais décevoir les palais des gourmets. Et Pierre Troisgros marque particulièrement les esprits en inventant son plat signature : le saumon à l’oseille.

L’inventeur du saumon à l’oseille

« Il a eu l’idée de marier le gras du poisson avec l’acidité de l’oseille. Alors qu’on avait l’habitude de surcuire le saumon, il décide de le cuire de façon rosée, détaille Jean-François Mesplède. A l’époque, le chroniqueur du Monde avait salué cette initiative en parlant d’un plat intelligent. Et sa recette est devenue emblématique ».

« Discret », voire « timide », le chef roannais qui décroche sa troisième étoile en 1968, sera l’un des premiers à venir saluer les clients en salle. « C’était très novateur pour l’époque, rappelle l’ancien directeur du Guide Michelin. Pierre Troisgros et son frère ont permis aux cuisiniers d’être enfin considérés et d’obtenir un nouveau statut social. Avant, le métier était ingrat, mal payé. Avec eux, tout a changé. Ils sont devenus propriétaires de leurs affaires, maîtres de leurs destins ». Les cuisiniers, emmenés par le médiatique Paul Bocuse, gagnent leurs galons de stars. Mais les frères Troisgros fuient les lumières des plateaux télévisés, préférant la chaleur de leurs fourneaux.

Une star des fourneaux discrète

« Leur force a été de savoir travailler en famille, à quatre mains sans jamais se fâcher, poursuit Emmanuel Rubin. Je crois que ce travail d’équipe a calmé les ego. Sans vouloir critiquer la carrière de Paul Bocuse, on cultivait la discrétion et l’humilité au sein de la maison Troisgros ». « Leur force est surtout d’avoir su se renouveler perpétuellement, ils se sont sans cesse remis en cause. Et lorsque l’on connaît la pression engendrée par l’obtention de la troisième étoile, on sait que ce sont des choses rares dans ce métier », souligne Jean-François Mesplède, insistant sur l’exploit d’avoir réussi à conserver les trois macarons depuis plus de 50 ans. De génération en génération.

« Dans cette famille, il y a eu des héritiers qui ont su rester dans l’esprit de ce que les parents leur avaient transmis, mais qui ont su vivre avec leur temps en se renouvelant perpétuellement », explique-t-il. A commencer par Michel Troisgros, le fils de Pierre. Puis aujourd’hui César et Léo, les petits-fils.

« Pierre Troisgros était sérieux dans le travail mais il était la bonhomie incarnée. Il savait se détendre et s’amuser », se remémore Jean-François Mesplède. Et d’évoquer un souvenir à la terrasse du café Pouchkine à Moscou, où Paul Bocuse et Pierre Troisgros avaient surpris l’assistance : « Ils s’étaient mis à entonner un chant bourguignon. Les Moscovites, un peu effarés au départ, avaient fini par se lever pour applaudir et chanter avec eux. C’était très révélateur de la complicité qu’ils ont partagée tout au long de leurs vies ».

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Pierre Troisgros (à gauche) et son complice de toujours Paul Bocuse lors d'un voyage à Moscou. — J.F Mesplède
  • Pierre Troisgros, chef trois étoiles au Guide Michelin, est décédé mercredi à l’âge de 92 ans.
  • Faisant partie de la « bande à Bocuse », il a incarné aux côtés de son frère Jean, le renouveau de la gastronomie française.
  • Inventeur du saumon à l’oseille, il fut l’un de premiers chefs à sortir des cuisines pour venir saluer ses clients en salle.

Il était peut-être le plus discret de la « bande à Bocuse ». Le chef roannais triplement étoilé Pierre Troisgros s’est éteint ce mercredi à l’âge de 92 ans, rejoignant ainsi au ciel «  Monsieur Paul » son complice de toujours. Celui avec lequel il avait fait ses premières armes derrière les fourneaux de Fernand Point. Celui avec lequel il avait noué une amitié hors du commun durant 70 ans.

