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« Matrix » : Pourquoi, plus de 20 ans après sa sortie, la scène de la pilule est devenue culte chez les… - 20 Minutes

« Après cela, il n’y a plus de retour. Tu prends la pilule bleue, l’histoire s’achève, tu te réveilles dans ton lit et tu crois ce que tu veux croire. Tu prends la pilule rouge, tu restes au pays des merveilles et je te montre à quel point le terrier du lapin est profond. Souviens-toi : tout ce que j’offre, c’est la vérité, rien de plus. »

Ces quelques mots de Morpheus, une main tendue, un choix binaire et une scène qui n’en finit plus d’être détournée : alors que le quatrième volet de la saga « Matrix », Matrix Resurrections, sort sur les écrans ce mercredi, le moment où Morpheus propose à Neo – qui n’est alors que Thomas Anderson – de faire le choix de la vérité est devenu un marqueur dans l’histoire de la science-fiction, mais aussi chez les tenants du  complotisme, qui proposent d’ouvrir les yeux en prenant la pilule rouge.

« Une renaissance » qui « n’est pas facile à tenir »

Pourquoi une telle postérité ? « Matrix a eu presque un succès plus grand après qu’au moment de sa sortie, note Sylvain Delouvée, maître de conférences à l’université Rennes-2 et spécialiste du complotisme. Il a été récupéré avec cette idée de dévoilement de la vérité. Un certain nombre de grands complotistes, notamment David Icke, utilisent dans leurs discours l’image de Matrix, parce que c’est un film que tout le monde a vu et qu’il leur permet de dédiaboliser un peu la question. »

Ce choix entre pilule bleue et pilule rouge, entre chemin éclairé et retour à une dimension trompeuse, « propose soit une vie héroïque pleine de dangers, soit une vie confortable dans l’oubli des vrais enjeux », analyse Simon Bréan. « Ce qui fait fonctionner vraiment cette scène, c’est qu’il y a cette idée de renaissance, de quelque chose de douloureux à accepter, ajoute le maître de conférences à Sorbonne Université et spécialiste de la littérature de science-fiction française. Et il y a par ailleurs, avec cette figure alternative de Cypher [la figure du traître], cette idée que la vérité n’est pas quelque chose de facile à tenir. »

« Une héroïsation de la pilule rouge »

Cette séquence porte, « d’une certaine façon, un stigmate implicite » qui « marche très bien avec une logique complotiste », notamment à travers le rôle de Cypher, ajoute Simon Bréan : « Il y a une héroïsation de la pilule rouge, mais il y a aussi une stigmatisation du faible qui prend la pilule bleue, développe le maître de conférences Prendre la pilule bleue, c’est être du côté de Cypher, du côté des faibles et des traîtres, du côté des gens qui sont dominés par les intelligences artificielles. » Cette binarisation « marche très bien avec une logique complotiste qui est une logique aussi de la distinction, avec l’idée que celui qui sait est meilleur que les autres. »

Cette lecture de la scène, toutefois, n’a sûrement pas été pensée comme telle par les réalisatrices, ajoute Simon Bréan : « Cela ne me semble pas être une thèse du film : personne, dans le film, ne dit [au sujet du personnage de Cypher] : "Satané traître, il voulait reprendre la pilule bleue". Cette idée n’est pas du tout prolongée dans ce film ni dans les deux suivants. »

« Pour attirer des jeunes »

Avec le temps, des mouvances d’extrême droite se sont emparées de la scène, la synthétisant sous le nom de « redpill » pour « attirer des jeunes », note Sylvain Delouvée. Ce mouvement, né sur des réseaux sociaux et des forums, est « hétérogène », complète-t-il. Ce terme de « pilule rouge » est utilisé de façon « métaphorique » pour « décrire l’épiphanie de la vérité désagréable de la réalité dans un large éventail de contextes », explique le site Know Your Meme. « A l’inverse, le terme "pilule bleue" est utilisé pour décrire le fait de choisir l’ignorance béate plutôt que la dure vérité. »

L’expression a désormais dépassé ces cercles. Elon Musk, en mai 2020, probablement en référence à la pandémie, a tweeté à ses abonnés de « prendre la pilule rouge ». « Prise ! », lui a répondu l’une des filles et conseillère de Donald Trump, Ivanka Trump. Un échange qui n’a pas été du goût de Lilly Wachowski, une des deux réalisatrices des trois premiers Matrix. « Allez tous les deux vous faire foutre », leur a-t-elle répondu, en incitant ensuite les internautes à faire un don à un centre venant en soutien aux personnes LGBT+.

