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Piero Usberti, réalisateur : « A Gaza, je voulais raconter comment la vie s'insinue malgré tout » - Le Monde

Le réalisateur Piero Usberti, en 2020.

« Gaza est belle, même pour qui veut s’en aller. » Ainsi parle en voix off le réalisateur franco-italien Piero Usberti, dans Voyage à Gaza, tourné en 2018 alors qu’il n’avait que 25 ans. Le choix de la beauté s’est imposé pour filmer ce territoire qui ressemble pourtant à une prison à ciel ouvert, sous blocus israélo-égyptien depuis 2007 : à l’ouest, la mer, magnifique, mais contrôlée par les navires israéliens, à l’est, les fils barbelés… Le cinéaste né en 1992 a terminé le montage de ce premier long-métrage fin septembre 2023 (produit par Arnaud Dommerc), soit quelques jours avant l’attaque du Hamas, le 7 octobre.

Comment le désir de filmer Gaza vous est-il venu ?

Mon père, qui vit à Sienne [Italie], a mis en place un programme d’échange universitaire avec la Palestine. C’est dans ce cadre que j’ai organisé mon séjour, après mes études de philosophie à Turin. J’ai grandi avec beaucoup de paroles d’adultes, d’amis de mes parents, sur le conflit avec Israël. J’avais des images dans la tête et je voulais voir, rencontrer des jeunes de mon âge. A Gaza, j’ai été accueilli par Meri Calvelli, qui travaille dans la coopération internationale et a créé un centre d’échange culturel à Gaza – aujourd’hui, elle est à Rafah et se démène pour faire entrer les camions de ravitaillement. Dès mon arrivée, le premier soir, j’ai rencontré Sara, qui avait mon âge et faisait du bénévolat dans ce centre. Elle a été, en quelque sorte, mon fixeur [guide-interprète qui aide les journalistes sur un terrain dangereux].

Vous montrez des jeunes qui aiment profondément Gaza, même si leur vie a des côtés étouffants…

Gaza m’a surtout frappé par sa beauté, parce que le reste, malheureusement, on connaît : les humiliations permanentes de l’armée israélienne, etc. Il y a eu mille films politiques sur ce territoire, et je voulais préserver la partie poétique du projet, raconter comment la vie s’insinue malgré tout, la curiosité, la chaleur, la douceur, le plaisir de vivre même.

Je suis arrivé vers le 15 mars 2018, et l’atmosphère s’est vite tendue, avec cette première « grande marche pour le retour » organisée à proximité de la frontière, le 30 mars. La majeure partie des manifestants ne franchissaient pas la zone tampon, et pourtant les soldats israéliens tiraient. Cette marche a suscité beaucoup de débats : fallait-il y aller, au risque de sa vie ? J’ai dû repartir au bout d’un mois et, quand je suis revenu, en juin, la situation avait empiré, ce mouvement devenait un carnage.

Vous faites sentir de manière très physique le territoire. Quelle sensation avez-vous éprouvée en le traversant ?

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Le réalisateur Piero Usberti, en 2020.

« Gaza est belle, même pour qui veut s’en aller. » Ainsi parle en voix off le réalisateur franco-italien Piero Usberti, dans Voyage à Gaza, tourné en 2018 alors qu’il n’avait que 25 ans. Le choix de la beauté s’est imposé pour filmer ce territoire qui ressemble pourtant à une prison à ciel ouvert, sous blocus israélo-égyptien depuis 2007 : à l’ouest, la mer, magnifique, mais contrôlée par les navires israéliens, à l’est, les fils barbelés… Le cinéaste né en 1992 a terminé le montage de ce premier long-métrage fin septembre 2023 (produit par Arnaud Dommerc), soit quelques jours avant l’attaque du Hamas, le 7 octobre.

Comment le désir de filmer Gaza vous est-il venu ?

Mon père, qui vit à Sienne [Italie], a mis en place un programme d’échange universitaire avec la Palestine. C’est dans ce cadre que j’ai organisé mon séjour, après mes études de philosophie à Turin. J’ai grandi avec beaucoup de paroles d’adultes, d’amis de mes parents, sur le conflit avec Israël. J’avais des images dans la tête et je voulais voir, rencontrer des jeunes de mon âge. A Gaza, j’ai été accueilli par Meri Calvelli, qui travaille dans la coopération internationale et a créé un centre d’échange culturel à Gaza – aujourd’hui, elle est à Rafah et se démène pour faire entrer les camions de ravitaillement. Dès mon arrivée, le premier soir, j’ai rencontré Sara, qui avait mon âge et faisait du bénévolat dans ce centre. Elle a été, en quelque sorte, mon fixeur [guide-interprète qui aide les journalistes sur un terrain dangereux].

Vous montrez des jeunes qui aiment profondément Gaza, même si leur vie a des côtés étouffants…

Gaza m’a surtout frappé par sa beauté, parce que le reste, malheureusement, on connaît : les humiliations permanentes de l’armée israélienne, etc. Il y a eu mille films politiques sur ce territoire, et je voulais préserver la partie poétique du projet, raconter comment la vie s’insinue malgré tout, la curiosité, la chaleur, la douceur, le plaisir de vivre même.

Je suis arrivé vers le 15 mars 2018, et l’atmosphère s’est vite tendue, avec cette première « grande marche pour le retour » organisée à proximité de la frontière, le 30 mars. La majeure partie des manifestants ne franchissaient pas la zone tampon, et pourtant les soldats israéliens tiraient. Cette marche a suscité beaucoup de débats : fallait-il y aller, au risque de sa vie ? J’ai dû repartir au bout d’un mois et, quand je suis revenu, en juin, la situation avait empiré, ce mouvement devenait un carnage.

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