Indissociable de son frère Jean, Pierre Troisgros a fait partie de cette génération de chefs ayant révolutionné la cuisine française au début des années 60. « On a eu Auguste Escoffier, le premier à avoir bousculé les traditions, l’homme qui a inventé la cuisine moderne au début du XXe siècle. Et puis, plus rien ne s’est passé. Il a fallu attendre un demi-siècle pour voir émerger cette génération de génies », expose Emmanuel Rubin, critique gastronomique au Figaro et cofondateur du guide Fooding.

Tendre une assiette comme on tend un miroir

« Ils ont eu la grande intelligence de comprendre qu’au début des années 60, la société avait changé, le public avait changé, les manières de table avaient changé, poursuit Emmanuel Rubin. La classe moyenne n’était plus la même que celle des années 40 et 50. On était en présence de gens qui avaient envie de bien manger tout en se faisant du bien. Eux, ont su tendre une assiette comme on tend un miroir ».

« Ils ont apporté une nouvelle vision de la cuisine : moins lourde, plus digeste », complète Jean-François Mesplède, ancien directeur du Guide Michelin. La bande de quadras fait le pari de retirer la farine des sauces, de mettre bien moins de beurre dans leurs plats et de réaliser des jus plus courts. Ils font une place plus large aux produits et revisitent totalement les bases de la cuisine traditionnelle française. Sans jamais décevoir les palais des gourmets. Et Pierre Troisgros marque particulièrement les esprits en inventant son plat signature : le saumon à l’oseille.

L’inventeur du saumon à l’oseille

« Il a eu l’idée de marier le gras du poisson avec l’acidité de l’oseille. Alors qu’on avait l’habitude de surcuire le saumon, il décide de le cuire de façon rosée, détaille Jean-François Mesplède. A l’époque, le chroniqueur du Monde avait salué cette initiative en parlant d’un plat intelligent. Et sa recette est devenue emblématique ».

« Discret », voire « timide », le chef roannais qui décroche sa troisième étoile en 1968, sera l’un des premiers à venir saluer les clients en salle. « C’était très novateur pour l’époque, rappelle l’ancien directeur du Guide Michelin. Pierre Troisgros et son frère ont permis aux cuisiniers d’être enfin considérés et d’obtenir un nouveau statut social. Avant, le métier était ingrat, mal payé. Avec eux, tout a changé. Ils sont devenus propriétaires de leurs affaires, maîtres de leurs destins ». Les cuisiniers, emmenés par le médiatique Paul Bocuse, gagnent leurs galons de stars. Mais les frères Troisgros fuient les lumières des plateaux télévisés, préférant la chaleur de leurs fourneaux.

Une star des fourneaux discrète

« Leur force a été de savoir travailler en famille, à quatre mains sans jamais se fâcher, poursuit Emmanuel Rubin. Je crois que ce travail d’équipe a calmé les ego. Sans vouloir critiquer la carrière de Paul Bocuse, on cultivait la discrétion et l’humilité au sein de la maison Troisgros ». « Leur force est surtout d’avoir su se renouveler perpétuellement, ils se sont sans cesse remis en cause. Et lorsque l’on connaît la pression engendrée par l’obtention de la troisième étoile, on sait que ce sont des choses rares dans ce métier », souligne Jean-François Mesplède, insistant sur l’exploit d’avoir réussi à conserver les trois macarons depuis plus de 50 ans. De génération en génération.

« Dans cette famille, il y a eu des héritiers qui ont su rester dans l’esprit de ce que les parents leur avaient transmis, mais qui ont su vivre avec leur temps en se renouvelant perpétuellement », explique-t-il. A commencer par Michel Troisgros, le fils de Pierre. Puis aujourd’hui César et Léo, les petits-fils.

« Pierre Troisgros était sérieux dans le travail mais il était la bonhomie incarnée. Il savait se détendre et s’amuser », se remémore Jean-François Mesplède. Et d’évoquer un souvenir à la terrasse du café Pouchkine à Moscou, où Paul Bocuse et Pierre Troisgros avaient surpris l’assistance : « Ils s’étaient mis à entonner un chant bourguignon. Les Moscovites, un peu effarés au départ, avaient fini par se lever pour applaudir et chanter avec eux. C’était très révélateur de la complicité qu’ils ont partagée tout au long de leurs vies ».

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