Quelques mois plus tard, c’est Hugo Weaving, qui incarne l’agent Smith, qui s’est dit « perplexe » face à cette mouvance « redpill ». « Cela montre bien que les gens ne lisent pas sous les surfaces, a-t-il expliqué au Daily Beast. Ils ne lisent pas entre les lignes. Ils prennent quelque chose qu’ils trouvent cool et le transforment pour l’adapter à leurs besoins alors que l’intention ou le sens initial de cette chose était tout le contraire. »

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« Après cela, il n’y a plus de retour. Tu prends la pilule bleue, l’histoire s’achève, tu te réveilles dans ton lit et tu crois ce que tu veux croire. Tu prends la pilule rouge, tu restes au pays des merveilles et je te montre à quel point le terrier du lapin est profond. Souviens-toi : tout ce que j’offre, c’est la vérité, rien de plus. »

Ces quelques mots de Morpheus, une main tendue, un choix binaire et une scène qui n’en finit plus d’être détournée : alors que le quatrième volet de la saga « Matrix », Matrix Resurrections, sort sur les écrans ce mercredi, le moment où Morpheus propose à Neo – qui n’est alors que Thomas Anderson – de faire le choix de la vérité est devenu un marqueur dans l’histoire de la science-fiction, mais aussi chez les tenants du  complotisme, qui proposent d’ouvrir les yeux en prenant la pilule rouge.

« Une renaissance » qui « n’est pas facile à tenir »

Pourquoi une telle postérité ? « Matrix a eu presque un succès plus grand après qu’au moment de sa sortie, note Sylvain Delouvée, maître de conférences à l’université Rennes-2 et spécialiste du complotisme. Il a été récupéré avec cette idée de dévoilement de la vérité. Un certain nombre de grands complotistes, notamment David Icke, utilisent dans leurs discours l’image de Matrix, parce que c’est un film que tout le monde a vu et qu’il leur permet de dédiaboliser un peu la question. »

Ce choix entre pilule bleue et pilule rouge, entre chemin éclairé et retour à une dimension trompeuse, « propose soit une vie héroïque pleine de dangers, soit une vie confortable dans l’oubli des vrais enjeux », analyse Simon Bréan. « Ce qui fait fonctionner vraiment cette scène, c’est qu’il y a cette idée de renaissance, de quelque chose de douloureux à accepter, ajoute le maître de conférences à Sorbonne Université et spécialiste de la littérature de science-fiction française. Et il y a par ailleurs, avec cette figure alternative de Cypher [la figure du traître], cette idée que la vérité n’est pas quelque chose de facile à tenir. »

« Une héroïsation de la pilule rouge »

Cette séquence porte, « d’une certaine façon, un stigmate implicite » qui « marche très bien avec une logique complotiste », notamment à travers le rôle de Cypher, ajoute Simon Bréan : « Il y a une héroïsation de la pilule rouge, mais il y a aussi une stigmatisation du faible qui prend la pilule bleue, développe le maître de conférences Prendre la pilule bleue, c’est être du côté de Cypher, du côté des faibles et des traîtres, du côté des gens qui sont dominés par les intelligences artificielles. » Cette binarisation « marche très bien avec une logique complotiste qui est une logique aussi de la distinction, avec l’idée que celui qui sait est meilleur que les autres. »

Cette lecture de la scène, toutefois, n’a sûrement pas été pensée comme telle par les réalisatrices, ajoute Simon Bréan : « Cela ne me semble pas être une thèse du film : personne, dans le film, ne dit [au sujet du personnage de Cypher] : "Satané traître, il voulait reprendre la pilule bleue". Cette idée n’est pas du tout prolongée dans ce film ni dans les deux suivants. »

« Pour attirer des jeunes »

Avec le temps, des mouvances d’extrême droite se sont emparées de la scène, la synthétisant sous le nom de « redpill » pour « attirer des jeunes », note Sylvain Delouvée. Ce mouvement, né sur des réseaux sociaux et des forums, est « hétérogène », complète-t-il. Ce terme de « pilule rouge » est utilisé de façon « métaphorique » pour « décrire l’épiphanie de la vérité désagréable de la réalité dans un large éventail de contextes », explique le site Know Your Meme. « A l’inverse, le terme "pilule bleue" est utilisé pour décrire le fait de choisir l’ignorance béate plutôt que la dure vérité. »

L’expression a désormais dépassé ces cercles. Elon Musk, en mai 2020, probablement en référence à la pandémie, a tweeté à ses abonnés de « prendre la pilule rouge ». « Prise ! », lui a répondu l’une des filles et conseillère de Donald Trump, Ivanka Trump. Un échange qui n’a pas été du goût de Lilly Wachowski, une des deux réalisatrices des trois premiers Matrix. « Allez tous les deux vous faire foutre », leur a-t-elle répondu, en incitant ensuite les internautes à faire un don à un centre venant en soutien aux personnes LGBT+.

Quelques mois plus tard, c’est Hugo Weaving, qui incarne l’agent Smith, qui s’est dit « perplexe » face à cette mouvance « redpill ». « Cela montre bien que les gens ne lisent pas sous les surfaces, a-t-il expliqué au Daily Beast. Ils ne lisent pas entre les lignes. Ils prennent quelque chose qu’ils trouvent cool et le transforment pour l’adapter à leurs besoins alors que l’intention ou le sens initial de cette chose était tout le contraire. »

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